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Le Compte Personnel de Formation, ou la difficulté de mise en œuvre des accords

mercredi 16 septembre 2015

L’accord sur la formation professionnelle du 14 décembre 2013 et sa transcription en loi en 2014 ont modifié fondamentalement les principes et le fonctionnement de la formation professionnelle. En particulier il sort de la logique d’obligation fiscale au profit d’une logique d’investissement et crée le CPF (compte personnel de formation) avec la volonté de la maîtrise par l’individu d’une partie de ses possibilités de formation et tout autant d’élévation des niveaux de qualification des salariés. Deux changements ambitieux et particulièrement complexes à dominer par les salariés et les chefs d’entreprise !

De plus, ces changements interviennent alors que les mesures définies par les précédents accords et lois ne sont pas totalement montées en charge en donnant du temps au temps. Bref, tous les 5 ans, on change les bases du système. L’exemple du compte personnel de formation montre une fois de plus qu’une fois l’accord signé, tout ne fait que commencer...

Créer et utiliser son CPF (compte personnel de formation)

Le créer

  • Rappelons-nous le mois de janvier. Au bout de quelques jours, le site opérationnel s’ouvrait, on réussissait facilement à s’inscrire, mais pour entrer son restant d’heures de DIF (droit individuel de formation), pas de succès, le site ne prenait pas immédiatement l’information : il a fallu attendre quelque temps ! Or, c’était pour beaucoup de salariés la première alimentation de leur CPF, très souvent au maximum de 150 heures de leur DIF, créé il faut le rappeler en 2004 et mis en œuvre en 2005 et utilisé seulement par 5 à 6 % des salariés chaque année.
  • Le processus est à l’œuvre maintenant de manière plus stable, mais seule une minorité de salariés s’est inscrite : au 16 juillet, seul 1,6 million de comptes personnels de formation a été activé (sur 23 millions estime le ministère), et 1,730 million au 1er septembre, selon la Direction générale à l’emploi et à la formation professionnelle…

S’en servir

  • Le texte demande à juste titre que les formations suivies amènent à une certification pour que le CPF serve à la montée en qualification des salariés. Or, le système de formation français est très normé et complexe pour la majorité des salariés. Les formations doivent faire partie de listes de formations éligibles. La complexité de la réalisation de ces listes est un mot faible : les listes sont faites par les commissions paritaires de branche, qui font une liste pour leur branche, par les commissions paritaires régionales (COPAREF) qui établissent une liste régionale, le COPANEF (conseil paritaire interprofessionnel régional pour l’emploi et la formation), lui aussi paritaire, qui établit la liste nationale interprofessionnelle des formations éligibles et la CNCP (commission nationale de la certification professionnelle) qui élabore l’inventaire des compétences transversales. Simple !
  • Les versions se succèdent, sans pour l’instant recouvrir tous les champs de certification, ni toutes celles qui sont inscrites au RNCP (répertoire national des certifications professionnelles). Une formation certifiante peut être inscrite dans une ou plusieurs régions et pas dans sa branche, etc. Et des formations non certifiantes commencent à entrer dans l’inventaire des formations, les langues par exemple.
  • Il est donc encore délicat de trouver la formation que l’on souhaite, même s’il en existe 27 000 sur ces listes. On peut se faire aider par les services d’orientation et d’emploi pour trouver la formation correspondant à son projet.
  • Si on trouve chaussure à son pied, il faut demander le financement de l’employeur, de l’Opca ou de l’Opacif et, si votre formation dépasse votre compte, chercher soit à mixer plusieurs dispositifs soit un abondement auprès de l’entreprise, de son Opca pour les salariés, ou du Conseil régional pour les demandeurs d’emploi…).. Il est aussi nécessaire de demander l’accord préalable de l’employeur si la formation se déroule pendant le temps de travail.

Le démarrage a donc été lent, et on est encore loin de l’objectif d’inscription et d’utilisation du CPF par tous les salariés. Mais cela semble s’accélérer depuis juin. Au 2 août, 75 000 dossiers individuels de formation ont été créés et plus de 21 000 dossiers de formation ont été validés, pour 12 600 demandeurs d’emploi et 8 700 salariés ; et 15 000 nouveaux dossiers de formation ont été validés en août. Mais la moitié semble consister en des formations en langues, courtes, et non certifiantes.

Quelle leçon tirer de tout cela ?

Les négociateurs et les législateurs doivent garder présent à l‘esprit que les dispositifs ou les changements de système ont besoin de temps pour donner leur pleine mesure. Superposer des mesures, aussi innovantes soient-elles, peut se révéler contreproductif. Le congé individuel de formation (CIF) a pu bénéficier de 35 années pour rentrer dans le quotidien des salariés. C’est maintenant un succès et on refuse tous les ans des demandes faute de ressources.

De plus, les systèmes de certification, qu’ils émanent des services de l’État ou des partenaires sociaux, sont complexes. Cette complexité ne devrait pas être assumée par les salariés et les chefs d’entreprise. Chaque organisme financeur doit se doter de services d’accompagnement des personnes concernées réellement efficaces.