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Le projet socialiste pour 2007

vendredi 1er septembre 2006

En début juillet 2006 le projet du parti socialiste a été adopté à 85 %, après un vote de la moitié des adhérents.

Un inventaire à la Prévert

 l’abrogation de réformes comme celle des retraites (qui sera renégociée), des réductions d’impôt sur le revenu, le CNE, la franchise de un euro par ordonnance, la journée nationale de solidarité, l’apprentissage à 14 ans, des lois Sarkozy sur l’immigration,

 la renationalisation d’EDF,

 le SMIC porté à 1500 euros au moins au cours de la législature (en gros + 4% par an) et une nouvelle dynamique d’évolution des salaires,

 un objectif de chômage réduit à 5% de la population active avec une durée moyenne de 6 mois (la moitié d’aujourd’hui),

 une couverture professionnelle universelle avec une indemnisation en cas de perte d’emploi et un droit à la formation toute la vie d’autant plus long que la formation initiale aura été plus courte, l’instauration d’un compte formation avec une « carte vitale professionnelle »,

 la reprise des emplois-jeunes, la création d’un programme d’entrée dans la vie active avec une allocation d’autonomie et la création d’un service civique obligatoire de 6 mois,

 l’extension des 35 heures à tous les salariés, liée à des abaissements de charges réservées à la contrepartie de créations d’emplois,

 la simplification des aides en intégrant les minimas sociaux au sein d’un revenu de solidarité active pour qu’en dix ans plus une famille ne vive sous le seuil de pauvreté,

 la création de 120 000 logements sociaux par an,

 le soutien à l’économie sociale dont l’accès à la commande publique sera privilégiée (sic !),

 la création d’un service public de la petite enfance, d’un service unique de l’emploi, d’un service public de la formation et de l’orientation,

 la priorité de l’éducation, en particulier supérieure, et de la recherche,

 le rétablissement de la police de proximité et centres d’éducation renforcée pour les jeunes délinquants,

 le refus des essais en plein champ des OGM,

 la valorisation de l’intervention de l’Etat en matière industrielle, avec une agence nationale de réindustrialisation, le rôle actif de la Caisse des Dépôts, actionnaire public de référence,

 la présence des représentants des salariés dans les organes de direction de l’entreprise,

 une réforme constitutionnelle pour une nouvelle république parlementaire, adoptée par référendum dans la foulée de l’élection présidentielle et une charte de la laïcité,

 la réduction de la part du nucléaire par le développement des énergies renouvelables,

 refus de ratifier le projet de Constitution européenne, y compris avec un nouveau préambule ; proposition d’un traité strictement institutionnel, soumis à référendum ; négociation d’un traité social et augmentation du budget européen,

 réforme de l’OMC et taxe Tobin sur les flux financiers,

 la stabilisation de l’endettement public grâce au « redémarrage de la croissance »,

 la modulation des cotisations sociales en fonction de la durée du contrat de travail, comme le transfert des cotisations sociales sur la valeur ajoutée des entreprises,

 la modulation de l’impôt sur les sociétés en fonction de l’usage des bénéfices (investissements ou dividendes), l’encadrement des stock-options et des rémunérations des dirigeants d’entreprises,

 la création d’une contribution spécifique de financement des mesures de prise en charge des personnes âgées dépendantes,

 la réhabilitation de l’impôt avec une fusion à terme de l’impôt sur le revenu et de la CSG, rendue progressive, la taxation accrue des activités polluantes,

etc,...

Une vision diabolisée de l’économie de marché

N’en jetons plus. Ces promesses confirment le choix de la motion de synthèse du Mans : l’alignement sur une ligne dite « de gauche » d’opposition tout azimuts, avec sa petite musique d’accompagnement démagogique. Le rassemblement des socialistes vaut bien l’accumulation d’engagements permettant de satisfaire toutes les composantes internes, personnalités ou groupes d’influence, quitte à sacrifier à la cohérence et au dogmatisme. Tout ceci ressemble fort, même si depuis un quart de siècle a passé, au programme socialiste d’avant 1981 : certaines promesses comme les cotisations sociales à partir de la valeur ajoutée, la réforme des impôts locaux, les fonds salariaux, ou statut de l’élu y figuraient déjà. On sait ce qu’il en est advenu. L’enthousiasme de 1981 a débouché sur la politique d’austérité de 1983, une « parenthèse », selon la formule de Lionel Jospin, un ajustement qui s’est opéré aux détriments des plus faibles et s’est traduite par une fracture électorale dont la gauche n’est pas encore remise. Dans le contexte présent d’endettement public, de hausse des déficits commerciaux, de crise européenne, l’histoire pourrait bien se rééditer. Même si les dirigeants socialistes d’aujourd’hui sont plus conscients qu’hier de la nécessité d’étaler les réalisations et de tenir les équilibres financiers.

Il n’en demeure pas moins que ce programme repose implicitement sur une vision diabolisée de l’économie de marché – il est vrai que 64 % de nos concitoyens ne font pas confiance à l’économie de marché, à la différence de tous les autres pays européens... et de tous les pays venant du communisme (Chine comprise) ! Comme le fait justement remarquer Lionel Stoleru, « l’exception française est là : subir un système qu’on n’aime pas, et rêver d’un « autre système dans une utopie déconnectée de la réalité de toute planète : le village gaulois contre le reste du monde ». D’où la place très seconde donnée à l’Union européenne, sauf en matière de défense. Fi de l’entreprise, haro sur les patrons, fi des problèmes de financement, avec en arrière-plan le vieux mythe du « trésor caché » et la foi naïve dans le « volontarisme » et un étatisme national réaffirmé. La lutte contre les inégalités et pour un renouveau de l’espérance sociale méritait mieux que cela. De quoi rappeler le propos de François Hollande, « il y a une maladie du socialisme français, qui n’est pas seulement infantile, pas davantage sénile, mais plus gravement indélébile : c’est d’être extrêmement doctrinaire dans les périodes d’opposition et immensément pragmatique, voire opportuniste dans les périodes de pouvoir. »

Un programme destiné à être appliqué ?

Et n’allons pas croire que le ou la candidate désignée en novembre, ni les candidats à l’Assemblée nationale tireront un trait sur ce programme. « C’est la somme d’engagements que nous portons collectivement devant les Français. Et il nous engagera tous. » (F. Hollande). A bon entendeur, salut !

La logique de ce type de texte est connue : dans le débat politique, il sera défendu pied à pied, puisqu’il est conçu pour ratisser large dans l’électorat et de « faire gagner la gauche en 2007 » (F. Hollande) ; puis, il servira de référence, dans une mise en œuvre où une forte proportion du groupe parlementaire sera favorable à une application à la lettre. Ayant ainsi renforcé les illusions de l’opinion - de gauche ou non -, cette logique a de fortes chances de déboucher sur un « plan de rigueur » et les futures désillusions face à l’exercice du pouvoir. Loin de reconquérir l’électorat populaire, elle risque à terme de l’en éloigner davantage.

On verra bien si les affres de la désignation du candidat socialiste, puis l’affrontement électoral de 2007 conduiront les socialistes à réajuster le tir, à réintroduire par des choix drastiques un peu de crédibilité. Le pire n’est pas toujours inévitable....

Avec quelle place accordée aux partenaires sociaux ?

La question mérite d’être posée, après la période gouvernementale Jospin et notamment les vifs débats sur la manière d’engager la réduction du temps de travail ou d’appliquer l’accord UNEDIC sur le PARE. Là encore, les propos du premier secrétaire doivent être relevés : il regrette que la gauche – « ignorant souvent le mouvement syndical, les corps intermédiaires, les grandes associations » - soit rarement parvenue à mobiliser les forces vives autour d’un projet collectif. Mais, dans le même mouvement, il ignore superbement les chefs d’entreprises, classés implicitement en bloc comme des adversaires. Qui pourtant peut croire que l’on peut gouverner et transformer une société sans eux, sans s’imposer une culture du compromis social, où la gauche cherche à comprendre ce qui est acceptable par eux au lieu de les ignorer, en laissant croire qu’une fois au pouvoir on les fera capituler et on les réduira à merci, grâce à la loi. Il y a des leçons qui n’ont pas été retenues. Par cette occultation, le Parti socialiste signe par avance son échec pour demain.

Certes à plusieurs reprises, comme il est traditionnel dans les programmes socialistes, il est fait référence à la concertation ou à la négociation sociale préalable, tout en précisant que le législateur interviendra en cas d’échec. Rien que de très traditionnel dans le langage socialiste. Le parti socialiste s’engage à créer les conditions concrètes de la mise en œuvre d’une concertation entre le gouvernement et les partenaires sociaux pour un bon équilibre entre l’action législative d’un côté et la négociation de l’autre, une concertation avec les partenaires sociaux pour aboutir à une représentation effective des salariés quelle que soit la taille de l’entreprise, dans le secteur privé et dans les fonctions publiques. Dès le début de la mandature sera mis en place un mode de financement public transparent et des mesures favorisant la cotisation syndicale. Enfin le principe de l’accord majoritaire pour la validation des accords collectifs sera généralisée, la hiérarchie des normes sociales restaurée selon le principe de la mesure la plus favorable et la représentativité nationale des organisations syndicales se fera dans un premier temps par les élections prud’hommales de 2007, puis par des élections de représentativité dans les branches professionnelles. A cela s’ajoute la rénovation du Conseil économique et social, en modifiant sa composition et en plaçant les conseils d’expertise de l’Etat – ce qui reste du Plan et de la fonction de prospective - sous son autorité.

Est-ce parce que ces thèmes sont considérés comme secondaires que les synthèses-résumés de la presse, et même celle publiée par l’Hebdo des socialistes le 24 juin dernier, ne les mentionnent pas ? Du côté des acteurs sociaux, le silence est jusqu’à présent aussi grand. Il est vrai que la rédaction de ces engagements laisse ouverte bien des interprétations contradictoires sur des sujets fort délicats : on sait les débats internes au PS sur la cotisation syndicale obligatoire, les modalités de la refonte des règles de représentativité - que ce soit pour les organisations syndicales ou patronales - et sur la manière de rééquilibrer le rôle respectif de la loi et du contrat. Sur ce dernier point, relevons la prise de position publique de Martine Aubry au congrès de la CGT qui s’est élevée contre le rapport Chertier qui se propose de « mettre à bas la loi qui protège l’ordre public social sous prétexte de donner des pouvoirs au patronat et aux syndicats ». Le problème du respect du législateur à l’égard du contenu précis d’un accord collectif auquel il donne valeur générale demeure épineux entre socialistes. Il suppose probablement que la Constitution reconnaisse que les acteurs sociaux collectifs sont des acteurs de la démocratie, comme les partis, sinon au même titre. Les propositions de financement public des syndicats, à l’instar de ce qui a été fait pour les partis, risquent d’accroître la parcellisation des acteurs, comme c’est un effet induit sur le champ politique et de se heurter à des obstacles constitutionnels (comment traiter les syndicats patronaux ?). Et que fera-t-on des financements d’entreprises ? Avec quelles règles (cf. le débat autour de l’accord UPA-Confédérations syndicales) ? Dans tous les cas, on devra redéfinir ce qu’on entend par syndicat. C’est dire s’il y a du pain sur la planche pour un approfondissement rapide de ces sujets, d’autant que le gouvernement Villepin semble décider à couper l’herbe sous les pieds de la gauche, sur ce sujet, comme sur d’autres, en tirant des conclusions législatives des rapports Chertier et Hadad-Lebel.


PS :

Devoirs de vérité, 2006, p.88
Devoirs de vérité, 2006 , p.139 : A propos du monopole de l’intérêt général laissé aux élus, il ose évoquer d’autres sources de légitimité, dans l’entreprise, dans la cité, dans les services publics. Pour immédiatement, le réduire aux mouvements sociaux et au syndicalisme. Comme si tous les autres qui participent à la vie économique n’en détenaient pas aussi une part.