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Le dialogue social est mis à mal, aussi, dans l’Union européenne

samedi 11 janvier 2020

Par une décision prise le 24 octobre 2019, le Tribunal de l’Union européenne vient de restreindre la portée des accords signés par les partenaires sociaux européens. Le tribunal a jugé que la Commission européenne n’était pas tenue de présenter au Conseil (pour être adoptée) une proposition de décision mettant en œuvre un accord conclu par les partenaires sociaux européens. L’accord signé concernait les droits à l’information et à la consultation des agents publics au sein des gouvernements centraux. Au-delà de la question posée, cette décision fait planer une grande incertitude sur les futurs accords.

La mécanique européenne mise à mal

Conformément à l’article 154 des traités de l’UE, la Commission avait lancé une consultation des partenaires sociaux au premier semestre de 2015.

En décembre 2015, la délégation syndicale dirigée par la FSESP (Fédération syndicale européenne des services publics) en collaboration avec la CES, et l’EUPAE pour les employeurs sont parvenues à un accord, selon lequel tous les travailleurs des gouvernements centraux et fédéraux devraient bénéficier des mêmes droits à l’information et à la consultation en matière de restructuration que les travailleurs du secteur privé – ou de droits similaires. Cet accord visait à combler une lacune des directives européennes sur les droits à l’information et à la consultation, qui ne s’appliquent pas aux administrations publiques.

En février 2016, en vertu de l’article 155.2 du traité de l’UE, les syndicats et les employeurs ont conjointement demandé à la Commission de soumettre leur accord au Conseil sous la forme d’une directive, pour adoption à la majorité qualifiée.
Devant le silence des autorités européennes un recours est introduit en mai 2017 par la FSESP. C’est la première fois qu’une fédération syndicale européenne attaquait la Commission en justice.

La Commission refuse et c’est historique aussi

Trois ans après la demande des partenaires sociaux, la Commission vient de les informer, qu’elle ne procèderait pas à la transposition législative de l’accord dans une directive pour des raisons de subsidiarité. C’est la première fois dans l’histoire de l’UE que la Commission rejette une demande des partenaires sociaux pour l’application d’un accord au travers d’une proposition de directive dans le domaine de la politique sociale.

La Commission s’adosse sur une décision du Tribunal de l’UE qui conclut que le droit d’initiative de la Commission lui permet de décider de rendre contraignants ou non les accords des partenaires sociaux dans l’ensemble des États membres de l’UE.

Le refus de la commission s’appuie sur le fait que les administrations des gouvernements centraux sont placées sous l’autorité des gouvernements nationaux et exercent les pouvoirs d’une autorité publique, ce qui signifie que leur structure, leur organisation et leur fonctionnement relèvent entièrement des autorités nationales respectives des États membres. De plus, elles sont extrêmement différentes les unes des autres.

La défense des partenaires sociaux

Pour les signataires de l’accord, c’est justement parce que les administrations des gouvernements centraux sont diversifiées que des normes minimales communes au niveau de l’UE sont nécessaires pour établir des conditions équitables. Ils mettent aussi en avant que la Commission a déjà pris de nombreuses initiatives dans le domaine des administrations publiques. Ils relèvent qu’à l’exception des droits à l’information et à la consultation, toutes les directives sociales – que ce soit sur l’égalité des sexes, la lutte contre la discrimination au travail, ou encore les contrats à durée déterminée – s’appliquent bien aux administrations publiques.

Le secrétaire général de la FSESP, Jan Willem Goudriaan, a déclaré : « Cette décision est un coup dur pour les 9,8 millions de travailleurs employés par les gouvernements, qui ne peuvent pas bénéficier de la même protection juridique européenne de leurs droits à l’information et à la consultation en matière de restructuration que les travailleurs du secteur privé. Il s’agit d’un problème majeur pour l’avenir du dialogue social au niveau de l’UE.

Une remise en cause des futurs accords ?

La décision prise amène les syndicalistes à s’inquiéter de l’influence réelle qu’auront à l’avenir les partenaires sociaux sur l’évolution des normes sociales minimales européennes.

Pour Jan Willem Goudriaan,

« le droit à l’autonomie des partenaires sociaux est remis en question. Cette décision laisse une immense incertitude planer sur les futurs accords des partenaires sociaux dans l’UE ».

La FSESP a introduit un recours auprès du Tribunal de l’Union européenne pour faire annuler la décision de la Commission.


Sources

  • Liaisons sociales Quotidien du 15 novembre 2019