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Accueil de la petite enfance : un investissement d’avenir partout dans le monde

samedi 1er juillet 2017

Au-delà du jeu de mots, deux rapports récents renforcent et modernisent cette perception. Celui de Terra Nova indique que la politique de la petite enfance doit viser autant l’égalité des chances que l’appui aux parents qui travaillent. Pour le Think tank, les difficultés de la France en matière de système éducatif se jouent dès la petite enfance, dans ces années où le cerveau connaît sa période de développement neuronal la plus importante. Il propose des expériences internationales positives. De même, le rapport de France Stratégie s’attache à la comparaison en matière de capacité d’accueil collectif des jeunes enfants en France et en Allemagne. Ce pays qui a longtemps accusé un retard par rapport à la France a doublé sa capacité d’accueil collectif des enfants de moins de 3 ans et nous a dépassés.

L’égalité des chances se joue avant la maternelle, mais rien n’est perdu !

Terra Nova cite le fait qu’à quatre ans, un enfant issu d’une famille défavorisée a entendu 30 millions de mots de moins qu’un enfant de famille aisée. Il maîtrise aussi deux fois moins de mots en moyenne qu’un enfant de milieu favorisé, ce qui ralentira son apprentissage ultérieur de la lecture. Sans céder au pessimisme le rapport s’attache à présenter des expériences internationales, concrètes et éprouvées. Il met en lumière 2 expériences menées aux États-Unis composées de programmes de préscolarisation intensifs à destination d’enfants défavorisés âgés de 3 à 5 ans : sessions de lecture individualisées, jeux autour du langage à l’occasion des repas, insistance sur le développement social et émotionnel en même temps que cognitif, implication très forte des parents. Ces programmes sont accompagnés de dispositifs d’évaluation scientifique rigoureux sur 40 ans. Les résultats sont excellents en matière de réussite scolaire, d’accès à l’enseignement supérieur, de chômage plus faible et de meilleurs revenus, santé... Selon le prix Nobel d’économie James Heckman, qui a mené une analyse coûts-bénéfices détaillée de ces programmes, il s’agirait de l’investissement éducatif le plus « rentable » pour la société. Il indique que « les montants considérables investis dans la requalification professionnelle, la lutte contre le décrochage ou la prévention de l’échec scolaire au collège, bénéficieraient davantage aux individus s’ils l’étaient, 10, 15 ou 20 ans en amont, dans des initiatives de haute qualité à destination de la petite enfance ».

Selon Terra Nova, pour renouveler la politique de la petite enfance, il faut :

  • « Une vision » : la politique de la petite enfance doit viser autant l’égalité des chances par le développement de l’enfant que l’appui aux parents qui travaillent ;
  • « Un objectif principal » : en orientant cette politique vers les enfants et les parents qui en ont le plus besoin, en développant des crèches dans les quartiers populaires et les territoires ruraux, en imposant la transparence dans l’attribution des places, en améliorant la qualité pédagogique dans les crèches et en développant fortement le soutien aux parents.
  • « Une méthode » : celle du dialogue entre praticiens de terrain et chercheurs pour apporter une inspiration internationale et innovante à nos services publics de la petite enfance.

Les atouts de la France et ses faiblesses

Notre pays dispose d’un nombre de crèches important, qui croît grâce à un sensible effort financier national et qui est peu coûteux pour les familles modestes. Pourtant, ces établissements accueillent encore très peu de jeunes enfants issus de milieux défavorisés : 5 % pour un enfant né dans une famille pauvre alors que pour les enfants de familles aisées, ce chiffre est 4,5 fois plus élevé.
Mais au-delà des chiffres la priorité reste d’améliorer la qualité éducative des services publics de la petite enfance qui ont concentré historiquement leurs efforts sur la santé et la sécurité, puis sur le développement psychomoteur et la socialisation des enfants. Pour les auteurs, « la petite enfance doit être conçue comme un moment à part entière de l’éducation – peut-être même l’un des plus importants ». Il en va de même pour l’offre de soutien et de conseils aux parents qui est un objectif légitime et porteur de grands bénéfices sociaux.

L’exemple allemand peut nous aider

L’Allemagne a longtemps accusé un important retard en matière de capacité d’accueil collectif des jeunes enfants. Depuis les années 2000, elle a pris conscience que ce déficit avait des conséquences négatives et a adopté des objectifs ambitieux et volontaristes, de près de 400 000 places de crèche sur la période 2005-2018. La France, où l’orientation en faveur de la prise en charge des jeunes enfants en dehors de la famille est plus ancienne, visait quant à elle une hausse de l’ordre de 150 000 places entre 2005 et 2017.

Sur cette période, le rapport de France-Stratégie constate que le taux de réalisation est d’environ 55 % pour la France, contre près de 90 % pour l’Allemagne. Notre voisin d’outre-Rhin vient de nous dépasser. Cette dynamique ne s’explique pas par un niveau plus faible des normes allemandes en matière de sécurité, de qualification du personnel ou d’encadrement des enfants accueillis. En revanche, la gouvernance du système de crèches, en particulier le droit opposable à une solution d’accueil pour les enfants à partir d’un an, semble avoir joué un rôle important pour stimuler la création de places en Allemagne.

Un sujet qui intéresse les Français

La campagne présidentielle de 2017 a vu se développer de nombreux débats sur les inégalités éducatives en France. Mais très peu de candidats ont mis l’accent sur la petite enfance comme un moyen de prévenir ces inégalités en intervenant beaucoup plus tôt, alors que ce sujet intéresse beaucoup les familles.

Le rapport de Terra Nova invite le gouvernement et les collectivités locales à l’action en particulier à travers les nouvelles orientations de la branche Famille de la Sécurité Sociale. Il recommande une cible prioritaire, consistant à créer 40 000 nouvelles places de crèches dans les quartiers populaires et les territoires ruraux. Il s’agit non seulement de financer des modes de garde mais aussi de mieux gérer la sélection des familles et l’exigence de qualité éducative.


Sources :