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Les chauffeurs-livreurs et leurs plateformes

mercredi 1er janvier 2020

La loi d’orientation des mobilités (loi LOM), après plusieurs navettes entre les 2 assemblées parlementaires, plus une censure partielle du Conseil constitutionnel, a finalement été publiée au journal officiel du 26 décembre 2019. Elle met fin au conflit entre le droit du travail et le droit commercial pour les chauffeurs livreurs, travailleurs indépendants des plateformes de mobilité. L’exécutif a renoncé à créer un nouveau régime juridique ad hoc, mi-indépendant, mi-salarié. Cette loi ouvre la voie à un dialogue social spécifique, avec une charte de responsabilité sociale des plateformes qui ne pourra pas faire obstacle au pouvoir de requalification du juge dans les contrats de travail.

Le Conseil constitutionnel diminue la portée juridique des chartes homologuées des plateformes. Les sages ont jugé contraire à la constitution la disposition permettant aux plateformes de mettre en place des chartes sociales définissant leurs obligations pour faire échec à la requalification de leur relation avec les travailleurs indépendants en contrat de travail, caractéristique qu’il appartient au juge de vérifier (Cass.Soc.28/11/2018).

  • Ainsi une plateforme de la mobilité ne pourra opposer le seul respect de ses engagements pris dans une charte homologuée pour faire obstacle à une demande de requalification en travail salarié.
  • Il s’agira simplement d’un élément qui sera pris en compte par le juge dans le cadre de l’appréciation du faisceau d’indices qui lui sera soumis.
  • Il appartient à l’administration saisie d’une demande d’homologation d’apprécier uniquement si le contenu de la charte est conforme aux prescriptions légales.

Le Conseil constitutionnel valide les dispositions relatives aux modalités d’établissement et au contenu des chartes des plateformes : il estime que les plateformes de la mobilité et des travailleurs indépendants en relation avec elles ne constituent pas une communauté de travail.

  • Au regard du caractère facultatif des chartes, le législateur est parfaitement habilité à indiquer que certains thèmes doivent y figurer sans en préciser le contenu.
  • La charte doit préciser les modalités visant à permettre aux travailleurs d’obtenir un prix décent pour leurs prestations de service. Ce prix « s’entend comme une rémunération permettant au travailleur de vivre convenablement compte tenu du temps de travail accompli ».

Le Conseil constitutionnel, en cas de litige concernant la conformité des chartes des plateformes concernant leur responsabilité sociale, valide la juridiction compétente, à savoir le tribunal de grande instance : le juge judiciaire est déjà compétent pour statuer sur :

  • Les litiges commerciaux nés entre une plateforme et un indépendant avec lequel elle est en lien (C. com. art L721-3)
  • Une demande en requalification d’une telle relation commerciale en un contrat de travail (C.trav.art.L.1411-4).

Les travailleurs indépendants, pour la plupart sont des auto-entrepreneurs, ils ont des droits sociaux réduits : l’article 20 de la loi LOM veut mieux encadrer les relations entre les plateformes et les travailleurs indépendants qui collaborent avec les plateformes numériques (coursiers, chauffeurs type Uber ou Deliveroo).

La loi clarifie le statut d’indépendant des travailleurs et crée de nouvelles obligations sociales dans les chartes homologuées des plateformes.

Les mesures concernant la sphère professionnelle : la loi Mobilités prévoit de nombreuses mesures qui concernent directement les entreprises et notamment elle règlemente les plateformes qu’utilisent les chauffeurs-livreurs. La loi incite ces plateformes à « rédiger des chartes précisant les contours de leur responsabilité sociale » :

  • Mise en place d’une obligation de transparence à l’égard de leurs travailleurs (information sur la distance et le prix minimal garanti avant chaque prestation notamment) et d’une charte de responsabilité sociale pour les plateformes de la mobilité ;
  • Sécurisation des stipulations du protocole d’accord du 4 octobre 2017, conclu par l’ensemble des organisations syndicales et patronales du secteur des transports routiers et des représentants des ministères des Transports et du Travail.

Aujourd’hui le texte de loi comprend un certain nombre d’obligations pour les donneurs d’ordre des chauffeurs livreurs utilisant les plateformes de livraison, avec un volet ouvrant la voie à l’institution d’un dialogue social spécifique : prix minimum de la course, droit à la formation professionnelle, droit à la déconnexion…Une ordonnance doit fixer les modalités de représentation des travailleurs des plateformes de transport et les conditions d’exercice de cette représentation. C’est un renforcement de la protection sociale des travailleurs indépendants, bien loin encore de celle des salariés.


Références

  • Cons. const., 20 décembre 2019, nº 2019-794 DC, JO 26 décembre
  • Loi nº2019-1428 du 24 décembre 2019, JO 26 décembre
  • Liaisons sociales du 27/12/2019