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Quelle transparence et quelle efficacité pour la gouvernance de la protection sociale ?

samedi 16 avril 2016

Les dépenses de protection sociale représentent en France près de 672 milliards d’euros, soit 31,8 % du PIB. Au sein de l’OCDE, notre pays se distingue par l’importance de la part publique de ces dépenses et le morcellement institutionnel du système de protection sociale. Cette gouvernance éclatée soulève des problèmes économiques fondamentaux. Une note du Conseil d’analyse économique (CAE) remise au Premier Ministre propose des pistes pour une restructuration plus efficace, transparente et démocratique.

La protection sociale, c’est plus de 31 % du PIB

Les comptes de la protection sociale incluent l’ensemble des dépenses visant à couvrir les risques maladie, maternité, invalidité, accidents du travail, vieillesse, survie, famille, chômage, insertion et réinsertion professionnelle, logement, pauvreté et exclusion sociale, quels que soient les régimes.
Sur les 672 milliards d’euros de dépenses en 2013, le risque vieillesse-survie représente la part la plus importante. Il comptait pour 307 milliards d’euros et le risque maladie-maternité-invalidité pour 228 milliards d’euros.

Bien que les comparaisons internationales soient délicates, on peut retirer des données disponibles deux faits. Pour l’ensemble des dépenses de protection sociale la France figure parmi les pays qui dépensent le plus, mais les écarts entre pays restent limités. De plus, elle se distingue surtout par la part plus importante des dépenses publiques de retraite.

Le morcellement institutionnel de notre système de protection sociale

Au cœur du système actuel se trouve le régime général de la Sécurité sociale, créé en 1945, assurant pour la majeure partie des salariés du secteur privé les risques maladie, invalidité, vieillesse, accident du travail et famille. En dehors de la branche famille, le régime « général » n’a cependant jamais eu l’universalité qu’auraient souhaitée ses concepteurs, du fait de l’absence de participation dès son origine des fonctionnaires, des indépendants et des salariés de grandes entreprises publiques.

Par ailleurs, la Sécurité sociale a laissé de côté des éléments importants de la protection sociale, comblés par d’autres institutions. L’absence d’assurance chômage conduit les partenaires sociaux à créer l’UNÉDIC à la fin de 1958, rendue obligatoire dès l’année suivante. La faiblesse des prestations vieillesse conduit les mêmes partenaires sociaux à créer un régime complémentaire pour les cadres (l’AGIRC) en 1947 et, en 1961, son équivalent pour les non-cadres (l’ARRCO) : facultatifs à l’origine, ils deviennent obligatoires en 1972. Du côté de la branche maladie se développent des complémentaires santé pour couvrir les restes à charge des dépenses de santé non couvertes par le régime général. Celles-ci restent aujourd’hui hors du champ de la dépense publique, bien qu’elles jouent un rôle important dans la couverture maladie.

La gouvernance actuelle soulève trois problèmes économiques fondamentaux

Le premier tient à la difficulté de réaliser des arbitrages collectifs à partir d’une gouvernance éclatée. Le processus démocratique actuellement en place, qu’il soit parlementaire ou paritaire, ne garantit pas que les choix entre les différentes dépenses de protection sociale soient réalisés en accord avec l’expression des choix collectifs.

Le second problème tient à la mauvaise coordination des régimes de base et complémentaires au sein d’un même risque.

Enfin, cette organisation ne permet pas de faire une distinction claire entre deux types de protection sociale dont les logiques de solidarité et de financement diffèrent : les régimes assurantiels qui versent des prestations contributives, dont l’objectif est d’assurer des revenus de remplacement aux revenus d’activité, et les systèmes de protection sociale qui offrent des prestations à tous les citoyens en fonction de leurs besoins, sans rapport avec leurs contributions.

Une réforme ambitieuse à moyen-long terme

À travers six recommandations, les auteurs du rapport proposent une réforme ambitieuse. Elle consiste d’abord à unifier les régimes couvrant un même risque :
 unifier la gouvernance des régimes de retraite obligatoires et harmoniser les règles d’accumulation des droits ;
 orienter la couverture du risque santé sur le panier de soins solidaire et recentrer les assurances facultatives sur la couverture des soins hors de ce panier.

Il conviendrait par ailleurs de refondre l’architecture de la protection sociale avec un pôle non contributif (famille, assurance maladie, lutte contre la pauvreté) intégré dans le budget de l’État et financé par l’impôt, et un pôle contributif (retraites, assurance chômage, indemnités journalières) financé par des cotisations sociales.

À plus court terme, des mesures sont préconisées pour améliorer le pilotage du risque vieillesse : la dépendance de l’équilibre du système à la croissance économique de long terme pourrait être atténuée en revenant à une indexation-salaire des rémunérations constituant le salaire de référence des pensions et en modulant le taux de remplacement par un coefficient démographique.

Pour garantir une véritable protection du risque maladie, il conviendrait d’instaurer pour la dépense reconnue une couverture publique à 100% des restes à charge au-delà d’un certain plafond, tout en garantissant l’accès à une offre de soins à tarifs opposables sur tout le territoire.

Enfin, pour obtenir des choix éclairés, il paraît nécessaire de présenter chaque année, lors des débats budgétaires, une annexe retraçant une décomposition de l’ensemble des dépenses publiques par fonction et par risque social couvert.


Sources