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Conditions de travail et parcours professionnel antérieur : le poids de la précarité

samedi 17 mars 2018

Les conditions de travail auxquelles sont exposées les personnes ne sont pas identiques selon leur parcours professionnel (stable, dynamique ou précaire). C’est particulièrement net pour les salariés précaires caractérisés par un déclassement ou des aléas de carrière, avec là aussi des différences entre hommes et femmes. À profession identique, ces salariés connaissent de fortes exigences émotionnelles et un manque de reconnaissance dans leur emploi actuel.

Une enquête de la DARES (ministère du Travail)

Dans une enquête sur les conditions de travail des personnes en 2013, la DARES s’est interrogée sur le lien entre les conditions de travail et le parcours professionnel antérieur. Les chercheurs ont classé les salariés en trois catégories selon leur parcours professionnels :

  • 35,4 % des salariés considérés ont des parcours « stables » avec peu ou pas de changement d’emploi et une catégorie sociale stable dans le temps,
  • 38 % ont des parcours « dynamiques » avec une progression professionnelle ainsi que de nombreux changements d’emploi,
  • 26,6 % ont des parcours « précaires » caractérisés par un déclassement ou des aléas de carrière. Les parcours précaires concernent plus souvent des personnes peu diplômées et ayant une santé altérée.

Le lien entre précarité et santé

Le lien entre précarité d’emploi de court terme et santé est connu : en moyenne, les personnes en CDD ou en intérim à un instant T sont en meilleure santé mentale et physique que celles qui ont des emplois permanents, En revanche, lorsque la précarité est vécue dans la durée, elle est associée à terme à une santé altérée. Serait-ce parce qu’une carrière professionnelle marquée par la précarité débouche sur des conditions de travail dégradées ?
La DARES indique que le niveau de salaire est durablement impacté par un passage par le chômage : les personnes ayant connu la précarité acceptent des emplois moins bien rémunérés. Sont-elles également enclines à accepter des conditions de travail plus difficiles ? c’est l’ambition que se fixe cette étude.

Le lien de causalité

Les liens entre les expositions aux risques professionnels et les trajectoires de carrière ne peuvent être interprétés en termes de causalité d’après la DARES. Car les deux sens de causalité coexistent : en raison d’une carrière difficile, en particulier marquée par des aléas, les personnes ont moins la possibilité de choisir leur emploi et, de ce fait, sont plus enclines à accepter par défaut des postes présentant des conditions de travail difficiles. Inversement, des conditions de travail difficiles peuvent amener à des trajectoires de carrières interrompues en raison de problèmes de santé par exemple.

Exigences émotionnelles, manque de reconnaissance

Pour les chercheurs, c’est l’apanage des personnes ayant eu des trajectoires « précaires ». À métier identique, les hommes et les femmes aux carrières précaires déclarent être davantage exposés aux risques psychosociaux que ceux aux carrières stables.
La différence la plus nette concerne les exigences émotionnelles dans le travail c’est-à-dire, par exemple, le fait de « vivre des tensions » dans les rapports avec l’entourage professionnel, d’être en « contact avec des personnes en situation de détresse » ou encore de « devoir calmer des gens ». Que l’on se rappelle les témoignages des salariées des EHPAD en grève récemment et qui se plaignent de leurs conditions de travail.

Moins d’autonomie pour les hommes à la carrière précaire

À métier identique, les hommes au parcours professionnel précaire sont plus exposés que les hommes à la carrière stable au fait de ne pas pouvoir utiliser pleinement leurs compétences dans leur travail ou de ne pas pouvoir organiser leur travail de la manière qui convient le mieux. Des indications plutôt que des objectifs, travailler à la chaine, connaître la monotonie…
S’y rajoutent une exposition aux contraintes physiques plus importante. La difficulté à obtenir un emploi et à s’y maintenir pourrait inciter les hommes à accepter des emplois à forte pénibilité physique. Mais la causalité inverse est aussi possible.

Des conflits de valeurs et des rapports sociaux problématiques pour les femmes

Les femmes ayant vécu une carrière précaire sont moins exposées à l’intensité du travail et aux contraintes horaires mais plus exposées aux risques psychosociaux que les femmes aux carrières stables. Elles le sont également plus que leurs homologues masculins. Les femmes déclarent plus souvent avoir le « sentiment d’être exploitées » et devoir « faire des choses qu’elles désapprouvent ». De même, elles manquent plus souvent de moyens – matériel suffisant et adapté, formation continue ou information – pour « faire leur travail correctement ».
Enfin, elles vivent plus souvent des rapports sociaux difficiles au travail en particulier des comportements hostiles dont elles se déclarent victimes. Elles se plaignent d’avoir reçu des propositions à caractère sexuel, d’avoir été victimes d’une agression verbale de la part de l’entourage professionnel, de s’être entendu dire des choses obscènes ou dégradantes ou encore d’avoir subi un sabotage au travail.

En conclusion, pour les chercheurs, même si le sens de la causalité n’est pas univoque, il semble que des carrières marquées par des aléas conduisent les salariés à occuper des emplois de moindre qualité, c’est-à-dire davantage exposés à des contraintes physiques, mais aussi à certains des risques psychosociaux, avec toutefois des variations selon le genre. Les effets négatifs du chômage et des conditions de travail difficiles s’amplifient ainsi mutuellement.

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