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Le point après le débat du Conseil Economique et Social (CES)

jeudi 8 février 2007

Dialogue social : où en est-on ?
Et d’abord qu’appelle-t-on dialogue social ? Car il faut bien le reconnaître, notre pays apparaît au premier abord, bien peu apte à un dialogue social, semblant préférer les irruptions spontanées, les coups de colères imprévus, les manif, les défilés, les éructations, les condamnations, les vitupérations.

Bref, c’est un lieu commun, en France le mouvement social domine le dialogue social.
D’ailleurs, il n’existe pas de définition du dialogue social dans le code du travail. Est-ce pour cela que son usage est aussi réservé ? Car si en matière sociale, beaucoup commence par une chanson, tout finit dans le Code du travail dont le poids s’approche de celui d’un pavé de mai 68. C’est de l’Europe, accusée aujourd’hui d’être la cause de nombre de nos maux, voire d’être anti-sociale par une majorité de Français, - les mêmes si réticents au dialogue social -, que la définition du dialogue social nous est parvenue.

Les professionnels de l’Europe entendent par « dialogue social » des activités de consultation : une autorité publique demande à une ou des organisations leurs avis ; un employeur demande à ses élus du comité d’entreprise un avis ; mais ils ne sont pas tenus d’en tenir compte.de concertation : des représentants des autorités publiques s’efforcent avec des représentants des syndicats et/ou du patronat de retenir une position, de définir une décision qui convienne au plus grand nombre.de négociation : deux ou trois parties s’efforcent de parvenir à un accord qui sera ensuite appliqué. Ces distinctions échappent souvent aux Français, et ils ont encore plus de mal à pratiquer l’une ou l’autre de ces formules de dialogue.

De la réforme du dialogue social en France

Toujours est-il qu’après la claque du CPE, le Premier ministre a lancé un processus visant à une réforme du dialogue social. Comme quoi d’un mal, souvent le bien surgit. Il ne faut pas croire pour autant que ces gouvernants seraient les premiers à ouvrir le dossier du dialogue social et des relations entre l’Etat et les partenaires sociaux. Ces derniers avaient en juillet 2001 proposé de nouvelles règles de relations avec les pouvoirs publics. La crise entre l’Etat et les signataires de l’accord sur l’assurance-chômage avait débouché sur ce texte demandant aux pouvoirs publics de nouvelles règles du jeu entre loi et négociation. A un gouvernement socialiste qui se considérait comme seul représentant des travailleurs et de ceux qui voulaient le devenir et qui s’estimait, donc, créateur exclusif des normes sociales, les partenaires sociaux demandaient à être mieux considérés et souhaitaient que leurs accords fondent aussi des normes. A défaut de lire et de prendre en considération cette demande, le Premier ministre a pensé, - avec réalisme il faut bien le lui reconnaître -, que le rut anti-CPE appelait une interrogation sur la manière de conduire la relation entre Etat et organisations patronales et syndicales. Aussitôt, dans la plus pure tradition républicaine, le Premier ministre missionne deux hautes personnalités pour faire le point et suggérer une démarche et des solutions. Un haut fonctionnaire et un ancien conseiller social du Premier Ministre Raffarin. Le résultat de leur travail ne déçoit pas : deux rapports bien documentés et ouvrant des pistes sans timidité aucune. Du beau travail.

On se retrouve donc au début de l’été avec deux rapports. L’un, le rapport Chertier, porte sur la place respective de la loi et de la négociation ainsi que des formes de concertation entre l’Etat avec les organisations patronales et syndicales. L’autre, celui d’Hadas-Lebel, porte sur la représentativité des organisations syndicales, la validation des accords collectifs, le financement des organisations syndicales et la négociation dans les PME. Cinq thèmes donc qui ont leur importance dans la régulation du dialogue social.

La question de la relation loi / négociation va être traitée en premier.
Des discussions bilatérales entre organisations syndicales et patronales et ministère du travail vont faire avancer le dossier. Le ministre délégué au travail va même emmener une délégation de partenaires sociaux aux Pays-Bas et en Espagne, histoire de voir ailleurs. L’exemple des Pays-Bas est bien tentant pour lui, mais FO va faire savoir rapidement qu’il n’est pas question de créer une institution permanente dédiée au dialogue social. Le Président de la République va se déplacer au Conseil économique et social pour faire un discours où il ouvre la porte à une obligation préalable pour tout gouvernement de consulter les partenaires sociaux avant de se lancer dans une réforme touchant aux relations individuelles et collectives de travail. Applaudissements sur tous les bancs. Il reste au ministre à écrire une loi courte, texte qui va encore se rétrécir au fur et à mesure des critiques émises par FO.

Le texte comprend donc deux articles.

  1. Le premier crée une obligation de concertation préalable entre gouvernement et organisations syndicales et patronales avant tout projet de réforme touchant les domaines inscrits dans le Code du Travail. Si les partenaires sociaux décident d’engager une négociation sur le thème envisagé par le gouvernement, ils doivent en indiquer le délai nécessaire. Cette disposition ne s’applique pas en cas d’urgence.
  2. Le deuxième article édicte que chaque année les orientations de la politique gouvernementale dans les domaines des relations de travail, de l’emploi et de la formation professionnelle ainsi que le calendrier envisagé sont présentés devant la Commission nationale de la négociation collective, les organisations syndicales et patronales exposant leurs propres projets.

La loi vise à calmer les ardeurs des Premiers Ministres. Qu’il faille une loi pour obliger les gouvernements à demander aux partenaires ce qu’ils pensent d’un projet de loi et leur proposer, le cas échéant, de négocier entre eux avant, en dit tout de même long sur le mal français. Ceci dit, on doit reconnaître que cette loi innove puisqu’elle offre davantage de responsabilité aux partenaires sociaux : ils sont officiellement consultés au préalable ; surtout ils peuvent faire suspendre un projet au motif qu’ils veulent le négocier.
Les deux principes de cette loi sont ceux mis en œuvre par l’Union européenne en matière de dialogue social. Inspiration européenne, faut-il l’avouer à ce peuple qui a rejeté le projet de Constitution européenne ?

Les partenaires sociaux ont donc gagné en responsabilité. Mais cette responsabilité est potentielle. Ce dispositif suppose en effet que les partenaires sociaux soient à la hauteur, et donc d’abord qu’ils soient d’accord entre eux pour livrer une réponse élaborée en commun au gouvernement qui les interrogent. Quand on sait l’état de la diversité des opinions à l’intérieur de chaque camp et entre chaque camp, on imagine la difficulté des partenaires à fournir un avis cohérent, au moins majoritaire. Il leur faudra ensuite être capables d’apporter une réponse négociée au cas où c’est cette solution qu’ils retiennent. Là est l’apport malicieux, mais logique, de cette procédure : il ne suffit pas que les partenaires opposent un veto à un projet gouvernemental, encore leur faudra-t-il négocier leur propre solution. Prenons un exemple, extrême, tant qu’à faire. Le gouvernement propose la fusion de l’UNEDIC et de l’ANPE, il sollicite alors l’avis des partenaires sociaux. Que se passera t-il ?

Dernière remarque :
La question de l’intervention en aval du Parlement, à propos des résultats d’une négociation, demeure. Un accord a été passé. Le Parlement doit-il recopier le contenu de l’accord ou a-t-il la possibilité d’en bouger certains termes au risque de remettre en cause un des équilibres obtenus durant la dernière heure de la dernière nuit de la dernière séance de négociation. A Bruxelles, on ne touche pas à la production négociée des partenaires sociaux. Mais en France ? La question demeure ouverte.

FO a exprimé son approbation à la lecture de la loi se félicitant que « le gouvernement ait revu à la baisse ses ambitions », en retirant deux procédures qui engageaient davantage les parties : la première était l’agenda partagé, c’est-à-dire un agenda de travail élaboré en commun entre pouvoirs publics et partenaires sociaux, ce qui avait l’avantage de parvenir à une meilleure répartition des initiatives et à une meilleure compréhension par l’opinion publique des responsabilités des uns et des autres. La seconde procédure envisagée était la création d’un comité du dialogue social, comité qui aurait remplacé diverses instances de consultation comme le Comité supérieur de l’emploi, la Commission nationale de la négociation collective au profit d’une instance unique se réunissant régulièrement en s’appuyant sur des experts pour mener à bien ses travaux.

La CFDT était favorable à ces propositions.
La CGT est restée spectatrice, comme la plupart du temps. On en reste donc à une instance qui n’implique pas les partenaires sociaux dans un processus de confrontations, voire de décisions tripartites. L’empreinte de l’anarchosyndicalisme marque encore une partie du syndicalisme français. Comme si on renonçait à son indépendance en travaillant et en se mettant d’accord avec les représentants de l’Etat ? Comme s’il n’y avait pas, outre les responsabilités propres à chaque organisation, des responsabilités partagées. Mais là est le refus de FO : reconnaître que sur certaines questions, il faille partager les responsabilités.

Le problème est que tout le monde sait que de nombreuses questions sociales sont au croisement des routes de l’Etat et des partenaires sociaux, en matière de financement comme en matière d’orientation et de gestion. La couverture du chômage, la formation professionnelle en sont des exemples évidents. FO continuera les petites ruses de réunions bilatérales où l’on donne son avis, où l’on cherche des compromis, voire des contreparties, mais qui ne sont pas censées exister. La pureté apparente de certains ne les empêche pas de courir le guilledou.

Au final, cette loi marque une volonté de rupture avec un passé où les initiatives des gouvernements, de gauche comme de droite perturbaient la scène sociale, irritaient les partenaires sociaux, et accréditer dans l’opinion que face à tout problème, il n’y qu’une solution, celle d’une loi. Les querelles des vingt dernières années entre partenaires sociaux soucieux de leur autonomie de négociation et de gestion des institutions paritaires finissent par trouver une issue « par le haut ». Doit-on faire remarquer que ce changement est pris grâce à une majorité de droite ?

Reste la dernière partie du rapport : la recomposition des multiples instances de concertation et de consultation et le reformatage du Conseil économique et social. A quelques semaines des présidentielles, chacun a du penser que cela pouvait attendre. Donc cela attendra, mais jusqu’à quand on supportera cette dispersion d’instances dont certaines ne servent pas à grand-chose, sinon à prendre du temps militant qui serait plus utile ailleurs. Et jusqu’à quand on supportera-t-on un Conseil économique et social en décalage avec la société réelle ?

Représentativité et validation des accords.

La suite à donner au rapport Hadas-Lebel a été transmise au CES qui s’en est saisi et à l’occasion d’un débat passionné et tendu, a adopté un avis, malgré l’opposition du groupe des entreprises privées et des trois organisations syndicales CFTC, CGC et FO, convergence bien significative.

La majorité du CES a rejeté la définition de la représentativité inscrite dans le décret de 1950 pour adopter le principe d’une représentativité principalement établie par la voix électorale. Que sont les critères de 1950 ? Effectifs, indépendance, existence de cotisations, expérience, ancienneté, attitude patriotique durant l’occupation. A ces critères, la jurisprudence a ajouté l’audience électorale et l’activité. En mettant de côté l’attitude durant l’occupation qui pourrait être remplacée par une formule permettant d’éviter d’avoir des syndicats soutenus par le Front national, ces critères par leur variété et leur pertinence permettent de juger de la représentativité d’une organisation syndicale. Peut-être pourrait-on y ajouter la propension à signer des accords. Un syndicat qui ne signe jamais d’accords est-il un syndicat ? Non répondent la plupart des pays européens. Fondamentalement, le rôle d’un syndicat n’est pas seulement de dénoncer, mais aussi de contracter. L’application de ce critère pourrait poser problème à un syndicat comme Solidaires ou a bien des syndicats de la Fonction Publique.

Mais la question est de savoir pourquoi le CES n’a pas considéré que cette palette de critères ne permettait pas de déterminer la représentativité d’une organisation syndicale, alors que justement leur diversité éviter de fonder une réponse partiale, car assise sur un seul élément ?

Sont-ce ces critères qui sont en cause ou le fait que ce soit le gouvernement qui, en 1966, ait, par arrêté, attribué la représentativité aux cinq confédérations actuelles ? On confondrait alors les critères et leur usage ou plutôt la manière dont le gouvernement qui s’en saisit les tord. Si les critères sont objectifs et sont utilisés avec objectivité, pourquoi en changer ? Si la vraie question posée est : ce n’est pas à un gouvernement de déterminer la représentativité d’une organisation syndicale, car il risque de le faire, ou on risque de l’accuser de le faire, sur motivations politiciennes. Le CES pouvait alors proposer que le Conseil d’Etat, la Cour des comptes, ou une instance ad hoc soit mandatée pour procéder à un examen des demandes et à procéder à une vérification des situations de représentativité par exemple tous les cinq ans, tant pour les organisations patronales que pour les organisations syndicales.

Le CES a choisi une autre voie en considérant que l’élection fondera dorénavant la représentativité syndicale. Adhésions, implantations, activités sont dorénavant abandonnées au profit du seul critère électoral. Ce choix a été soutenu par la CFDT, la CGT, l’UNSA, le groupe des associations, ceux de la coopération et de la mutualité, des personnalités qualifiées. A l’opposé, on trouve CGC, CFTC, FO, le groupe des entreprises privées et l’artisanat.

Pourquoi ce virage conceptuel ? Par refus et crainte de déléguer à une autorité indépendante pour prononcer un jugement ? Par conformisme avec une opinion qui soutient que l’élection est une procédure démocratique en toute circonstance ? Parce que les organisations syndicales et de nombreux acteurs de la scène du dialogue social prennent en compte la perte de légitimité des syndicats et pensent qu’une élection ou qu’un système s’appuyant sur des élections renforcera la crédibilité de ces organisations ? Enfin, dans les explications à l’adoption du critère électoral, il y a la volonté de certains, y compris de syndicalistes, de faire une opération vérité dans ce que représentent les uns et les autres. La CGC et la CFTC se sentent aujourd’hui menacées et elles ont raison. Leur refus de toute alliance sérieuse avec la CFDT, leur prétention à se considérer comme l’égale des grandes confédérations finit par se retourner contre elles. FO, tout en s’opposant à l’avis, a sur ce point défendu une mesure électorale interprofessionnelle, estimant mieux s’en tirer par ce type de scrutin. Les représentants des entreprises privées ont combattu avec vigueur ce recours à l’élection comme fondement principal de la représentativité des organisations. Crainte de devoir négocier avec un arc protestataire renforcé au détriment des organisations plus ouvertes au compromis.

Une fois choisie la réponse électorale, il faut alors décider la nature de l’élection. Aujourd’hui, une confédération jugée représentative bénéficie du procédé de « l’irréfragabilité », c’est-à-dire que, de manière irréfragable, c’est-à-dire non contestable, toute fédération professionnelle, tout délégué syndical d’entreprise est représentatif. Conséquence : cette organisation dispose du monopole de présentation de candidats au premier tour d’une élection professionnelle d’entreprise. Ce schéma est descendant : attribution de la représentativité à une confédération, qui en fait profiter ses fédérations, qui en font profiter la représentation dans l’entreprise. On est ici dans un parfait schéma jacobin, à l’unisson de la conception de l’Etat. FO ne s’y est pas trompée : « c’est parce qu’elle est républicaine...que FO plaide pour une mesure interprofessionnelle, c’est-à-dire confédérale, de la représentativité, d’où notre faveur pour un scrutin comme celui de la Sécurité sociale où intervient le vote des salariés du privé, du public, des chômeurs et des retraites ».

A cette conception « républicaine » ( ?), on peut opposer une vision fédéraliste. Un syndicat est la réunion de sections syndicales d’entreprises qui se regroupent par destinée professionnelle sur une zone géographique. Puis les syndicats d’une même profession se regroupent dans une fédération professionnelle. Enfin, ces fédérations professionnelles se regroupent dans une confédération. C’est ainsi que s’est crée la première CGT comme toutes les confédérations européennes. Non par le haut, mais par le bas. Pour cette conception fédéraliste, la représentativité ne devrait pas être accordée directement à une confédération. Ce n’est que parce qu’elle est représentative dans un nombre minimum de fédérations qu’une confédération devrait être jugée représentative. Cette conception est celle en vigueur en Espagne, le seul pays où il a fallu élaborer un système de jugement de représentativité.

Cette conception implique alors que le fait pour une confédération d’être représentative n’entraîne pas automatiquement la représentativité de toutes ses fédérations. Que penser de la représentativité de la CFTC et de la CGC dans la fonction publique, octroyée malgré un score aussi mince pour ne pas dire ridicule : 2,1% pour la première, 3,4% pour la seconde ? Si l’un des objectifs de la réforme est le resserrement du nombre des organisations confédérées, c’est-à-dire qui rassemblent des fédérations, la vrai condition est d’imposer une représentativité dans un nombre élevé de fédérations professionnelles et non d’organiser une élection générale.

Quel type d’élection ?

FO réclamait donc une élection générale qui aurait impliqué tous les salariés actifs et retraités, soit 85% de la population française ! La CGT voulait se servir dans le même esprit des élections prud’homales, mais, par compromis, elle a accepté d’aller dans le sens de la CFDT.

Cette dernière propose que se soient des élections dans les entreprises, consolidées par branches, qui fassent le partage.

Le CES n’est pas allé plus loin. Des discussions sont en cours sur ce point avec l’actuel ministère du travail, discussions qui ne sauraient aboutir avant les présidentielles.

Quel seuil ?

Choix d’un mode électoral, il faut ensuite choisir le seuil à partir duquel on est représentatif. Le CES a cité le seuil de 5%, sans préciser des inscrits ou des votants. 5% des voix de 10% des inscrits donne des chiffres ridicules. Il est dommage que les spécialistes Andoffalto et Labbé dans un article dans Le Monde aient proposé des seuils assis sur les votants, et non sur les inscrits, négligeant ainsi le faible nombre de voix qu’un tel décompte peut rassembler.

Autre question : si l’on veut vraiment diminuer le nombre des organisations syndicales françaises, comment justifier le seuil de 5% : il est à l’évidence trop bas, surtout s’il porte sur les seuls votants et si le taux d’abstentions est élevé. La réflexion sur ce point doit être approfondie.

Reste un dernier choix :qui présente les candidats aux élections ?

Dans un système fondé sur l’élection, on ne peut réserver les candidatures aux seuls candidats issus des organisations représentatives pour décider lesquelles sont représentatives ! Il faut donc des élections ouvertes. A une double condition : l’existence juridique de syndicats qui espèrent être représentatifs...et des candidatures présentés par eux sur des listes parrainées par 5% des salariés dans chaque entreprise ou sur une zone géographique pour les TPE-PME, comme cela se fait dans la plupart des pays européens qui ont pourtant des syndicats autrement plus représentatifs que les organisations françaises. Encore faut-il reprendre la définition législative du syndicat imposant des conditions minimales pour sa création et pour sa présomption de représentativité et de légalité. On aurait tort d’envoyer aux orties la plupart des critères traditionnels de représentativité. Ils sont préalables à la recherche de la légitimité électorale.

Il reste ensuite à se demander à quoi sert un deuxième tour d’élections si dès le premier les candidatures sont libres, c’est-à-dire ouvertes à tout syndicat d’un syndicat reconnu.

La validation des accords

Sur ce plan aussi, le propos est de bouger l’ordre ancien. Pendant des années, la signature de l’une des organisations syndicales représentatives suffisait à rendre un accord applicable. Durant les années soixante et soixante-dix, lorsque la CGT et la CFDT avaient fait cause commune, le CNPF a construit une sorte d’alliance contractuelle avec FO, la CGC et la CFTC. C’est avec ces trois organisations que la construction et l’entretien du paritarisme et le développement des conventions collectives professionnelles se sont réalisées. Le patronat négociait...avec des partenaires conciliants à qui, le cas échéant, on donnait même un coup de main. Beaucoup de fédérations professionnelles ont été marquées par cette époque. La perturbation est arrivée avec le retour de la CFDT à la table des négociations avec une stratégie de signature, exigeante, mais de signature. Alors que FO connaît à son tour une dérive dénonciatrice et un recul dans ses attitudes contractuelles, sauf dans certaines professions...comme la métallurgie. Hasard sans doute, l’UIMM, chambre patronale de la métalurgie, a poursuivi son pacte avec FO, alors que de nombreuses fédérations professionnelles et le CNPF acceptaient et encourageaient le changement de cours de la CFDT. Le renversement des positions se révèle lors de la négociation du nouvel accord de l’assurance chômagede 1992 : la CFDT signe, mais pas FO !

Pour contester des accords signés, les organisations syndicales disposaient d’un droit d’opposition. C’était une prime « négative ». Cette disposition a été élargie par la loi Fillon sur le dialogue social de 2004. Cette loi distingue les trois niveaux de négociation.

Les accords interprofessionnels peuvent être soumis au droit d’opposition en nombre. Trois signatures entraînent l’adoption d’un accord et à l’inverse un accord signé par une seule organisation n’entre en vigueur que s’il n’y a pas d’opposition d’au moins trois organisations sur cinq confédérations représentatives.

Pour les accords professionnels, la branche peut, si une majorité d’organisations ne s’y oppose pas, décider de valider ses accords selon le principe majoritaire : signature d’une ou plusieurs organisations, représentant une majorité de salariés de la branche. Ce qui implique une mesure de cette représentativité par vote général ou recueil des résultats des élections professionnelles d’entreprises. A défaut, la signature d’une seule organisation suffit à valider un accord, sauf opposition de trois organisations.

Pour les accords d’entreprise, c’est à la branche de décider du mode de validation des accords et de retenir une des deux options possibles.

Dans la première option, un accord d’entreprise ne peut entrer en vigueur que s’il est signé par des organisations représentant au moins 50% des salariés lors des dernières élections CE ou DP. A défaut de cette condition, le texte peut être soumis à référendum auprès du personnel, à l’initiative d’une ou des organisation(s) signataire(s). La deuxième option repose sur le droit d’opposition, mais en voix : des organisations représentant au moins 50% des salariés peuvent bloquer l’entrée en vigueur de l’accord d’entreprise. A défaut d’accord de branche, c’est cette dernière option qui s’applique.

Mais, comme souvent, les branches n’ont pas donné suite à cette loi et n’ont pas négocié de changements dans les modes de validation, ni au niveau de la branche, ni au niveau des entreprises.

La critique des organisations, souvent majoritaires, comme la CFDT et la CGT, s’est donc poursuivie.

La proposition du CES franchit alors le Rubicon : un accord pour être valable, doit rassembler des signataires majoritaires en voix, de la branche comme dans l’entreprise. Cette position est soutenue par la CGT, la CFDT et l’UNSA. Elle est combattue avec vigueur par FO, la CFTC, la CGC et le Medef et l’UPA pour le patronat.

Deux camps s’affrontent donc. Au nom de la démocratie pour les uns, un accord doit refléter le soutien d’une majorité de salariés. Au nom du réalisme pour les autres : les refus de signer de la CGT lors de nombreuses négociations, interprofessionnelles, professionnelles et dans certaines grandes entreprises pourraient bloquer de nombreuses négociations, compte tenu de son poids.

Les conséquences pourraient alors être graves. Comme l’a dit le responsable de ces questions au Medef, « quelque que soit le respect que nous avons pour votre personne et votre organisation, nous ne sommes pas prêts à accepter de placer les négociations d’entreprise et de branches sous la menace du veto de la CGT. » A cette vision inquiète, les optimistes parient sur l’évolution de la CGT, placée dans des conditions nouvelles de responsabilités.

Ce qui est sûr, c’est que l’arc conservateur constitué par FO, CFTC, CGC et le Medef et la CGPME a perdu une première manche au CES.

Influencé par une UIMM qui a fait de FO son partenaire privilégié, le Medef n’a pas fait d’ouverture qui aurait pu permettre le dépassement des clivages constatés. Il va maintenant devoir compter, non sur ses talents et sa philosophie contractuelle, mais sur l’efficacité de son lobbying auprès des pouvoirs publics, dont il souhaite pourtant limiter l’influence.

Que fera le prochain gouvernement ? Le débat présidentiel nous éclairera peut-être.

Il faut être représentatif dans plusieurs professions et plusieurs régions pour être une confédération représentative, ce qui a limité l’éclosion de multiples organisations syndicales.