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Le logement dans tous ses états

samedi 30 septembre 2017

Réforme des APL, simplification des normes, libération du foncier, logement social, politique fiscale… pas un jour ne passe sans une annonce gouvernementale autour du logement. Le sujet mérite que l’on s’y arrête tant la part qu’il prend désormais dans les revenus et les préoccupations des ménages est grande. Tour d’horizon de la situation et des différentes questions qui se posent en attendant le plan qui doit être présenté.

De qui et de quoi parle-t-on ?

Les marchés de l’habitat sont d’une grande complexité, soumis à des logiques contradictoires entre rentabilité économique et aides sociales au logement. Il y a cinq grands statuts d’occupation : les locataires du parc social, les locataires du parc privé, les accédants, qui sont donc toujours en cours de remboursement, les propriétaires des aides à la pierre (loi Pinel...) qui louent leur bien avec des loyers encadrés et les propriétaires qui n’ont plus de charge de remboursement.

Les caractéristiques des locataires du parc social se sont considérablement modifiées en 30 ans : 40 % d’entre eux appartiennent aux 25 % des ménages les plus modestes, alors qu’ils n’étaient que 16 % en 1973. Ce recentrage du parc social sur des ménages moins aisés s’explique notamment par une modification des règles qui régissent l’accès et le maintien dans le parc social.

Entre 2003 et 2013, dans l’ensemble du parc de résidences principales, la taille des ménages a diminué. Au 1er janvier 2013, un logement sur trois est ainsi occupé par une personne seule. Enfin, il y a pénurie de logements pour les publics prioritaires en Île-de-France et sur le littoral méditerranéen.

Le poids du logement dans les dépenses

Le logement est le premier poste des ménages devant l’alimentation et les transports et ce poste ne cesse d’augmenter. Selon le Centre d’observation de la société et l’Insee, la part des dépenses contraintes dans le revenu des ménages est passée de 12 % dans les années 1960 à près de 30 % en 2014. Ces dépenses intègrent le logement, les assurances et services financiers, les dépenses de télécommunications et télévision, ainsi que les frais de cantine. Si l’on observe le détail des différents postes, un phénomène massif apparaît, le logement plombe le revenu. La part des assurances a augmenté dans les années 1970 et 1980 pour atteindre 6 % des revenus, puis elle est revenue à 3 %. La part de la télévision et des télécoms s’est accrue jusqu’à 3 % à la fin des années 2000, mais est retombée à 2,2 % en 2014 avec l’effet de la baisse des forfaits. En revanche, les dépenses de logement n’ont quasiment pas cessé de s’élever, de 10 à 23 %, du fait de la hausse des loyers mais aussi de l’électricité et du gaz ou de l’ensemble des autres charges. Cette progression correspond pour partie à une amélioration des conditions de logement, mais aussi à un enrichissement des bailleurs qui ont augmenté les loyers à qualité équivalente.
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Mais surtout, la hausse des dépenses contraintes pèse sur les plus pauvres. Le taux d’effort net (une fois les aides déduites) du logement atteindrait 56 % pour les ménages des 10 % les plus pauvres en 2013, contre 17,4 % en moyenne, selon les calculs de la Fondation Abbé Pierre.
Enfin, selon une étude d’Eurostat de 2015, les Européens dépensent 24,4 % de leur budget pour le logement, un chiffre qui monte à 26,4 % en France. Ce chiffre amène notre pays à la troisième position au classement des Européens dépensant le plus dans ce secteur, derrière les Danois et les Finlandais.

Les chiffres clés des aides au logement d’après la CAF

Les aides au logement en 2016 s’élèvent à 18,15 milliards d’euros soit :

  • 8,2 milliards pour les APL (aides personnalisées au logement),
  • 5 milliards pour les ALS (allocations de logement sociales),
  • 4,6 milliards pour les ALF (allocations de logement familiales).

Les aides au logement ne représentaient que 4,4 milliards d’euros en 1984.

Les bénéficiaires sont 6,5 millions dont 95 % sont des locataires. 2,8 millions de personnes reçoivent les APL dont 800 000 étudiants. Les étudiants représentent 3,82 % des habitants de la France mais 28,57 % des bénéficiaires d’APL.

Les trois quarts des bénéficiaires ont un niveau de vie inférieur à 1 330 euros par mois, ces ménages concentrent à eux seuls plus de 90 % des dépenses en aides personnelles. Les APL représentent plus de 20 % du niveau de vie des ménages les plus modestes. Ce sont en effet les prestations prenant le mieux en compte le revenu des allocataires. Elles contribuent à la réduction des inégalités de niveau de vie à hauteur de 20 %, en faisant baisser le poids du logement dans la part du revenu des ménages qui les touchent de plus de 13 %, ce qui réduit leur taux de pauvreté de près de 2 points.

Les grands chantiers du logement

  • La réforme des APL. L’État entend refonder le système en appelant par exemple à baisser le montant des APL en parallèle de la baisse des loyers sociaux. Des débats existent sur le fait que les APL pousseraient les loyers du secteur privé à la hausse et auraient ainsi des effets pervers.
  • La retouche du dispositif dit « Pinel », du nom de l’ex-ministre. Ce dispositif qui comprend en particulier des dispositifs fiscaux doit prendre fin au 31/12/2017. Les professionnels du secteur alertent sur une coupure brutale et le gouvernement réfléchit à recentrer certains avantages sur les zones les plus tendues.
  • La libération du foncier et l’accession à la propriété. Le gouvernement réfléchit à inciter fiscalement les propriétaires à vendre plutôt qu’à garder leurs terrains, à doter les préfets de nouveaux pouvoirs face aux municipalités et à revoir le prêt à taux zéro.
  • La simplification des normes sera à l’ordre du jour ainsi qu’une accélération du traitement des recours.
  • Le logement social. Son accès et en particulier la gestion des locataires dont les revenus ne respectent plus les critères d’affectation, le niveau des loyers, la construction sont des thèmes évoqués.
  • Les politiques publiques en direction des plus démunis. Lors de son récent déplacement à Toulouse, le président Macron a esquissé les contours d’une réforme pour favoriser l’accès direct des plus démunis à un logement ordinaire au lieu de passer au préalable par les centres d’urgence ou l’hébergement en hôtel. Il a annoncé que, sur les 50 000 places prévues de logements très sociaux, 10 000 seraient créées dans des pensions de familles (des structures accueillant des personnes isolées en grande difficulté et bénéficiant d’un accompagnement social) et 40 000 dans le parc locatif privé.
  • L’application de la loi sur le contrôle des loyers du 24 mars 2014. Pour de nombreuses associations cette loi reste très largement inappliquée. Or les APL sont en partie indexées sur le montant réel des loyers. Autrement dit, aujourd’hui, les APL financent en partie des loyers illégalement demandés dans le secteur privé.
  • Les problèmes de ségrégation spatiale. Les plus pauvres sont poussés hors de la ville. Il en résulte un important effort d’investissement public pour construire des logements sociaux et des infrastructures de transport, sans compter évidemment l’ensemble des coûts et dépenses publiques générés par la ségrégation urbaine (sécurité, école, etc.).

Rendez-vous au Conseil des ministres pour la présentation des différentes propositions. Elles devront être analysées de très près pour évaluer leur impact prévisible sur les problèmes du logement en France, nombre insuffisant, inégalités et meilleure efficacité de la dépense publique investie dans le logement.


Sources

Déjà paru dans Clés du social