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La dépense publique avantage les personnes âgées plutôt que les jeunes

samedi 30 avril 2016

Alors que les rues de France résonnent du malaise des jeunes qui dépasse très largement la loi Travail, France Stratégie dans sa dernière note du 31 mars présente un constat sévère des politiques publiques en France. En effet, depuis trente ans, ces politiques publiques ont globalement favorisé les personnes âgées de plus de 60 ans – les seniors – au détriment des jeunes âgés de moins de 25 ans.

Les jeunes sont en difficulté dans tous les secteurs
Niveau de vie, chômage, précarité, accès au logement, indépendance financière : la situation des jeunes adultes est aujourd’hui difficile pour France stratégie. L’institution souligne que cette situation n’est pas totalement nouvelle. Les difficultés d’insertion des jeunes sur le marché du travail ont commencé dès le milieu des années 1970 et le niveau de vie des retraités a amorcé son rattrapage à la même période.
Il faut préciser que la dégradation de la situation des jeunes est relative : autrement dit, leur sort continue de s’améliorer par rapport à celui des générations précédentes, ils sont plus diplômés en particulier, mais leur sort se détériore par rapport à celui de la moyenne des seniors.

La vérité des chiffres
Si on fait la somme des dépenses de protection sociale et d’éducation, « les plus de 60 ans recevaient en 2011 l’équivalent de 17 % du PIB (11 % en 1979, soit une augmentation de 50 %), alors que les dépenses consacrées aux moins de 25 ans étaient stables à 9 % du PIB ».

Des choix différents dans les autres pays de l’OCDE
Ce choix politique distingue la France au sein de l’OCDE : « Entre 2005 et 2010, les dépenses par élève dans l’enseignement primaire et secondaire ont augmenté de 10 % ou plus dans 23 pays, mais seulement de 5 % en France ». À l’inverse, à l’autre bout du spectre, « les dépenses individuelles de prestations vieillesse ont augmenté de 53 % en France entre 1999 et 2013, alors qu’elles sont restées stables en Allemagne ».

Quelle explication ?

Cela s’explique à la fois par des mutations et des chocs économiques – ralentissement de la croissance, crise financière – et par le jeu de nos politiques publiques en matière d’éducation, d’emploi, de logement ou de protection sociale. Cette tendance résulte d’un certain nombre de choix collectifs, plus ou moins explicites.

C’est d’abord un fonctionnement du marché du travail peu favorable aux nouveaux entrants. Le taux de chômage dans les quatre années suivant la sortie de formation initiale est ainsi passé de 12 % à 20 % entre 1978 et 2014. Ce quasi-doublement masque en outre un accroissement fort des différences de situation selon le niveau de diplôme : ce taux de chômage a été multiplié par deux pour les diplômés du supérieur, par 2,5 pour les diplômés du secondaire et par 3 pour les diplômés du brevet ou les non-diplômés.

Ce sont ensuite des dépenses publiques concentrées sur les âges élevés, résultat d’un modèle social resté axé sur la couverture des risques « classiques ».
Ce modèle n’a pas su s’adapter pour faire face au « nouvel âge de la vie » que constitue la jeunesse, dont l’accompagnement reste aujourd’hui du principal ressort des solidarités familiales et des protections traditionnelles – amélioration du « statut » d’étudiant avec les bourses et les aides au logement notamment, augmentation de l’âge de prise en charge des enfants pour les prestations familiales. Cette orientation a laissé de côté un nombre croissant de jeunes en situation précaire sur le marché du travail ou exclus de leur cellule familiale et en les écartant du droit commun comme l’accès au RSA ou en créant pour eux des dispositifs dédiés comme la « garantie jeunes ».

C’est enfin le choix d’une large couverture publique en matière de santé et de retraite. On le sait, pour les personnes âgées, leurs besoins médicaux sont beaucoup plus importants et donc lourds financièrement. Mais, cette large couverture a été rendue possible dans le passé par un contexte démographique exceptionnel, le vieillissement démographique actuel rendra la poursuite de cette tendance non soutenable dans les années à venir.

Comment agir ?
Pour l’avenir France Stratégie propose 3 approches.

  • Quels principes de justice ? « L’approche intergénérationnelle ne doit pas occulter le maintien d’inégalités fortes au sein des classes d’âge. C’est vrai pour les retraités, mais plus encore pour les jeunes, notent les auteurs. Ce qui suscite une interrogation : l’effort de rééquilibrage doit-il porter sur les jeunes pris dans leur ensemble ou sur ceux qui sont issus d’un milieu social défavorisé ou sont privés de soutien parental ? »
  • Quel ciblage ? Faut-il privilégier des dispositifs ciblés sur les jeunes ou viser leur accès aux politiques de droit commun ?
  • Quel financement ? « Une plus grande mise à contribution des plus âgés peut passer par une réduction des différences de taxation selon l’âge dans le système actuel sans en modifier la structure », peut-on lire dans la note.

Conclusion

Aborder ce type de questions amène à s’interroger sur les relations et l’équité intergénérationnelles. Il reste de nombreux retraités pauvres, surtout des femmes et il n’est donc pas question d’opposer les générations. Mais force est de constater que pour les jeunes, c’est le financement de l’école et du collège qui est plus faible qu’ailleurs et qui n’assure pas l’égalité des chances. Enfin, la question de l’adaptation des risques aux nouvelles évolutions de la société mérite d’être posée.


Sources