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Formation professionnelle : traquer les idées reçues

samedi 1er juin 2013

Avant une négociation et un projet de loi sur la formation professionnelle, annoncés pour le 2ème semestre, deux juristes spécialistes de la formation professionnelle insistent pour qu’avant toute réforme on traque les idées reçues sur la formation.

Ce principe nous a paru intéressant, sans que nous souscrivions forcément à chacune de leurs affirmations.

Pour eux, dix principales idées reçues sont à combattre pour fixer des changements sur un véritable bilan du système de formation professionnelle.

1. Le système de formation professionnelle est inefficace.
En fait, comment faire une évaluation sans partir des objectifs assignés à la FPP ? Un accès égalitaire ? Des formations longues certifiantes ? Ou une capacité donnée aux entreprises et aux salariés de franchir des chocs technologiques, d’accompagner les transformations, de développer les compétences ?
C’est ce dernier objectif qui a été le plus mis en œuvre.

2. Le système de formation professionnelle est trop complexe.
Les dispositifs sont nombreux, avec beaucoup d’acteurs et de financeurs. Mais la complexité retombe-t-elle sur les professionnels ou sur les utilisateurs ?
L’objectif est évidemment la simplicité pour les bénéficiaires, sans que la complexité du montage n’intervienne à leur niveau, …ce qui ne présuppose pas nécessairement un pilotage recentralisé avec des décisions par le sommet.

3. On doit mieux utiliser les 32 milliards de la formation.
Cette somme cumule des sommes d’origines très différentes : budget formation des administrations comme des entreprises, conseils régionaux, OPCA, CFA, ménages.
Il est utile qu’une telle somme soit valorisée au maximum avec un grand souci d’efficacité.

4. Il faut former davantage les demandeurs d’emploi.
Être demandeur d’emploi est un état, non une fonction, état qu’on espère très passager. Tous les demandeurs d’emploi n’ont pas le même besoin de formation.
L’objectif est donc de personnaliser avec chacun selon ses besoins et les possibilités d’emploi du tissu économique où il est.

5. Le système de formation est inégalitaire.
S’il y a effectivement des inégalités réelles, c’est une conclusion trop rapide que de postuler que les besoins de formation de tous sont identiques et que le seul indicateur est le nombre d’heures passées en formation. Car la bonne question serait : comment les actifs se professionnalisent-ils ? Et les actifs peuvent-ils accéder à la formation lorsqu’ils en ont le plus besoin ?

6. Les grandes entreprises utilisent les fonds des TPE/PME.
En fait les éléments publiés dans le projet de loi de finances 2013 montrent que la mutualisation de la professionnalisation par les OPCA va vers les TPE. Mais effectivement, le pourcentage de la masse salariale utilisée pour le plan de formation est croissant avec la taille de l’entreprise : comme le plan formation et son budget sont l’apanage de chaque entreprise, il n’est pas question de mutualisation entre elles, sauf exception.

7. Les TPE ne forment pas leurs salariés.
Leur budget formation est plus limité. Mais les compétences acquises par le travail, constituent selon l’université de Princeton 70 % des compétences.
Donc l’interrogation doit être posée sur le contenu des emplois, leur caractère évolutif et qualifiant. Car la polyvalence est plus développée dans les petites entreprises.

8. La formation professionnelle est la vache à lait du paritarisme .
On est là sur une question fantasmée de milliards détournés de leur objectif. Or le financement est de 80 millions, pour le travail des organisations syndicales patronales et salariées pour la gestion de tout le paritarisme de la formation et leurs missions d’intérêt général dans les multiples instances de concertation. Cette somme est de même niveau que le financement public des partis politiques.

9. Les OPCA ont des coûts de fonctionnement trop élevés.
En fait, les coûts de fonctionnement sont de 10 %. Et encore la moitié de ce pourcentage est consacré aux services aux entreprises et aux salariés : conseil, diagnostic, accompagnement, mise à disposition d’outils de gestion… Donc ce sont en réalité 95 % de la collecte qui retournent bien aux objectifs de la formation.

10. Il y a trop d’organismes de formation.
Comme les acheteurs individuels ne représentent que 7 % du montant total de la formation, la vraie question est celle des acheteurs professionnels, financeurs, dans leur démarche d’achat de qualité. De plus, la formation continue développe une grande diversité de modes de transmission, ce qui est un de ses atouts.
Ce qui manque, pour sélectionner les offres présentes sur le marché, c’est un dispositif de conseil indépendant et fiable.

En fait, en démontant chacune de ces idées reçues, les auteurs nous invitent à ne pas faire d’évaluation hors des objectifs assignés, à ne pas prendre la formation pour ce qu’elle n’est pas, car elle est un moyen et non une fin. Il ne faut pas confondre critères quantitatifs et analyse qualitative des résultats obtenus, ni penser que seules les heures de face à face pédagogique sont porteuses d’acquisitions de compétences.

Ils montrent aussi que la formation, organisée par la loi de 1971 (qui a repris l’accord des partenaires sociaux de 1970), à une époque qui était encore celle des Trente glorieuses, s’est constituée dans un contexte économique et social de croissance et de modernisation, bien différent de celui que nous connaissons. Aussi les objectifs que nous lui demandons aujourd’hui dans notre époque de difficultés économiques et d’emploi, de changements brutaux, sont-ils fort différents de ceux à partir desquels elle s’est développée.

Ils proposent fondamentalement de commencer par redéfinir les objectifs adaptés à notre époque et aux besoins actuels dans l’explicitation d’un « référentiel de la formation tout au long de la vie », pour refonder les bases d’un dispositif permettant de l’organiser et de le financer : en distinguant ce qui doit relever de l’impôt pour les formations d’intérêt général, de la contribution des employeurs et salariés pour garantir l’employabilité, de la logique de l’investissement immatériel par les entreprises et les ménages, du temps de travail épargné par chaque salarié pour son projet de formation… Et ensuite seulement de travailler à la réforme des dispositifs pour qu’ils soient cohérents avec les objectifs choisis.