samedi 14 septembre 2019
Les transformations économiques et la recherche de la compétitivité, les changements technologiques modifient non seulement le travail mais aussi les modes de vie. La multiplication rapide des outils numériques impacte fortement le travail des salariés. C’est ce que ressent chacun et que montrent divers travaux de l’Anact, de la Dares, de l’Insee et que confirme l’opinion des salariés lors de l’enquête d’OpinionWay pour le cabinet Éléas, réalisée en novembre dernier.
Les outils numériques sont maintenant le quotidien de la majorité des salariés
Trois chiffres en attestent :
Des impacts positifs ressentis par les salariés
Pour eux, ces outils leur apportent à :
62 % | Plus de réactivité dans les échanges d’informations |
57 % | Plus d’autonomie professionnelle |
55 % | Un plus pour l’organisation du travail dans l’équipe |
55 % | La capacité de gérer les urgences |
53 % | La transformation de leur mission |
45 % | Plus de flexibilité dans les horaires de travail, possibilité de nomadisme, de télétravail |
40 % | Apport de possibilités d’évolution professionnelle |
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En effet, l’arrivée de ces outils permet le développement d’activités nouvelles, telle la veille permanente et d’éviter des déplacements. Ils peuvent créer un sentiment d’efficacité personnelle, de compétences et une satisfaction chez de nombreux salariés. Mais cela correspond aussi souvent à une augmentation de l’activité, avec la gestion simultanée d’activités parallèles, allant jusqu’à un « méta-travail ».
Les effets négatifs : la surabondance d’informations
La quasi-totalité des salariés insiste sur l’augmentation du flux d’informations et du flux de demandes, provoquant une fragmentation de l’activité, un sentiment de débordement aux impacts négatifs. Ils expriment à :
49 % | Une baisse de coopération avec les collègues |
48 % | Un travail plus répétitif, une moindre diversité des tâches |
47 % | La dématérialisation des rapports avec les clients |
43 % | De la fatigue |
39 % | Un trop plein d’informations |
36 % | Un état de submersion |
35 % | Du stress |
32 % | Une difficulté à la concentration |
27 % | Un manque de temps pour traiter l’information |
22 % | Une désorientation |
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Les jeunes de 19 à 29 ans se sentent encore plus fortement stressés, submergés, désorientés, avec des difficultés à se concentrer.
Ainsi, les outils numériques ont très souvent comme conséquence une augmentation de la charge mentale, intellectuelle et psychique, qui risque de saturer la capacité d’analyse, de synthèse et de prise de décision, et qui crée un mal-être et un risque d’épuisement informationnel ainsi qu’une perte de sens. Ceci d’autant plus que l’usage des outils numériques déborde sur les temps personnels.
La disparition des repères
Aux questions de l’enquête concernant leur usage professionnel des outils numériques hors temps de travail :
- 45 % s’en servent le soir ;
- 45 % le weekend
- 35 % pendant les vacances.
Ainsi, les outils numériques, outils nomades de plus en plus, débordent sur la vie privée, particulièrement chez les cadres et les jeunes. Cela entraine même la culpabilisation des salariés qui ne se connectent pas hors temps de travail, à 40 % pour un non usage le soir et à 37 % pour les weekends et les vacances. Dans l’autre sens, beaucoup de salariés font aussi un usage personnel de ces outils pendant leurs heures de travail.
Il y a donc de plus en plus de porosité entre la vie personnelle et la vie professionnelle, avec un sentiment de joignabilité quasi permanente et un enchevêtrement de plus en plus marqué des sphères de vie. Acquière-t-on la capacité de réguler ces réalités ?
Quelle maitrise de cet impact ?
45 % | Faire une autre activité, récréative, toutes les 2 heures |
27 % | Se réserver un créneau horaire pour la gestion de ces informations |
24 % | Faire une extinction ponctuelle de certains outils |
21 % | S’imposer des durées précises de consultation |
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Ainsi la plupart des salariés peuvent prendre des pauses (86 %), en général 1 à 2 par jour. Ces pauses sont courtes, de moins de 10 minutes pour la moitié d’entre eux (48 %), mais aussi de 10 à 20 minutes pour un tiers (35 %). C’est souvent pendant ces pauses qu’ils consultent leur messagerie personnelle ou font une recherche internet.
41 % | N’ont rien mis en place |
23 % | Ont créé une charte des bonnes pratiques |
16 % | Ont mis en place des règles de déconnexion |
13 % | Imposent des pauses dans la journée |
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Pourtant, l’accompagnement des salariés est indispensable pour retrouver la maitrise de ces outils. À commencer par l’acquisition des compétences numériques nécessaires. Pour le faciliter, la Commission européenne a développé un cadre européen des compétences numériques, le DIGCOMP, définissant les compétences socle et les niveaux de compétences attendus selon les activités professionnelles et un décret n° 2019-919 du 30 août 2019 le transpose. Ces référentiels sont à disposition des salariés et des entreprises. Ces apprentissages doivent avoir en même temps l’objectif d’aider les salariés à en contenir les risques et à développer des capacités qui préservent intérêt et lien social.
Mais surtout, cet impact est un sujet encore trop absent dans les négociations d’entreprise ; il n’est d’ailleurs pas anodin que l’enquête d’Éléas ne comporte aucune question sur ce point. Malgré l’accord des partenaires sociaux de 2013 et l’inscription de la QVT dans les thèmes obligatoires de négociation, les négociations et accords sur la QVT sont encore insuffisants sur ces thèmes, qui doivent inclure le droit à la déconnexion et la gestion et le respect des temps. Pourtant, le support législatif existe (texte ci-dessous).
Mais l’impact des outils numériques dépend aussi des organisations du travail, souvent restées à un fonctionnement antérieur au numérique. C’est un point capital, encore trop souvent domaine réservé de l’employeur, mais un point sur lequel il est indispensable d’avancer, grâce à un premier outil : la consultation du CSE avant tout projet de nouvelle organisation du travail. |
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Sources