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Proximité syndicale et vote au 1er tour de la présidentielle de 2017

samedi 17 juin 2017

Illustrant les lignes de fracture de la société française qui sont apparues encore plus sensibles avec les résultats des dernières élections présidentielles, le vote des sympathisants des syndicats de salariés montre des clivages très marqués entre les syndicats : radicalisation des sympathisants des syndicats dits protestataires (CGT-FO-Solidaires et FSU) ; vote Macron des sympathisants des syndicats réformistes qui avaient voté majoritairement Hollande en 2012 (CFDT-UNSA) alors que les sympathisants CFTC et CFE-CGC restent ancrés à droite. Enfin, ce qui est plutôt rassurant, le vote d’extrême droite reste sensiblement au même niveau qu’en 2012.

Des votes différenciés suivant la proximité syndicale

Tout d’abord, il n’est pas inutile de rappeler que le sondage Harris interactive pour le compte de Liaisons sociales effectué à partir de 7 000 personnes en sortie des urnes le 23 avril 2017, point d’appui de cette analyse, concerne le vote des personnes qui se déclarent proches des organisations syndicales et non pas celui des adhérents de telle ou telle organisation, encore moins celui des militants. Il traduit toutefois de réelles tendances qui correspondent aux orientations fondamentales des organisations. Ainsi ce n’est pas une surprise de voir les sympathisants CGT plébisciter Jean-Luc Mélenchon ou ceux de la CGC privilégier François Fillon. Est-on vraiment étonnés, compte tenu de l’offre politique en présence, de voir les proches de la CFDT et de l’UNSA voter pour Emmanuel Macron ?

Les protestataires ont voté largement pour Mélenchon

Jean-Luc Mélenchon fait donc un tabac chez les proches de la CGT (51 %), de Solidaires (53 %), et de la FSU (43 %) qui laisse peu de place pour les autres candidats qui ne dépassent pas pour la plupart les 15 %. C’est un peu plus partagé chez les enseignants de la FSU qui ont accordé 18 % à Benoît Hamon et même 19 % à Emmanuel Macron. Faut-il y voir là un vote spécifique de certains enseignants attirés par son discours plus traditionnel sur l’éducation ? Quoi qu’il en soit, la protestation contre la loi Travail par ces organisations a probablement servi de catalyseur au vote Mélenchon.

Du côté des sympathisants de Force Ouvrière, qui ont voté à 32 % pour Jean-Luc Mélenchon, le vote protestataire s’est traduit aussi par un vote à 24 % pour Marine Le Pen au même niveau qu’en 2012 (25 %). Il semble donc que, pour une partie des sympathisants FO, le vote FN soit aujourd’hui bien ancré. Ce qui ne peut pas manquer d’interroger les dirigeants de cette organisation. L’absence de positionnement de FO contre l’extrême droite au deuxième tour, en vertu d’une tradition qui remonte à la Charte d’Amiens de 1905, ne peut que renforcer cette tendance.

Les Réformistes divisés en deux camps : Macron pour CFDT et UNSA, Fillon pour CFTC et CFE-CGC

Avec 48 % chez les sympathisants CFDT et 41 % chez ceux de l’UNSA, Emmanuel Macron réalise ses meilleurs scores laissant loin derrière les autres candidats. Ces électeurs s’étaient massivement portés sur Hollande en 2012. À l’inverse des électeurs de Mélenchon, les proches de la CFDT et de l’UNSA, en phase avec les responsables de ces organisations, ont largement soutenu la loi El Khomri et se sont donc naturellement reportés sur le candidat qui en a soutenu les principes. Ce sont aussi des électeurs qui sont très attachés à la construction européenne et qui ont donc été séduits par son discours très pro-européen. Le Président aurait tort, toutefois, de penser que ce vote vaut adhésion à tout son programme en matière sociale.

Quant aux électeurs proches de la CFTC et la CFE-CGC, ils votent traditionnellement à droite. S’ils n’ont pas dérogé à la règle en plaçant François Fillon en tête (CFTC 34 %, CFE-CGC 43 %), la droite perd environ 10 points par rapport à 2012 au profit d’Emmanuel Macron qui réalise un score aux alentours de 30 % chez cet électorat. Comme pour une partie de l’électorat de droite, les affaires qui ont marqué la campagne et les propositions très radicales de François Fillon en matière sociale expliquent son résultat chez ces électeurs.

Le vote pour l’extrême droite reste au même niveau qu’en 2012

Alors que le vote des ouvriers s’est porté largement pour Marine Le Pen le 23 avril 2017, elle ne réalise toutefois pas une percée chez les électeurs proches des organisations syndicales avec 13 % en 2017 (+1 point par rapport à 2012). Toutefois, on enregistre des évolutions importantes entre les organisations.

Si les scores du FN réalisés auprès des proches de la CFTC (14 %, -1point), de la CFE-CGC (11 %, +2 points) ou l’UNSA (14 %, -2 points) n’évoluent que faiblement ce n’est pas le cas des autres organisations et notamment du vote des proches des syndicats protestataires. Ainsi, les proches de Solidaires sont aujourd’hui 13 % à voter pour Marine le Pen (+9 points), ceux qui sont proches de la FSU sont 9 % (+6 points) et les proches de la CGT 15 % (+6 points). Comme pour Force Ouvrière une telle évolution chez des sympathisants de ces organisations ne doit pas manquer de les interroger sur leurs pratiques et leur discours. Celui-ci, le plus souvent négatif sur les questions sociales, alimente une forme de désespérance sur laquelle surfe le FN.

A contrario, alors qu’en 2012, les électeurs proches de la CFDT étaient 12 % à avoir voté pour Marine Le Pen, ils ne sont aujourd’hui plus que 7 % à le faire. C’est encore beaucoup mais le discours sans ambiguïté de la CFDT sur le Front National, son discours pro-européen et ses valeurs permettent d’expliquer cette évolution tout à fait positive.

Sortant de l’opposition traditionnelle gauche-droite à laquelle nous étions habitués depuis des années, cette élection marque l’émergence de nouveaux clivages probablement plus en phase avec la situation actuelle et les enjeux auxquels est confronté notre pays. Refus ou non de la mondialisation, repli sur soi ou ouverture sur le monde, construction européenne, décentralisation de lieux de pouvoir et de négociation, place du dialogue social et du syndicalisme dans la société sont entre autres les clivages d’aujourd’hui. Les votes des sympathisants des organisations comme ceux de l’ensemble des citoyens sont partagés bien sûr. Mais au moment où au final les électeurs ont choisi l’ouverture et sur le plan syndical ont placé en tête les organisations réformistes dans les entreprises, il est permis de penser que la société française saura sortir par le haut des difficultés auxquelles elle est confrontée.


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