1. Accueil
  2. > Conditions d’emploi
  3. > Conditions de travail
  4. > L’impact des outils numériques sur le travail, comment (...)

L’impact des outils numériques sur le travail, comment le perçoivent les salariés ?

samedi 14 septembre 2019

Les transformations économiques et la recherche de la compétitivité, les changements technologiques modifient non seulement le travail mais aussi les modes de vie. La multiplication rapide des outils numériques impacte fortement le travail des salariés. C’est ce que ressent chacun et que montrent divers travaux de l’Anact, de la Dares, de l’Insee et que confirme l’opinion des salariés lors de l’enquête d’OpinionWay pour le cabinet Éléas, réalisée en novembre dernier.

Les outils numériques sont maintenant le quotidien de la majorité des salariés

Trois chiffres en attestent :

  • 75 % les utilisent plus de 3 heures par jour, soit 8 points de plus qu’en 2016 ;
  • 43 % plus de 6 heures par jour, dont 55 % des cadres, de même que les 19-29 ans ;
  • seuls 9 % les utilisent moins d’1 heure par jour.

Des impacts positifs ressentis par les salariés

Pour eux, ces outils leur apportent à :

62 % Plus de réactivité dans les échanges d’informations
57 % Plus d’autonomie professionnelle
55 % Un plus pour l’organisation du travail dans l’équipe
55 % La capacité de gérer les urgences
53 % La transformation de leur mission
45 % Plus de flexibilité dans les horaires de travail, possibilité de nomadisme, de télétravail
40 % Apport de possibilités d’évolution professionnelle

{}

En effet, l’arrivée de ces outils permet le développement d’activités nouvelles, telle la veille permanente et d’éviter des déplacements. Ils peuvent créer un sentiment d’efficacité personnelle, de compétences et une satisfaction chez de nombreux salariés. Mais cela correspond aussi souvent à une augmentation de l’activité, avec la gestion simultanée d’activités parallèles, allant jusqu’à un « méta-travail ».

Les effets négatifs : la surabondance d’informations

La quasi-totalité des salariés insiste sur l’augmentation du flux d’informations et du flux de demandes, provoquant une fragmentation de l’activité, un sentiment de débordement aux impacts négatifs. Ils expriment à :

49 % Une baisse de coopération avec les collègues
48 % Un travail plus répétitif, une moindre diversité des tâches
47 % La dématérialisation des rapports avec les clients
43 % De la fatigue
39 % Un trop plein d’informations
36 % Un état de submersion
35 % Du stress
32 % Une difficulté à la concentration
27 % Un manque de temps pour traiter l’information
22 % Une désorientation

{}

Les jeunes de 19 à 29 ans se sentent encore plus fortement stressés, submergés, désorientés, avec des difficultés à se concentrer.

Ainsi, les outils numériques ont très souvent comme conséquence une augmentation de la charge mentale, intellectuelle et psychique, qui risque de saturer la capacité d’analyse, de synthèse et de prise de décision, et qui crée un mal-être et un risque d’épuisement informationnel ainsi qu’une perte de sens. Ceci d’autant plus que l’usage des outils numériques déborde sur les temps personnels.

La disparition des repères

Aux questions de l’enquête concernant leur usage professionnel des outils numériques hors temps de travail :
- 45 % s’en servent le soir ;
- 45 % le weekend
- 35 % pendant les vacances.

Ainsi, les outils numériques, outils nomades de plus en plus, débordent sur la vie privée, particulièrement chez les cadres et les jeunes. Cela entraine même la culpabilisation des salariés qui ne se connectent pas hors temps de travail, à 40 % pour un non usage le soir et à 37 % pour les weekends et les vacances. Dans l’autre sens, beaucoup de salariés font aussi un usage personnel de ces outils pendant leurs heures de travail.

Il y a donc de plus en plus de porosité entre la vie personnelle et la vie professionnelle, avec un sentiment de joignabilité quasi permanente et un enchevêtrement de plus en plus marqué des sphères de vie. Acquière-t-on la capacité de réguler ces réalités ?

Quelle maitrise de cet impact ?

  • Les salariés essaient de trouver des auto-régulations pour maitriser le risque de l’hyperconnexion. Le moyen le plus utilisé est les pauses. Les salariés choisissent de :
45 % Faire une autre activité, récréative, toutes les 2 heures
27 % Se réserver un créneau horaire pour la gestion de ces informations
24 % Faire une extinction ponctuelle de certains outils
21 % S’imposer des durées précises de consultation

{}

Ainsi la plupart des salariés peuvent prendre des pauses (86 %), en général 1 à 2 par jour. Ces pauses sont courtes, de moins de 10 minutes pour la moitié d’entre eux (48 %), mais aussi de 10 à 20 minutes pour un tiers (35 %). C’est souvent pendant ces pauses qu’ils consultent leur messagerie personnelle ou font une recherche internet.

  • De leur côté les entreprises gèrent peu collectivement les difficultés liées aux outils numériques.
41 % N’ont rien mis en place
23 % Ont créé une charte des bonnes pratiques
16 % Ont mis en place des règles de déconnexion
13 % Imposent des pauses dans la journée

{}
Pourtant, l’accompagnement des salariés est indispensable pour retrouver la maitrise de ces outils. À commencer par l’acquisition des compétences numériques nécessaires. Pour le faciliter, la Commission européenne a développé un cadre européen des compétences numériques, le DIGCOMP, définissant les compétences socle et les niveaux de compétences attendus selon les activités professionnelles et un décret n° 2019-919 du 30 août 2019 le transpose. Ces référentiels sont à disposition des salariés et des entreprises. Ces apprentissages doivent avoir en même temps l’objectif d’aider les salariés à en contenir les risques et à développer des capacités qui préservent intérêt et lien social.

Mais surtout, cet impact est un sujet encore trop absent dans les négociations d’entreprise ; il n’est d’ailleurs pas anodin que l’enquête d’Éléas ne comporte aucune question sur ce point. Malgré l’accord des partenaires sociaux de 2013 et l’inscription de la QVT dans les thèmes obligatoires de négociation, les négociations et accords sur la QVT sont encore insuffisants sur ces thèmes, qui doivent inclure le droit à la déconnexion et la gestion et le respect des temps. Pourtant, le support législatif existe (texte ci-dessous).

Mais l’impact des outils numériques dépend aussi des organisations du travail, souvent restées à un fonctionnement antérieur au numérique. C’est un point capital, encore trop souvent domaine réservé de l’employeur, mais un point sur lequel il est indispensable d’avancer, grâce à un premier outil : la consultation du CSE avant tout projet de nouvelle organisation du travail.

{}

L’alinéa 7 de l’article L. 2242-17 du code du travail dispose que : « La négociation annuelle sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et la qualité de vie au travail porte sur les modalités du plein exercice par le salarié de son droit à la déconnexion et la mise en place par l’entreprise de dispositifs de régulation de l’utilisation des outils numériques, en vue d’assurer le respect des temps de repos et de congé ainsi que de la vie personnelle et familiale. À défaut d’accord, l’employeur élabore une charte, après avis du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel. Cette charte définit ces modalités de l’exercice du droit à la déconnexion et prévoit en outre la mise en œuvre, à destination des salariés et du personnel d’encadrement et de direction, d’actions de formation et de sensibilisation à un usage raisonnable des outils numériques.

Sources

  • Enquête « L’impact des outils numériques professionnels sur les salariés » - OpinionWay pour Éléas – 22-11-2018 :
    https://www.eleas.fr