1. Accueil
  2. > Conditions d’emploi
  3. > Temps de travail
  4. > Quelle politique du temps de travail ?

Quelle politique du temps de travail ?

samedi 15 avril 2017

Dans une note publiée en janvier 2017, France Stratégie tente d’apporter des réponses à l’amélioration du marché du travail en France en considérant qu’une « politique de temps de travail peut se concevoir pour y parvenir ». Avec un taux de chômage élevé et un taux d’activité en trop faible progression, la France est en retard vis-à-vis de ses principaux partenaires de l’Europe du nord (Allemagne, Autriche, Danemark, Pays-Bas, Royaume-Uni et Suède). Trois leviers peuvent être utilisés pour améliorer le marché du travail : augmenter le taux d’activité ; réduire le taux de chômage en jouant sur la durée du travail ou améliorer la qualité de l’emploi. On le verra, les solutions envisagées peuvent susciter des interrogations à la fois sur leur pertinence et leur possibilité de mise en œuvre. En tous cas, elles peuvent alimenter le débat de l’élection présidentielle.

Depuis 30 ans, des actions multiples et contradictoires sur le temps de travail :

La question du temps de travail et de son organisation a fait l’objet de nombreux débats souvent passionnés depuis le début des années 80. Après le passage à 39 heures hebdomadaires et la cinquième semaine de congés payés en 1982, c’est le temps partiel associé à des allégements de cotisation qui est privilégié au début des années 90. Puis, c’est autour de 2000 que sont mises en œuvre les 35 h avec des allégements de cotisations centrés sur les bas salaires conjointement au relèvement progressif du Smic horaire. Entre 2007 et 2012, on encourage, à l’inverse, l’augmentation de la durée du travail par des exonérations de charges sociales et fiscales sur les heures supplémentaires. Par ailleurs, depuis la fin des années 90, des dispositifs pour aménager le temps de travail se sont développés (forfaits en jour, annualisation, modification du contingent d’heures supplémentaires).

Toutes ces politiques ont eu un impact sur le marché du travail plus ou moins contesté par les différentes parties prenantes mais ont pesé aussi sur les finances publiques. Pour les rédacteurs de la note de France Stratégie, l’amélioration du fonctionnement du marché du travail français passera à la fois par la hausse du taux d’activité, la réduction du taux de chômage et l’amélioration de la qualité de l’emploi ». Mais pour que cette politique soit efficace, il faut clarifier l’objectif prioritaire auquel on souhaite qu’elle réponde.

Favoriser le temps partiel et les cumuls emploi formation ou emploi retraite pour accroître le taux d’activité

Pour France Stratégie, si l’on veut augmenter le taux d’activité, il faut faire en sorte que le plus grand nombre d’individus en âge de travailler puisse accéder à l’emploi même si ce n’est pas un emploi à temps plein. « C’est un facteur de dynamisme économique et d’intégration sociale ».

Contrairement à nos voisins européens, la France a toujours privilégié le travail à temps plein, notamment pour les femmes d’âge médian. C’est un choix de société. Pour éviter le développement des travailleurs pauvres a été fixé le temps minimum à temps partiel à 24h en 2014 sauf dérogation par accord de branche. Les rédacteurs proposent, avec beaucoup de précautions dans la rédaction du texte, de se réinterroger sur la possibilité de développer un temps partiel court en France « pour permettre à certaines personnes éloignées du marché du travail d’accéder ou ré-accéder à l’emploi ». Cette politique devrait être associée à un renforcement des mécanismes de la prime d’activité et donner la possibilité de regrouper plusieurs contrats en allégeant les contraintes (déplacements, gardes d’enfants, etc..). France Stratégie propose aussi aux entreprises de se servir du temps partiel « pour moderniser » leur organisation en développant, notamment pour les cadres (10 % à temps partiel seulement) les « job sharing » c’est-à-dire faire occuper un temps plein par deux personnes à temps partiel.

Par ailleurs, la note avance aussi l’idée de développer, notamment pour les 15-24 ans, le cumul emploi-formation par la formation en alternance. Dans le même registre, une sortie du marché du travail plus progressive pour les séniors favoriserait la transmission des savoirs.

Faire d’une modification de la durée du travail un instrument de lutte contre le chômage

Dans le débat sur les moyens de réduire le taux de chômage, la question de la durée légale du temps de travail reste encore centrale mais l’avertissement des rédacteurs de la note est clair : qu’elle soit à la hausse ou à la baisse, une politique de modification du temps de travail doit veiller à maîtriser les coûts salariaux unitaires pour qu’elle parvienne à réduire de façon durable le taux de chômage. La note balaie ensuite les deux hypothèses.

Baisser le temps de travail peut avoir un effet positif sur l’emploi à court terme mais pour que l’effet soit durable elle doit s’accompagner d’une forme de modération salariale et d’une action sur l’organisation du travail afin de générer des gains de productivité. Il faudrait pour diminuer les coûts salariaux au bas de l’échelle soit diminuer le niveau du Smic mensuel ou baisser les prélèvements sociaux, ce qui supposerait probablement de réduire les cotisations d’assurance chômage ou de retraite complémentaire…

Augmenter le temps de travail, aurait à court terme un effet négatif sur l’emploi mais, à condition de ne pas augmenter les salaires à due proportion, pourrait à moyen terme stimuler la production, les marges, l’investissement et donc l’emploi. La note s’interroge toutefois sur la motivation des salariés et leur productivité s’il n’y a pas de contrepartie salariale. Il faudrait donc envisager des systèmes de compensation de la part des pouvoirs publics...

Quelle que soit la politique envisagée, les rédacteurs notent qu’elle aurait un coût pour les finances publiques.

Aménager les temps de travail tout au long de la vie pour améliorer la qualité des emplois

Dans ce domaine, les attentes sont nombreuses et une telle politique vise d’abord à « améliorer la qualité de l’emploi en permettant une meilleure conciliation entre vie professionnelle et vie privée pour les salariés et la compétitivité des entreprises grâce à une plus grande flexibilité interne ».

Diverses mesures sont citées pour cet objectif :

L’élargissement des possibilités de travailler le dimanche, sous couvert d’accord d’entreprise issu de la loi d’août 2015, devra faire l’objet d’un bilan avant de procéder à de nouvelles évolutions.

Les pratiques d’individualisation des horaires et le travail à distance pourraient être développés. Seulement 30 % des salariés français sont concernés aujourd’hui alors qu’ils sont entre 50 et 60 % en Allemagne et les Pays nordiques. La note prend l’exemple d’expériences développées en Europe et aux États-Unis associées à l’utilisation du télétravail : horaires décalés en Suède, à la carte au Danemark, banques de temps ou encore « temps choisi » en Allemagne, abandon de la référence horaire dans certaines entreprises aux États-Unis pour se focaliser sur le résultat obtenu.

Les rédacteurs de la note considèrent qu’au regard de ces exemples « des marges de manœuvre existent en France ». Ainsi, une flexibilité du travail sur des temps longs pourrait s’envisager en organisant le remplacement des salariés par exemple en formation de longue durée par des chômeurs formés aux postes vacants.

Enfin, France Stratégie évoque la généralisation du compte épargne-temps et son intégration dans le Compte Personnel d’Activité pour répondre aux attentes des salariés qui peuvent être différentes suivant les âges de la vie.

En conclusion, le débat sur le temps de travail n’est pas clos et les mesures préconisées par France Stratégie peuvent susciter des interrogations. Quoi qu’il en soit, il faudrait sortir des postures idéologiques pour trouver les solutions les mieux adaptées à la réalité de la société française dans son ensemble mais surtout aux réalités des salariés et des entreprises dans leur quotidien. C’est pourquoi, même si ces questions doivent nécessairement avoir un cadrage par la loi, elles doivent être traitées au plus près du terrain et par le dialogue social c’est-à-dire la recherche du meilleur compromis entre les attentes des salariés et les contraintes des entreprises.


Référence