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Evaluation très critique du contrat à durée déterminée d’usage (CDDU)

samedi 1er octobre 2016

Créé par ordonnance en 1982, le CCDU a pour objet de permettre la succession ininterrompue de CDD pour certains métiers, dans toutes les situations d’emploi, sans limitation dans le temps, sans limitation dans le nombre, sans délai de carence entre deux contrats, sans versement d’IFC (indemnité de fin de contrat). En 2014, le CDDU a représenté 3,7 millions d’embauches, soit 39 % du secteur tertiaire où il est cantonné. Cela concerne 1,2 million de salariés et 126 000 ETP (équivalents temps plein). Cinq secteurs sur les 30 autorisés utilisent majoritairement ce contrat : hôtellerie-restauration, spectacle enregistré, services à la personne des associations intermédiaires, spectacle vivant, métiers de l’évènementiel (dont enquêtes et sondages). Le rapport IGAS dresse un bilan très critique de l’usage de ce contrat enchâssé dans l’assurance chômage.

L’article L-1242-2 du code du travail dispose que le CDDU est réservé à certains secteurs d’activité définis par décret ou par convention collective étendue. Il apparait comme un contrat dérogatoire au CDD, lui-même dérogatoire par rapport au CDI. Le CDDU fait partie de la 3ème catégorie de recours au CDD avec les emplois à caractère saisonnier.

Le champ du CDDU : la loi en a délégué le champ et les éventuelles régulations à la convention collective.
Faiblement justifié à l’origine, peu actualisé depuis 1982, le champ des CDDU a dérivé au-delà des métiers ciblés à l’origine. Aujourd’hui, le champ ne fait l’objet d’aucune compréhension partagée par ses parties prenantes, ni d’aucune transparence juridique. On constate, 30 ans après, 3 dérives : augmentation du nombre ; raccourcissement de la durée des contrats ; récurrence d’un emploi pour une même entreprise, pour un même salarié. Le champ n’est ni clair, ni justifié, ni respecté, ni contrôlé.

La liste des métiers et des secteurs éligibles au CDDU est incohérente entre les décrets, les différentes conventions collectives, les différents secteurs, les différentes activités. L’articulation entre secteurs d’activité et métiers a plusieurs entrées : secteurs, catégories de métiers, métier particulier d’un secteur… « La liste des métiers et des secteurs éligibles aux CDDU est un secret le mieux gardé de notre droit social » déclare la mission, d’où une difficulté de faire respecter les règles. Il est essentiel d’établir, de publier, d’actualiser une liste exhaustive des secteurs et des métiers éligibles au CDDU.

Une incertitude juridique, de nombreux procès, des législations différentes, des dérives, des incohérences. Des métiers qui devraient être des CDI. ex : journalistes. Des métiers qui ont été écartés par le juge : ex : mannequin. Des métiers et des secteurs qui n’ont rien à voir avec les secteurs éligibles : ex : hospitalisation privée. Des métiers et des secteurs « support » contraires à la logique du CDDU : ex : emploi de production permanente de l’entreprise.

Le CDDU a accru la flexibilité et la précarité durable par l’importance des contrats courts, d’une heure à moins d’un jour pour le quart d’entre eux, moins d’une semaine pour 50 % d’entre eux.
L’enchâssement du CDDU dans l’assurance chômage par une indemnisation favorable pendant la période d’inactivité entre deux CDDU : une double peine pour les employeurs de CDI qui financent le système d’assurance chômage par leurs cotisations et qui sont pénalisés par la concurrence des contrats en CDDU. Ni l’ACOSS, ni l’UNEDIC ne disposent de la liste exhaustive des CDDU. L’Unédic, a fait une estimation en 2013 entre 132 200 et 159 200 CDDU, dont 60 % des ouvertures de droit relèvent des annexes 8 et 10 des intermittents du spectacle vivant et enregistré. Les avantages pour les employeurs de ce système économique, en termes de couple coûts/risques sont tels qu’ils n’incitent pas à favoriser l’emploi pérenne.

D’autres organisations du travail sont possibles : Le CDDU n’existe pas dans les pays étrangers. Depuis 30 ans, en France, de multiples formes de contrats de travail alternatifs ont été créées (CDI intermittent, groupement d’employeurs, CDI intérimaire, travail indépendant à multiples clients, entreprise à temps partiel partagé…)

Trois axes de réformes sont proposés par la mission de l’Igas

  • Définir de façon stricte et claire, le champ d’un futur « contrat à durées déterminées successives (CDDS) » pour une organisation productive spécifique où l’activité normale et permanente de l’entreprise à durée déterminée est assurée par une succession de missions d’au moins une semaine (en deçà, on renvoie au recours à l’intérim, ou à des prestations de services ponctuelles). La liste des organisations productives types serait définie au niveau de la négociation de branche et elle devra démontrer que le CDDU apporte une réponse adaptée aux nécessités économiques et à l’existence d’autres types de contrat de travail disponibles.
  • Définir les régulations dont devraient bénéficier les salariés en CDDS, en matière de conditions de travail, de parcours professionnel vers des emplois plus stables et à temps plus complet. Renforcer le rôle de la branche et sa négociation collective pour renforcer la sécurisation des parcours professionnels. Les incitations négatives de l’assurance chômage en faveur des contrats courts devraient être inversées pour augmenter des bouts de CDD et les transformer en CDI par des incitations financières positives.
  • Revoir les règles de la solidarité interprofessionnelle en matière d’assurance chômage de telle sorte que le bilan cotisations-prestations soit mutualisé entre les branches.

Rendre cohérent l’ordonnancement juridique du CDDS, les préconisations de l’IGAS

Le législateur fixe les principes fondamentaux du CDDS et les objectifs de la négociation collective. Les branches fixent dans une convention collective nationale les règles précises relatives au CDDS. Ces CCN sont examinées au niveau national interprofessionnel, au regard des règles d’une juste concurrence et d’une juste mutualisation des cotisations de l’assurance chômage. Le ministère étend les CCN. Les branches assurent un suivi réel des règles qu’elles ont édictées et un suivi annuel des résultats de branche en lien avec le service public de la statistique.


Références :

  • Rapport CDDU, Etienne Marie et Vincent Jacquien, membres de l’IGAS, décembre 1015.