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Réouverture de la négociation d’assurance-chômage : reparlons du paritarisme !

mercredi 15 mars 2017

Les partenaires sociaux : syndicats représentatifs (CFDT, CFTC, CFE-CGC, CGT, CGT-FO) et organisations patronales (MEDEF, CPME, U2P) viennent de décider de rouvrir au plus vite la négociation sur l’indemnisation du chômage, interrompue au printemps 2016. L’UNEDIC, faute d’accord et aussi à cause d’un fort taux de chômage, accumule tous les jours une dette toujours plus grande (30 milliards d’euros). Sans attendre les résultats d’une élection présidentielle inédite et parfois illisible, les partenaires sociaux affichent ainsi qu’ils misent sur le paritarisme pour continuer à gérer l’assurance-chômage. Retour historique sur ce qui a fondé ce paritarisme et débats actuels sur son bien-fondé.

Retour historique

L’Unedic a plus de 50 ans. Elle a été créée en décembre 1958 à l’initiative des partenaires sociaux pour les salariés de l’industrie et du commerce, sous l’impulsion du Général de Gaulle. Les négociations s’engagent en octobre 1958 entre le CNPF (actuel MEDEF), FO, la CFTC (la CFDT n’existait pas à cette époque) et la CGC. La CGT, favorable à une intégration de l’indemnisation du chômage dans la Sécurité sociale, n’est pas présente, mais elle adhérera à la nouvelle convention. Le 2 mai 1959, le régime est rendu obligatoire pour les entreprises par un arrêté ministériel. Et il faut attendre le 22 août 1980 pour les conventions instituant le régime d’assurance chômage en outre-mer.

La loi a confié aux organisations patronales et aux organisations syndicales représentatives au plan national et interprofessionnel la gestion de l’assurance chômage, obligatoire pour la majeure partie des employeurs et salariés du secteur privé. Ce système est financé par une contribution supportée par les entreprises et les salariés.

Au conseil d’administration et au bureau de l’Unedic siègent toutes les organisations représentatives, signataires ou pas de la convention d’assurance-chômage.

L’Unedic est un organisme de droit privé

L’Unedic est une association loi 1901 et donc un organisme de droit privé chargé d’une mission de service public. La loi du 13 février 2008 relative à la réforme de l’organisation du service public de l’emploi et la création de Pôle emploi a conforté l’Unedic dans son rôle de gestionnaire de l’assurance chômage. Elle prescrit les règles d’indemnisation du chômage décidées par les partenaires sociaux, contrôle leur mise en œuvre, gère les finances pour garantir la continuité de l’indemnisation du chômage, produit les études et les prévisions nécessaires pour alimenter la réflexion commune et continuer de faire évoluer le système d’assurance chômage et enfin contrôle et audite les opérateurs pour garantir la mise en œuvre des règles.

Les avantages du paritarisme dans la gestion de l’assurance chômage

Dans une interview publiée le 31 août 2012 sur le site de l’Unedic, Jean-François Pilliard (MEDEF), alors président de l’Unedic, et Patricia Ferrand (CFDT), vice-présidente, apportent leur éclairage sur les avantages de ce mode de gestion en soulignant que la notion de paritarisme est l’un des piliers de la philosophie de l’assurance chômage.

Avec l’assurance-chômage, les partenaires sociaux interviennent à 2 niveaux. D’abord en négociant un accord qui se traduit par une convention car l’État leur a délégué la définition des règles de l’assurance-chômage et puis la mise en œuvre de la gestion du système. Le conseil d’administration et le bureau de l’Unedic s’assurent que le résultat de la négociation est réellement mis en œuvre par l’Unedic et ses opérateurs.

C’est là pour eux la force du paritarisme, 5 organisations syndicales et 3 organisations patronales autour de la table qui débattent puis décident collégialement. Des femmes et des hommes de terrain qui connaissent la vie des entreprises, prennent des décisions qui ne sont pas conceptuelles mais près de la réalité. Le fait qu’il y ait des organisations et des opinions différentes oblige d’aller au fond des dossiers et de s’y tenir. Ce qui les motive c’est que le résultat de la négociation soit appliqué et surtout pérennisé même s’ils ne sont pas d’accord sur tous les sujets.

Conscients que depuis 1958 bien des points ont évolué, J-F Pillard et P Ferrand indiquent que 2 principes demeurent dans le paritarisme de l’Unedic : il s’agit d’un régime assurantiel solidaire et interprofessionnel et deuxièmement les efforts financiers du système concernent aussi les politiques actives. On vous procure un revenu et on vous aide à revenir sur le marché du travail.

Pourquoi tant de haine !

« Inefficace, complexe, opaque, intéressé… », les adjectifs ne manquent pas pour étriller le paritarisme, comme ne manquent pas les propositions des candidats à la présidentielle pour le réformer ou le supprimer. En l’occurrence, c’est Emmanuel Macron, au nom de l’universalisation de l’indemnisation chômage, suivi de près par François Fillon qui propose de nationaliser l’Unedic. Derrière ces propositions, il flotte un petit air malveillant qu’il convient de décrypter. Car derrière la critique du paritarisme se cache souvent la critique des corps organisés, de leur place dans la société et de la place de la démocratie sociale dans la vie de notre pays, bien peu à l’aise avec ce sujet à la différence de certains pays amis et voisins. Pourtant, depuis 70 ans, en France, les partenaires sociaux n’ont pas à rougir de leurs actions dans les institutions de protection sociale.

Petite mise en perspective des idées reçues

À la différence de ce qu’on lit, l’État reste très interventionniste dans le domaine de l’assurance-chômage, à la fois lors des négociations comme dans la gestion. Il n’est que de voir la décision de l’État de créer Pôle emploi avec une participation aux frais de gestion très inférieure à celle de l’Unedic. Etat : 30 %, Unedic : 70 %. Ce qui alourdit la dette de l’Unedic. Et puis l’État a la possibilité d’agréer les conventions d’assurance-chômage ou pas. Aucun négociateur n’a oublié en la matière le traitement du dossier des intermittents du spectacle avec la pression sur le blocage d’un non agrément de la convention. Enfin un contrôleur d’État (ministère des finances) siège au bureau Unedic (sans droit de vote).

Les gouvernements successifs se glorifient de leur politique sociale et des changements législatifs qu’ils ont impulsé sans rendre à César ce qui lui appartient, à savoir que bien des lois proviennent des accords négociés par les partenaires sociaux. Ceux-ci, depuis la loi du 30 janvier 2007, ont une autonomie de négociation reconnue. En la matière, on peut mettre à l’actif des récentes négociations assurance–chômage : la rupture conventionnelle, les droits rechargeables, la Préparation Opérationnelle à l’Emploi qui préfigure les formations pour les chômeurs, l’accord de maintien dans l’emploi…

Les organismes paritaires sont bien gérés, comme l’a reconnu le rapport parlementaire mené par Jean-Paul Germain (PS). L’accord de 2012 sur la modernisation du paritarisme avait imposé des audits internes et externes et une obligation de certification et de publication des comptes, ce que pratique l’Unedic depuis fort longtemps.

Enfin la question de la représentativité des syndicats et donc leur légitimité à gérer le système, critiquée par certains, a été réglé depuis la loi de 2008. La représentativité est établie sur de nombreux critères ainsi que sur l’audience électorale cumulée et indiscutable.

En conclusion, le système paritaire comme tous les systèmes a vocation à s’améliorer et comme l’indique Jean-Paul Guillot dans un dossier de Liaisons sociales Magazine, avant toute signature, il faut prendre le temps du diagnostic partagé et des études d’impact. Démarche d’ailleurs qui a aussi son intérêt pour l’exercice parlementaire.

Reste la question essentielle, posée par Liaisons Sociales, l’État et le privé feraient-ils mieux ? Réponse cinglante du député Jean-Paul Germain « en privatisant la gestion, il y aurait un vrai risque de privatiser les bénéfices et de nationaliser les pertes ». Quant à l’État, il est clair que l’implication des partenaires sociaux évite une gestion trop technocratique à tout le moins, sans parler de certains arbitrages budgétaires qui pourraient se faire au détriment des chômeurs si l’État avait la charge de l’assurance-chômage. Rappelons-nous que la seule fois dans l’histoire où l’État a géré celle-ci, les indemnisations des chômeurs ont baissé de 12 %. Il s’agissait d’une décision de Pierre Bérégovoy, ministre des Affaires sociales et de la Solidarité nationale du gouvernement Mauroy, le 24 novembre 1982.

Le reste de l’histoire est bien sûr à suivre attentivement.


Sources :