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La garantie pour la jeunesse, regards croisés entre la France et l’Espagne

mercredi 22 avril 2015

[Partie 3]- POUR L’ESPAGNE, LA GARANTIE POUR LA JEUNESSE EST UN ENJEU MAJEUR.

Le taux de chômage des jeunes est dramatique
Le taux de chômage des jeunes reste, en Espagne, très élevé, 53,9 % en mars 2014. En 2013, 951 100 jeunes de 16 à 24 ans se trouvaient au chômage et 845 500 étaient sans formation ou sortis du système éducatif.

L’ampleur du phénomène s’explique à la fois par des facteurs conjoncturels – les jeunes peu qualifiés ont été particulièrement touchés par la crise, dans le secteur immobilier notamment – et structurels : faible pourcentage de jeunes ayant un niveau de qualification intermédiaire (23% en Espagne contre 70% dans les pays nordiques), offre de formation pas nécessairement en adéquation avec les besoins du marché par exemple.

Ce taux élevé de chômage des jeunes a des conséquences dramatiques sur le plan économique – les jeunes hors du marché de l’emploi représentent un coût pour l’Etat et la perte d’un potentiel – comme sur le plan social : les mouvements de collectifs tels que « Juventud sin futuro » ou le mouvement des indignés, rendent compte de l’indignation d’une jeunesse qui s’estime sacrifiée.

Le plan national de mise en œuvre de la garantie pour la jeunesse de l’Espagne
Présenté en décembre 2013, ce plan vise à adapter le dispositif européen à la réalité nationale. Il s’inscrit en cohérence avec la stratégie pour l’entreprenariat et l’emploi des jeunes adoptée en mars 2013. Le plan prévoit un programme opérationnel pour décliner la garantie pour la jeunesse durant la période 2014-2020. Il prévoit également un catalogue de mesures commun à tous les organismes d’intermédiation qui s’organise autour des quatre axes majeurs de la stratégie de l’entreprenariat et d’emploi des jeunes : l’amélioration de l’employabilité, l’insertion professionnelle des jeunes sans emploi, la stimulation des embauches, l’amélioration de l’intermédiation.

Les problèmes de financement ont freiné la mise en œuvre du dispositif malgré les urgences de l’Espagne
L’Espagne bénéficiera progressivement de 1,887 milliards d’euros au total (dont 945 millions d’euros financés par le Fonds Social Européen) mais doit faire l’avance de 99% des frais les premières années. Le Gouvernement espagnol a fait état de sa difficulté à faire l’avance des frais et a revendiqué ou un premier apport plus important de l’UE ou une déduction de ces frais dans le cadre de la procédure de déficit excessif. Étant confronté à un chômage des jeunes particulièrement élevé et étant dans une situation économique plus difficile que certains de ses voisins européens lors de l’adoption de la garantie pour la jeunesse, l’Espagne aurait besoin d’accéder au financement plus rapidement.
Ce point a constitué une entrave majeure à la mise en œuvre de la garantie pour la jeunesse : en effet, faute d’obtenir ces financements, l’ensemble des acteurs concernés ont été dans une position attentiste.

Vers une avancée pour 2015
Dans un contexte de blocage institutionnel et financier, enfin, le 5 février 2015, Marianne Thyssen, Commissaire Européenne pour l’Emploi et les Affaires Sociales, annonçait le préfinancement de l’initiative à l’Emploi Jeune en Espagne, mécanisme par lequel se met en place la Garantie Jeunesse, à hauteur de 30% de son montant global, soit 283 millions d’euros, contre les 14 millions attendus : l’Espagne, qui ne s’attendait à recevoir qu’1% supplémentaire, soit 14 millions d’euros pour 2015, devrait donc être dotée en 2015 de 297 millions d’euros pour mettre en œuvre son Initiative de l’Emploi Jeune.

L’État et les communautés autonomes, jusqu’alors freinés dans la mise en place du catalogue des mesures de lutte contre le chômage des jeunes peuvent donc aborder l’année 2015 sous de meilleures auspices.

Après ces péripéties institutionnelles, la mise en œuvre concrète démarre donc cette année.

Qui peut bénéficier du programme national de garantie pour la jeunesse, « Garantia Juvenil » ?
Pour en être bénéficiaire, les jeunes doivent remplir un certain nombre de conditions et accomplir certaines démarches. Il s’agit d’une démarche personnelle et volontaire. Une fois ce premier passage réalisé, les jeunes reçoivent une offre d’emploi, de formation professionnelle, d’apprentissage ou de stages.

Les conditions à remplir

  • Avoir plus de 16 ans ou moins de 25 ans. Les personnes handicapées peuvent avoir moins de 30 ans.
  • Être de nationalité espagnole ou citoyen de l’Union Européenne ou disposer d’une autorisation pour travailler en Espagne.
  • Etre enregistré dans une commune espagnole.
  • Ne pas avoir travaillé dans les 30 jours antérieurs à la date d’inscription dans le système.
  • Avoir terminé ses études 90 jours avant l’inscription.
  • Ne pas avoir suivi des cours de plus de 40 heures dans les 30 jours antérieurs à l’inscription.

Une déclaration du jeune est requise
Au départ, le contact n’est pas physique avec les systèmes d’emploi mais informatisé. Chaque jeune s’engage à travers une déclaration. Il manifeste son intérêt pour participer au système national de garantie pour la jeunesse. Cela lui permet ensuite de bénéficier de toutes les facettes du programme.

Après vérification, le jeune est accepté et ses données transférées au fichier national. À partir de ce moment et après 4 mois, il pourra bénéficier de toutes les actualisations du programme.

Des doutes et des inquiétudes sur le programme espagnol
Certaines directions de l’emploi des communautés autonomes s’interrogent sur la faisabilité du projet dans un délai aussi bref : quatre mois pour repérer les besoins du jeune et lui faire une offre de formation ou d’emploi susceptible de lui convenir semblent insuffisants. Les craintes portent également sur le manque de ressources humaines pour assurer la formation du personnel aux nouveaux systèmes d’information, puis dans un second temps pour suivre les jeunes convenablement.

Si la réforme du travail entreprise adoptée fin 2012 commence à porter ses fruits, les offres d’emploi, de stage, de formation, ne seront pas forcément suffisantes face à l’afflux de jeunes concernés par le dispositif.

Des organismes tels que la Croix-Rouge sont pour leur part dubitatifs quant à l’efficacité du dispositif pour l’ensemble des jeunes : en effet, si le programme opérationnel présente bien différentes mesures adaptées aux différents profils, la garantie pour la jeunesse doit être mise en place au bout de quatre mois pour tous les jeunes qui en auront fait la demande. Or, certains jeunes, ceux qui relèvent des « Neet » notamment, n’en feront pas la demande ou auront besoin d’un temps plus long pour se réinsérer sur le marché de l’emploi.

Dans le contexte de reprise de la croissance que connait actuellement l’Espagne, la lutte contre le chômage et particulièrement celui des jeunes reste pour l’actuel gouvernement de Mariano Rajoy un défi de taille, à relever dans une année électorale aux multiples rendez-vous.

Conclusion générale
Bonne idée forgée aux expériences nordiques et autrichiennes, la garantie pour la jeunesse a montré pour sa première année, un démarrage poussif et a révélé des difficultés de cohérence des politiques européennes, malgré les urgences concernant l’emploi des jeunes. Alors que le Parlement européen validera sans doute bientôt, le plan Juncker, il faut espérer que les péripéties de la garantie pour la jeunesse éclairent les dirigeants européens pour insuffler dans les programmes européens réactivité et cohérence.


Sources