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FRANCE EMPLOI commence mal !

mercredi 11 juin 2008

Le nouveau dispositif traduit une étatisation du système que renforcent les nominations de deux anciens conseillers sociaux du Premier Ministre Jean-Pierre Raffarin pour tenter de réussir l’amalgame de personnels venus de l’agence publique et des Assedic. L’étatisation renforcée par l’initiative du gouvernement de déposer un projet de loi sur « l’offre raisonnable d’emploi ».

Une mauvaise initiative du gouvernement

Fin avril, le nouvel organisme du service public de l’emploi, issu de la fusion de l’ANPE et des Assedic, a réuni son premier conseil d’administration (5 représentants des organisations patronales, 5 représentants des syndicats, 5 représentants de l’Etat, 1 des collectivités territoriales, 2 personnalités qualifiées). Il a élu à la quasi unanimité (seule la CGT s’est abstenue) comme président Dominique Jean Chertier, un des dirigeants de Safran et ancien directeur de l’UNEDIC, puis comme délégué général, Christian Charpy : le choix du directeur général de l’ANPE n’a pas recueilli l’assentiment de la CGT, de la CFDT, et de la CGC. Nul ne s’est étonné publiquement de voir désigner deux anciens conseillers sociaux du Premier Ministre Jean-Pierre Raffarin pour tenter de réussir l’amalgame de personnels venus de l’agence publique et des Assedic de droit privé. Il est vrai que le nouveau dispositif traduit une étatisation du système que renforcent ces nominations.

Cette interprétation d’une étatisation du système est renforcée par l’initiative du gouvernement de déposer un projet de loi sur « l’offre raisonnable d’emploi » que tout chômeur sera tenu de ne pas refuser plus de deux fois sous peine de sanction.

Cette question relève de toute évidence de la responsabilité du nouvel organisme et non de celle du Président de la République, du gouvernement et du Parlement. A le mettre ainsi devant le fait accompli, le gouvernement montre le peu de considération que le nouvel ensemble lui inspire …à moins que cette initiative ait une autre raison : une opération de communication montrant un gouvernement qui serre la vis aux chômeurs.

Cette initiative présente deux lacunes.

D’abord, le texte, s’il se donne comme garde-fou le projet personnalisé établi entre le demandeur d’emploi et France Emploi en début de chômage, reste silencieux sur les conditions d’application lorsque la situation personnelle et familiale est complexe (songeons aux femmes seules, aux contraintes liées aux enfants, au logement ou aux problèmes de santé) ; il ignore le lien à établir entre le revenu net réel et la possibilité de mobilité, même dans une zone de 30 kms.

Quand le texte prétend imposer aux chômeurs inscrits depuis plus d’un an en recherche d’emploi l’acceptation de toute offre d’emploi « rémunérée au moins à la hauteur du revenu de remplacement », sous peine de suppression de celui-ci, on s’interroge sur le réalisme d’une telle disposition. Car cet affichage est suivi d’un alinéa qui en limite l’application puisque l’offre doit respecter le niveau de salaire normalement pratiqué dans la région et la profession, ainsi que le SMIC. La justice administrative a sans doute de beaux jours devant elle.

En second lieu, l’offre raisonnable d’emploi est un des éléments de la politique que doit mettre en œuvre le nouvel organisme pour gérer l’interface entre demandes et offres d’emploi. La dynamisation de la reprise d’emploi ne peut se résumer à cette simple mesure, même si comme dans d’autres pays, l’Allemagne ou le Royaume-Uni, par exemple, de telles dispositions existent et qu’il faut définir des exigences aux demandeurs d’emploi. A défaut ils seront soupçonnés par l’opinion de ne pas faire d’effort et il faut bien des outils pour sanctionner les tricheurs…qui ne sont pas aussi nombreux que le texte le sous-entend.

Le gouvernement avait vraiment mieux à faire pour donner sens à la fusion ANPE-Assedic et à France-Emploi. Car il ne dépend pas d’abord du demandeur d’emploi que son retour sur le marché du travail se fasse le plus vite possible, comme le présuppose ce projet de loi qui repose sur l’idée fausse du « profiteur de ses indemnités et incapable de se bouger ». C’est la qualité de l’accompagnement, la mobilisation de tous les réseaux d’accès à l’offre d’emploi, le développement du nombre des emplois évidemment, la meilleure rémunération pour certains, l’investissement dans de la formation opérationnelle pour reconvertir les qualifications et ajuster les ressources humaines à la demande économique.

En prônant cette mesure, le gouvernement est silencieux sur ces registres. Probablement parce que cela coûte de l’argent et que l’arrière-plan de ce projet de loi est de pousser l’ensemble du système à faire des économies. Pourtant, comme le fait remarquer Guillaume Duval (Sommes-nous des paresseux ? Le Seuil, 2008, p.99-100), « ce n’est pas par sa générosité excessive que risque de pécher le système d’assurance chômage français. »... « On dépense deux fois plus en moyenne pour former un chômeur suédois qu’un chômeur français (toujours rapporté au PIB du pays). Au Danemark et aux Pays-Bas, c’est même plus de trois fois plus. Un chômeur belge ou autrichien touche 60% de plus en moyenne en indemnités qu’un chômeur français et un « sans travail » néerlandais ou danois, presque trois fois plus... Avec l’Allemagne, l’écart n’est en revanche « que » de 36%.(...) si les salariés danois ne redoutent pas autant que les Français de passer par la case chômage, c’est parce que la collectivité dépense là-bas chaque année 54000 euros pour aider chaque chômeur à vivre, à se former... contre 17000 actuellement en France. C’est bien simple : en 2005, le Danemark avait 4,8% de chômeurs, et il leur a consacré 4,3% de son PIB. La même année, on dénombrait en France 9,4% de chômeurs, deux fois plus que le Danemark, et le pays a royalement dépensé pour eux 2,5% de son PIB, pas tout à fait deux fois moins que le Danemark.

Si la France veut vraiment acclimater le « modèle danois », il va falloir qu’elle consente un sérieux effort budgétaire en faveur de ses chômeurs, qu’elle mette en place un management efficace des demandeurs d’emploi …ce qui passe par laisser en paix l’organisme chargé de la question qui a assez de challenges devant lui pour ne pas en plus devoir gérer les sautes d’humeurs e les recherches de faire valoir des hommes politiques.