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Échec des négociations sur le « Pacte de la vie au travail », mais accords avec l’U2P

samedi 4 mai 2024

Il aura fallu aux partenaires sociaux de nombreuses séances de négociation pour finalement ne pas arriver à s’entendre sur un sujet pourtant essentiel : l’ensemble des questions liées au travail et à la carrière professionnelle. Attendue après le recul de l’âge de la retraite à 64 ans aussi bien par les salariés, les organisations syndicales, une partie du patronat et le gouvernement, cette négociation malgré sa longueur n’a pas dépassé le stade du diagnostic. Le MEDEF et la CPME, peu enthousiastes à traiter en profondeur la question du travail, n’ont manifestement pas cherché à trouver une issue favorable à cette négociation.

Un échec qui redonne la main au gouvernement sur la définition de la règlementation de l’assurance chômage mais qui a aussi permis à l’U2P et aux organisations syndicales de trouver un accord sur deux thèmes majeurs figurant dans la lettre de cadrage adressée aux partenaires sociaux, le compte épargne temps universel (CETU) et les reconversions professionnelles.

Une négociation au long cours

Le conflit sur le recul de l’âge de départ à la retraite avait fait apparaître combien les questions de qualité du travail, de reconnaissance et de déroulement de la carrière tout le long de la vie professionnelle étaient essentielles pour les salariés.

À la suite de ce conflit, le gouvernement et les partenaires sociaux avaient souhaité négocier sur le « Pacte de la vie au travail » proposé par le Président de la République. La négociation a commencé le 22 décembre 2023 pour se terminer par un constat d’échec dans la nuit du 9 au 10 avril 2024.

Après une phase de diagnostic qui s’est plutôt bien passée au cours du mois de janvier, de l’avis même de tous les protagonistes, les véritables négociations se sont engagées dès février.

Elle se sont rapidement durcies entre les parties patronales et syndicales tant les positions étaient divergentes. La partie patronale prétendait proposer des solutions pour développer l’emploi des séniors alors que les syndicats voulaient traiter des parcours professionnels et du travail.

La dernière séance qui s’est prolongée sur deux jours n’a pas permis de rapprocher les points de vue.
Faute de prendre en compte les propositions syndicales, le projet d’accord proposé par le patronat n’a que très peu évolué entre le texte de départ et la dernière version. Les négociateurs se sont quittés sur un constat d’échec.

Première conséquence, cet échec donne, de fait une nouvelle fois, les mains libres au gouvernement sur l’assurance chômage qui dès janvier avait annoncé sa volonté de durcir les règles d’indemnisation.

À la suite de la négociation, constatant l’échec, l’U2P (artisanat et professions libérales) une des trois composantes patronales, a proposé aux organisations syndicales de poursuivre la négociation sur le CETU et la question des reconversions, provoquant la colère des deux autres organisations patronales jugeant l’attitude de l’U2P « déloyale ».

Sur quels sujets, la négociation a capoté ?

Deux sujets ont particulièrement cristallisé les positions patronales et syndicales…

  • Le Compte épargne temps universel (CETU), voulu de longue date par la CFDT, repris par le candidat Macron lors de la présidentielle de 2022 et soutenu avec plus ou moins de ferveur par les autres syndicats a fait l’objet d’un véto de la part du MEDEF et de la CPME.
  • Le CDI Séniors, un contrat de travail spécifique pour les séniors qui pouvait s’arrêter dès que le salarié avait obtenu ses droits à la retraite.

Porté par le MEDEF, la CPME, ce nouveau contrat supprimait la liberté du salarié de choisir le moment de son départ à la retraite. L’accord proposé prévoyait à cette fin que l’employeur puisse connaître l’âge de départ à la retraite des salariés d’où l’opposition formelle de toutes les organisations syndicales.

À ces sujets sensibles se sont rajoutées des propositions patronales qui se traduisaient souvent par des remises en causes de droits existants comme celle, par exemple, qui supprimait le maintien du contrat de travail pour un salarié en reconversion.

…mais aussi des raisons plus… politiques

Aux désaccords sur des points précis, le contexte politique et social n’a pas aidé non plus à la recherche d’un compromis :

  • Un patronat sur la défensive : dès le début des discussions dans le cadre de l’agenda autonome et des débats avec le gouvernement, le patronat ne souhaitait pas s’engager outre mesure sur la question du travail et des déroulements de carrière.
  • Des craintes patronales d’une sorte de « revanche » syndicale après le conflit des retraites, notamment face à des syndicats souvent unis sur de nombreuses propositions. Autant laisser le gouvernement prendre les décisions impopulaires pour les employeurs. Cela a été notamment le cas du CETU.
  • Du côté patronal encore, la concurrence exacerbée entre le MEDEF et la CPME, avec en perspective la mesure de la représentativité patronale à la fin de l’année, a pu amener le MEDEF à durcir ses positions face à une CPME dont une partie de la base n’est pas insensible aux positions extrêmes.
  • Enfin, les déclarations gouvernementales tout au long du processus de négociations sur l’assurance chômage ou sur les solutions en matière d’emploi des séniors ont exercé une pression et des interférences sur la négociation qui n’ont pas favorisé la sérénité des débats.

À aucun moment, selon l’avis même du négociateur de l’U2P, le MEDEF et la CPME n’ont démontré une réelle volonté d’aboutir.

Les suites de la négociation

Quelques jours plus tard, l’U2P et les cinq organisations syndicales se sont retrouvées pour prolonger les discussions et aboutir à deux accords interprofessionnels. L’accord sur le CETU a été signé par la CFDT et la CFTC. Celui sur les reconversions a été signé par la CFTC, la CFDT et la CFE-CGC. FO devrait signer les 2 accords.

Tous les acteurs sont conscients que ces deux accords pourront servir de base à la rédaction de la future loi prévue pour l’automne. Catherine Vautrin, ministre du Travail, a ainsi indiqué que « dès lors qu’il y a accord, il y a transposition ». Les deux accords prévoient un Comité de suivi composé des organisations patronale et syndicales signataires pour suivre et peser sur sa transposition par le Parlement.

Le gouvernement a cependant jugé qu’il y avait des choses intéressantes à reprendre dans le projet d’accord abandonné notamment sur les questions d’évolution de carrière. Une des questions sera de savoir s’il reprendra la proposition patronale porté par le Medef et la CPME d’un CDI séniors ? Plus largement, difficile de dire aujourd’hui dans quel sens penchera le balancier compte tenu de l’absence de majorité absolue au Parlement.

Au final, même si les partenaires sociaux n’ont pas abouti à un accord engageant l’ensemble des entreprises, leurs discussions ne resteront pas vaines. Les deux accords négociés par l’U2P et les syndicats ont changé la donne.

Reste que l’absence de signature des deux organisations patronales majoritaires (Medef et CPME) et leur attitude en retrait durant la négociation posent problème et constituent un revers pour le dialogue social national interprofessionnel.

Revers que les partenaires sociaux devront rapidement faire oublier en renouant le dialogue pour ne pas donner prise à ceux qui critiquent ou souhaitent minimiser leur rôle dans la société. Les prochaines discussions prévues à l’agenda autonome des partenaires sociaux, notamment celle sur la gouvernance des organismes paritaires, pourraient en être l’occasion.


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