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Inégalités et redistribution en France depuis 40 ans

mercredi 1er janvier 2020

L’INSEE, dans son Portrait social de la France depuis 40 ans, présente un éclairage sur les inégalités de niveau de vie et le rôle joué par les politiques de redistribution. Ce rôle est très important. L’étude montre qu’entre 1975 et 2016, en France métropolitaine, le niveau de vie médian après redistribution a augmenté de 56 % en euros constants. La progression est quasiment continue de 1975 au milieu des années 2000 mais, et ce n’est pas étonnant, elle stagne depuis la crise de 2008. Enfin il faut retenir que les dernières mesures socio-fiscales ont principalement profité aux plus aisés.

C’est quoi les politiques de redistribution ?

Les deux principaux canaux de la redistribution en France sont la fiscalité et en particulier l’impôt progressif et les prestations sociales. On peut aussi y inclure les services publics comme les écoles, la santé, la construction et l’entretien des routes, etc. Dans notre pays, chaque année, environ la moitié de la richesse nationale créée est reversée sous forme de prestations monétaires ou de services publics. Ce système a permis de réduire significativement les inégalités, la France étant un des pays où les inégalités sont parmi les plus faibles des pays riches. Ainsi l’écart de revenu entre les 10 % les plus riches et les 10 % les plus pauvres, qui s’élève initialement à 7, est ramené à 2,5 grâce à ce système. Tout n’est pas parfait malgré tout car on constate au fil des temps une progression des inégalités.

Quelques repères historiques

Pendant près de 40 ans, de 1975 à 2016, le niveau de vie médian après redistribution a augmenté de 56 % en euros constants. Mais cette progression a connu des rythmes différents. Une progression quasi continue de 1975 au milieu des années 2000 puis une stagnation depuis la crise de 2008. On se rappelle que la crise financière s’est ensuite déclinée en une crise économique impactant négativement la plupart des indicateurs conjoncturels tels que l’emploi. Il faut attendre 2014 pour que les effets de la crise soient compensés. Finalement, les inégalités se retrouvent aujourd’hui au niveau de 1990, très en deçà du début de période, mais un peu plus élevées que les minima atteints au début des années 2000.
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Les évolutions sont-elles parallèles ?

Les évolutions des inégalités de niveau de vie de ces quarante dernières années suivent généralement celles des inégalités avant redistribution, même si la redistribution atténue les inégalités de départ et réduit l’ampleur de leurs évolutions. Cependant, depuis 2008, l’effet redistributif accru du système socio-fiscal a largement compensé la hausse des inégalités avant redistribution. À noter, les niveaux de vie avant redistribution des retraités ont dépassé ceux des actifs, alors qu’ils leur étaient inférieurs d’un tiers il y a quarante ans.

Le poids des prestations sociales dans le budget des ménages

On constate dans l’enquête que le poids moyen des prestations sociales dans le revenu des ménages a diminué d’un quart entre 1975 et 2016, mais celles-ci sont devenues plus concentrées vers les bas revenus au fur et à mesure que les politiques sociales s’affinaient. Ainsi, alors que les 10 % de ménages les plus modestes avant redistribution recevaient 25 % du total des prestations en 1975, ils en perçoivent 46 % en 2016. C’est là le résultat des politiques contre la pauvreté, de plus en plus ciblées, mais qui explique aussi le malaise des classes moyennes basses s’estimant mal traitées. Les prestations sociales sont composées des minima sociaux et aides aux actifs à bas revenus, des allocations logement ainsi que des prestations familiales. Toutes ces prestations tiennent compte de la composition du ménage.

Et l’impôt ?

Autre versant des politiques redistributives, la fiscalité. Du fait des réformes de l’impôt sur le revenu et de l’introduction de la contribution sociale généralisée, le taux moyen des prélèvements directs a augmenté entre 1975 et 2016, mais leur progressivité a diminué sur l’ensemble de la période. Alors que la part du revenu non financier total perçue par les 10 % de ménages les plus aisés avant redistribution s’est légèrement réduite de 28 % à 26 % sur la période, la part des prélèvements totaux (hors CSG activité) dont ils s’acquittent a diminué plus fortement, de 54 % à 47 %. Ce qui les avantage.

En guise de conclusion regardons à nouveau les chiffres, la moitié du patrimoine en France est détenu par les 10 % les plus aisés, les 90 % restants se partageant l’autre moitié. En cause, en particulier, une transmission plus forte de patrimoine entre générations privilégiées. Autrement dit, les personnes les plus aisées se transmettent leur richesse d’une génération sur l’autre lissant ainsi le pouvoir redistributif du système sur plusieurs décennies. Pour nombre d’économistes la question de la transmission des patrimoines et des héritages mériterait d’être traitée pour une politique redistributive véritablement complète.

Les personnes les plus aisées sont celles qui bénéficient le plus des mesures socio-fiscales mises en œuvre en 2018, principalement du fait des réformes qui concernent les détenteurs de capital.

Car, si ces nouvelles mesures augmentent le niveau de vie de l’ensemble de la population de 1,1 %, chaque mesure a des effets différents selon la position des ménages sur l’échelle des niveaux de vie et selon le statut d’activité.
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 La bascule des cotisations sociales vers la CSG profite principalement aux personnes qui travaillent et désavantage les retraités.
 Les plus modestes bénéficient des mesures sur les minima sociaux et la prime d’activité et de la mise en place du chèque énergie, mais ils sont pénalisés par le gel des aides au logement.
 Les personnes de niveau de vie intermédiaire bénéficient quant à elles de la baisse de la taxe d’habitation et de la bascule des cotisations sociales vers la CSG.
 Les 10 % de personnes les plus aisées bénéficient d’un gain en niveau beaucoup plus important que les autres grâce au remplacement de l’impôt de solidarité sur la fortune par l’impôt sur la fortune immobilière et à la mise en place du prélèvement forfaitaire unique sur les revenus du patrimoine.

Enfin la hausse des prélèvements indirects pénalise l’ensemble de la population, mais davantage les personnes les plus modestes en proportion de leurs revenus, à comportement de consommation constant.

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