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La généralisation de la complémentaire santé : point d’étape

samedi 23 mai 2015

Après bien des péripéties et l’intervention du Conseil Constitutionnel (contre les clauses de désignation et certains éléments du dispositif de recommandations des assureurs par l’État), où en sommes-nous de l’appropriation de ce système complexe par les entreprises ?

La généralisation s’impose à tous au 1er janvier 2016
On se rappelle que la loi de sécurisation de l’emploi (14 juin 2013), issue de l’accord national interprofessionnel (ANI) du 11 janvier 2013, généralise, à l’article 1, la complémentaire santé d’entreprise collective et obligatoire à compter du 1er janvier 2016 et allonge la durée de portabilité des droits santé et prévoyance.

Près de 2 millions de salariés sont concernés directement par la généralisation de la complémentaire. Ils vont passer d’ici 3 ans du segment individuel vers le segment collectif et au final ce nouveau dispositif couvrira 400 000 salariés aujourd’hui privés de complémentaire santé. De plus, les salariés qui perdent leur emploi conserveront la complémentaire santé pendant une durée maximale de 12 mois à titre gratuit.

Les garanties complémentaires santé peuvent être proposées par une institution de prévoyance, une mutuelle, une société d’assurances.

Certains estiment qu’il s’agit d’une mesure très coûteuse. Le coût total de la généralisation à tous les salariés de la complémentaire santé oscille entre 3,5 et 5,1 milliards d’euros selon les experts.

Votre entreprise est certainement concernée par l’une ou l’autre des modalités en cours.
En effet, s’il convient de noter que les principaux concernés par la généralisation de la complémentaire maladie sont les TPE et PME (le taux de pénétration de la couverture santé collective est proportionnel à la taille de l’entreprise), toutes les entreprises et les sections syndicales doivent être attentives.

Car, l’article 1 de la loi concerne en fait toutes les entreprises.

Celles qui ont déjà mis en place une complémentaire santé doivent vérifier que leur couverture correspond bien à la couverture minimum obligatoire (nouvel article L. 911-7 du code de la Sécurité sociale) et aux évolutions réglementaires, notamment quant au mode de mise en place de cette couverture ou aux garanties de cette dernière (panier de soins et contrats responsables) ainsi qu’aux avantages fiscaux et sociaux pour les salariés et les entreprises si le contrat souscrit par l’entreprise est dit responsable. Un contrat est dit responsable s’il couvre obligatoirement l’intégralité du forfait journalier hospitalier ; de plus, les plafonds de remboursement des frais d’optiques et des dépassements d’honoraires doivent être restreints.

Celles qui n’ont pas de couverture santé doivent impérativement mettre en place un dispositif au moins égal à la couverture minimum obligatoire, avec un financement au moins égal à 50% de la part de l’entreprise et avec un regard attentif sur la négociation de leur branche, dont les résultats s’imposent à elles. La complémentaire santé qui sera mise en place en leur sein ne pourra pas être de qualité inférieure à celle négociée par la branche.

Les négociations de branche s’imposent à toutes les entreprises
Les négociations entre partenaires sociaux ont en effet lieu dans beaucoup de branches. Elles déboucheront ou ont débouché sur des minima de couverture santé supérieurs à ce que prévoit la loi. Actuellement, près de 100 branches sur 250 ont déjà instauré une complémentaire santé obligatoire, mais ce chiffre pourrait grimper rapidement.

Les branches professionnelles peuvent ainsi négocier des accords, qui portent sur deux points :

  • Les garanties de cette complémentaire, conformes au panier de soins et au périmètre des contrats "responsables" (mais pouvant aller au-delà de ce panier, notamment pour les actes non couverts) ;
  • L’éventuelle recommandation d’un ou plusieurs organismes assureurs.

À noter que plusieurs branches professionnelles avaient mis en place des désignations d’assureurs dans le cadre de précédents accords, forçant toutes les entreprises liées à se couvrir chez cet assureur désigné : ces clauses, censurées par le Conseil constitutionnel en 2013, doivent être supplantées par des recommandations non obligatoires, au plus tard au 31 décembre 2017.

Les modalités de décision au sein des entreprises
En cas d’échec des négociations de branche, une négociation d’un accord d’entreprise peut avoir lieu du 1er juillet 2014 au 1er janvier 2016.

Le processus de décision au sein même de l’entreprise est très réglementé. Trois options légales de mise en place de cette complémentaire santé existent : la plus rare, le référendum, consiste à obtenir l’accord d’une majorité de salariés quant à un projet prédéterminé de complémentaire santé. Les deux autres solutions sont le lancement de négociations entre l’employeur et les instances de représentation du personnel, ou une décision unilatérale de l’employeur (DUE) en cas d’échec des négociations.

Quelles conséquences ou quels risques sont déjà perceptibles à 9 mois de l’entrée en vigueur de la généralisation ?

  • Le développement des partenariats, par exemple des courtiers, avec des institutions de prévoyance dont le principal point faible tient à l’absence de réseaux de proximité. Il est trop tôt pour qualifier cette évolution qui pourra être positive ou …négative.
  • Des fusions de mutuelles, par exemple au 1er janvier 2013, la Mocen s’est rapprochée du groupe MGEN pour fusionner avec MGEN Filia. Ce regroupement des mutuelles concerne l’ensemble des groupes.
  • Des tarifs agressifs. Les assureurs sont prêts à livrer bataille pour conquérir cette nouvelle clientèle. Certains proposent d’assurer un salarié pour 17 euros par mois (la moitié étant à la charge de l’employeur, l’autre moitié étant déduite du salaire de l’employé), ce qui, aux dires de certains experts de la profession, revient à de la vente à perte.
  • Le choix de certains employeurs d’une complémentaire a minima, pouvant entraîner pour certaines entreprises une régression dans les risques assurés précédemment.
  • Un non-respect de la règlementation qui peut amener des contentieux, par exemple si l’employeur n’a pas opté pour les garanties préconisées par la branche, par ignorance ou par volonté propre ou par mauvais conseil de son conseiller bancaire et qu’il se trouve confronté à une hospitalisation d’un salarié non couvert par rapport à ce que prévoit la branche. Un risque existe pour le salarié comme pour l’entreprise.
    Une mise en œuvre compliquée et complexe à suivre de près pour préserver l’esprit des négociateurs interprofessionnels et leur volonté de mise en œuvre d’une avancée sociale pour l’ensemble des salariés du privé.

Un exemple de négociation de branche
La branche des établissements hospitaliers d’aide à la personne privés non lucratifs (CCN 51) a lancé les négociations sur la complémentaire santé dès janvier 2014, mais ces dernières ont longtemps buté sur de nombreux points entre les fédérations patronales et syndicales. Regroupant notamment les maisons de retraite, centres obstétriques ou encore les centres de santé, elle compte environ 225 000 salariés.

La FEHAP (Fédération des Etablissements Hospitaliers et d’Aide à la Personne) a finalement annoncé le 25 février 2015, la signature d’un accord majoritaire (CFE-CGC, CFDT et CFTC) d’un régime « frais de santé » pour la branche. Quatre organismes assureurs ont été recommandés : Apicil, Malakoff Mederic, la MGEN et Mutex.

Concernant les garanties, l’accord a finalement débouché sur « un socle minimal obligatoire, allant au-delà du panier de soins légal » (prise en charge des vignettes bleues, relèvement des plafonds en optique...). Plusieurs régimes optionnels sont ajoutés en complément, à destination des entreprises voulant améliorer la protection au-delà de ces minima.

La complémentaire santé coutera 15 euros par mois aux salariés.