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Salariat et nouveaux modes de travail

mercredi 21 octobre 2015

Des analystes actuels prédisent la fin du salariat, en raison du développement de nouveaux modes de travail. Des penseurs du XIXème siècle avaient déjà imaginé sa fin future, remplacé par un travail libéré du lien de subordination à un employeur.
Pourtant, on n’en est pas à la généralisation des nouveaux modes de travail – et y sera-t-on un jour ? Cependant, ils connaissent un développement certain : par exemple, Martin Schultz, Président du Parlement Européen, devant le congrès de la CES a évoqué le nombre d’1/3 de travailleurs indépendants aux USA aujourd’hui, alors qu’on ne dépasse guère les 10 % en France.

Ces modes atypiques de travail peuvent être regroupés en des typologies différentes :

  • - soit qu’ils sont un travail complémentaire (et dans ce cas le salarié bénéficie de la protection sociale liée à son emploi principal), ou qu’ils sont un travail principal à temps de travail total ou partiel,
  • - soit en fonction de leur statut juridique et de leur distance au contrat de travail classique, en particulier en fonction de la protection sociale et des régulations dont ils bénéficient.

Deux formes de travail régulées en France

  • - Le portage salarial, qui est un contrat de travail avec une entreprise de portage, mais c’est au salarié de rechercher et trouver ses missions. C’est pour de nombreux cadres quinquagénaires la seule façon de retrouver du travail après une perte d’emploi, voire de rebondir ; ce statut leur assure une protection sociale (sécurité sociale, retraite, assurance chômage…). On parle de 30 000 personnes en portage salarial en France, et de 200 entreprises de portage.
  • -Les micro-entrepreneurs, ex auto-entrepreneurs depuis 2015 [1], au statut simplifié d’indépendants, avec la protection sociale des indépendants (RSI…), mais pas l’assurance chômage ni les congés payés. Ils sont actuellement près d’un million en France (982 000 fin 2014).

Dans un très grand nombre de cas, il s’agit d’une activité complémentaire au statut de salarié ou de retraité. Quand il s’agit de l’activité principale de la personne, c’est très souvent un statut allégé pour un démarrage d’activité afin de tester la viabilité d’un projet.

Le problème vient quand il s’agit d’une activité principale imposée par un employeur pour faire travailler la personne avec un coût salarial inférieur. Des abus existent dans certains secteurs d’activité, tels le BTP, les hôtels et restaurants, les transports routiers, les compagnies aériennes à bas coûts, la culture.

Deux formes issues des États-Unis

  • - L’exemple le plus marquant est celui d’Uber [2], mais dans le même genre on peut citer AirBnb ou d’autres… Pour les personnes concernées, ce n’est pas un emploi, ni un travail déclaré comme indépendant, c’est une activité non régulée, souvent non déclarée fiscalement, qui a attiré nombre de personnes comme complément de revenus. Elle est aussi parfois devenue pour certains une activité plein temps, mais sans règles collectives, …sinon celles posées par l’entreprise numérique. Car cette liberté ressentie individuellement participe en fait à la construction de grandes multinationales du net qui transfèrent entièrement le risque aux individus.

Cette situation commence à créer des conflits, à commencer par la Californie, où certains ont remis en cause leur absence de statut et revendiquent devant la justice le statut de salarié. De même, le conflit grandit au Canada…

  • -L’exemple le plus provocant est encore à l’état de projet de la part d’Amazon : des livreurs payés à la tâche, qui apprendraient par leur smartphone la livraison à effectuer, récupèreraient le colis dans un entrepôt proche et devraient le livrer immédiatement. Ils devraient avoir une voiture, financeraient eux-mêmes essence et assurance et seraient payés à l’heure de travail sans aucune couverture sociale !

Quelques éléments d’analyse

Toutes ces formes de travail ont pour caractéristique commune de pouvoir s’arrêter brutalement si on ne trouve plus de client. Leur point commun est l’importance du risque qui repose sur leur la tête comme une épée de Damoclès.

D’autre part, une bonne partie de ces nouvelles formes d’activité sont des activités complémentaires et développent une pluriactivité des salariés. Mais, sous une apparence de liberté, tous ces nouveaux modes de travail comportent en fait une subordination envers les entreprises donneuses d’ordre.

Mais les différentes formules sont très différentes en termes de protection et de droits sociaux, depuis des situations intermédiaires entre salariat classique et entreprenariat jusqu’au vide complet. Ce sont donc forcément des questions à se poser en termes de constitution de droits sociaux, généralement de façon collective, de bénéfice de – et de participation financière à - la protection sociale.

Cela interroge donc les syndicats, qui déjà – il faut le rappeler – syndiquent les artisans taxis ou les patrons pêcheurs bretons, sur leur volonté et leur capacité à s’adresser à eux et à intervenir pour le développement des droits de ces travailleurs. Mais cela interroge aussi le patronat et les gouvernements pour inventer les nouvelles régulations nécessaires et définir les règles de bonne concurrence.