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L’Europe sociale existe, même si elle doit être améliorée (1)

samedi 4 mai 2019

On entend souvent dire que l’Europe sociale n’existe pas. En réalité c’est confondre son caractère imparfait, l’impatience à la voir se développer davantage, et le bilan de l’action européenne dans le domaine social depuis sa création. Car des actions et des programmes ont été réalisés tout au long de son existence.

En effet, les questions sociales sont un domaine partagé entre l’UE et les États sur la base de l’article 4 du traité européen. Aussi l’Europe sociale a été une construction progressive, surtout depuis la fin des années 70, d’abord avec des mesures précises sur des sujets déterminés (directives santé au travail, diplômes, droit d’accès à certains métiers…) et des fonds structurels pour la cohésion sociale et le développement de l’emploi, jusqu’à récemment une conception plus globale avec le socle européen des droits sociaux.
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Quelques grandes dates

1986. L’Acte unique européen a consacré une place plus importante à la politique sociale, notamment dans le domaine de la santé et de la sécurité sur le lieu de travail, du dialogue avec les partenaires sociaux et de la cohésion économique et sociale.

1989. Les droits économiques et sociaux sont énoncés par la Charte communautaire des droits sociaux des travailleurs.

1992. Le volet social avance avec le traité de Maastricht, et plus particulièrement le Protocole sur la politique sociale.

1997. Pour l’emploi, c’est le traité d’Amsterdam qui est venu insérer la promotion d’un "niveau d’emploi élevé" dans les objectifs de l’UE. Le sommet extraordinaire de Luxembourg sur l’emploi de novembre 1997 a lancé la Stratégie européenne pour l’emploi.

2000. La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne est adoptée lors du Conseil européen de Nice et elle a acquis une force juridique contraignante avec le traité de Lisbonne entré en vigueur en décembre 2009.

2010. Adoption de la Stratégie Europe 2020, programme en faveur de la croissance et de l’emploi pour la décennie, à la recherche d’une croissance durable et inclusive pour surmonter la crise financière et économique.

2017 (sommet de Göteborg en novembre). Adoption du Socle européen des droits sociaux.

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Ainsi, « Si l’Europe sociale n’existait pas, les citoyens n’auraient pas la moitié des droits et protections qui font de l’Union un modèle unique et enviable » a déclaré Luca Jahier, président du CES européen. Bien sûr, les apports de l’Europe sociale sont plus sensibles et visibles dans l’Europe du centre, de l’est et du sud que dans les pays de l’Europe occidentale et du nord où existaient déjà des systèmes sociaux. Mais pourtant, fonds et directives ont eu un vrai impact sur la condition des travailleurs et de l’ensemble des citoyens de notre pays.

Les directives au bénéfice des travailleurs

 De nombreuses directives sur la santé et sécurité au travail ont instauré, dans toute l’Union européenne :

  • L’obligation d’établir un contrat de travail écrit ;
  • La limitation de la durée de travail hebdomadaire ;
  • La protection sociale de la maternité ;
  • L’interdiction d’exposition aux radiations ;
  • L’interdiction du travail des enfants de moins de 15 ans et réglementation du travail des 15-18 ans (durée de travail, travail de nuit, repos obligatoires, etc.) ;
  • La protection contre les agents chimiques, physiques et biologiques ;
  • L’encadrement du travail sur écran d’ordinateur ;
  • L’encadrement des travaux exposant à l’amiante.

 Les directives sur le temps de travail ont créé des garde-fous pour les salariés, limité le temps de travail hebdomadaire à 48 heures et imposé un temps de repos de 11 heures entre deux périodes de travail. Ce qui était loin d’exister dans certains pays et qui concerne chez nous cadres, commerciaux, chauffeurs routiers, autres salariés ayant un travail avec déplacements, personnels santé-sociaux…

 Les directives sur l’équivalence des diplômes, depuis près de 30 ans, ont créé la reconnaissance des diplômes d’un pays dans les autres États membres, pour faciliter la liberté de circulation des travailleurs.

 Les directives créant les CE européens. Depuis la première en 1994, révisée en 2009, existent des comités d’entreprises européens dans les multinationales qui emploient au moins 1 000 personnes dans l’Union européenne ou l’espace économique européen et, en même temps, au moins 150 personnes dans deux États membres ou plus, instances d’information et de consultation, un élément essentiel du dialogue social à l’échelle européenne.

 La directive sur le travail détaché (mai 2018) exige la mise en œuvre du principe « à travail égal, rémunération égale sur un même lieu de travail ».

 La directive sur les lanceurs d’alerte qui vient d’être adoptée (avril 2019), organise le droit d’alerte et la protection des lanceurs d’alerte, directive que tous les États membres doivent transposer dans leur droit national. Elle apporte des garanties supérieures à la législation française en vigueur.

Cinq fonds structurels et d’investissement européens à vocation sociale, d’emploi et de développement

Ils sont très importants : entre 2014 et 2020, ce sont 450 Mds € qui sont répartis entre les 28 pays européens pour la cohésion sociale et territoriale et l’action contre les inégalités.

 Le Fonds social européen (FSE), créé en 1958, participe au financement des projets liés à l’emploi dans toute l’UE, pour promouvoir l’emploi et la mobilité des travailleurs et pour accompagner les mutations industrielles par la reconversion et la formation professionnelle, pour les travailleurs, jeunes et demandeurs d’emploi ;

 Le Fonds européen de développement régional (FEDER) vise à permettre un développement équilibré dans les différentes régions de l’Union en finançant des actions dans les régions en retard ;

 Le Fonds de cohésion finance des projets dans le domaine des transports et de l’environnement dans les pays dont le revenu national brut (RNB) par habitant est inférieur à 90 % de la moyenne de l’UE ;

 Le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) vise à résoudre les problèmes spécifiques auxquels sont confrontées les zones rurales de l’UE ;

 Le plus récent, Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP) aide les pêcheurs à adopter des pratiques de pêche durables et les communautés côtières à diversifier leur économie, et vise à améliorer la qualité de vie le long des côtes européennes.

Si ajoute, depuis 2014, la Garantie européenne pour la jeunesse qui aide à l’insertion des jeunes les plus éloignés de l’emploi (NEETs). Elle vise à ce que tous les jeunes de moins de 25 ans se voient proposer une offre de qualité pour un emploi, une formation, un apprentissage ou un stage dans les quatre mois suivant leur sortie de l’enseignement ou la perte de leur emploi.
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On voit que le bilan est loin d’être nul. Mais la montée des inégalités, notamment face à l’emploi et à sa qualité, le coût des mutations économiques et sociales, le déclassement de certains territoires et de groupes sociaux qui en résulte ont créé une désaffection, et même un jugement négatif sur l’Union européenne. Ce qui, mais pas seul, a contribué à nourrir la perte de confiance dans le système et la montée des populismes. Le retard pris sur la prise en compte de la crise et des bouleversements sociaux et des remises en cause économiques et sociales sont une des raisons du malaise actuel.

Or il n’est plus possible pour le projet européen de laisser les États membres seuls face à ces difficultés sociales, aux si grandes mutations technologiques et économiques, ni la responsabilité de gérer seuls les conséquences en termes de concurrence d’une intégration économique croissante qui crée des gagnants et des perdants.

En fait l’Europe sociale a besoin d’être remise au cœur de la construction européenne.
Ce qui fera notre deuxième partie. À suivre…

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Le socle européen des droits sociaux
L’objectif de ce socle est d’accorder aux citoyens des droits nouveaux et plus efficaces. Il comprend vingt principes répartis en trois grands volets. Seuls figurent ici les titres des principes mais le texte en donne une définition plus précise.
Chapitre I - Égalité des chances et accès au marché du travail
1. L’éducation, la formation et l’apprentissage tout au long
de la vie
2. L’égalité entre les femmes et les hommes
3. L’égalité des chances
4. Le soutien actif à l’emploi
Chapitre II - Conditions de travail équitables
5. Un emploi sûr et adaptable
6. Les salaires
7. Des informations sur les conditions d’emploi et une protection en cas de licenciement
8. Le dialogue social et la participation des travailleurs
9. L’équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée
10. Un environnement de travail sain, sûr et bien adapté et la protection des données
Chapitre III - Protection et insertion sociales
11. Des services de garde d’enfants et d’aide aux enfants
12. La protection sociale
13. Les prestations de chômage
14. Le revenu minimum
15. Les revenus et pensions de vieillesse
16. Soins de santé
17. L’inclusion des personnes handicapées
18. Les soins de longue durée
19. Le logement et l’aide aux sans-abri
20. L’accès aux services essentiels

(D’après France Stratégie)
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