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Le refus d’un CDI après un CDD pourra suspendre les allocations chômage

mercredi 28 février 2024

Depuis le 1er janvier 2024, un décret paru au Journal officiel impose de nouvelles règles en cas de refus répété de CDI à la fin d’un contrat à durée déterminée (CDD). Au bout de deux refus d’un CDI en moins de douze mois, le salarié ne pourra pas bénéficier de l’indemnisation chômage. Ce décret, non concerté, fait l’objet de critiques et de refus de la part des organisations syndicales et de nombreuses associations de lutte contre les exclusions. Pour tous, c’est une nouvelle atteinte à la dignité des personnes au chômage et une stigmatisation très politique des demandeurs d’emploi. Au-delà, le décret lèse le principe assurantiel de l’assurance chômage : « on cotise et, en cas de besoin, on est indemnisé ». Décryptage.

Une volonté gouvernementale

Ce durcissement des conditions d’accès aux allocations chômage fait partie de la loi n°2022-1598 du 21 décembre 2022. Ce texte avait déjà mis fin aux indemnités chômage dans le cas d’un abandon de poste. Les objectifs affichés par le gouvernement sont de réduire le taux de chômage, parvenir au plein-emploi et de faire des économies.

Que doit contenir l’offre de l’employeur ?

Il y a de nombreuses conditions à remplir. L’offre doit correspondre à un poste identique ou similaire, au même lieu de travail, à la même durée de travail, mais également proposer un salaire au moins équivalent à celui perçu pendant le contrat temporaire. De plus, l’employeur devra proposer le CDI avant la fin du CDD, par écrit, et accorder au salarié « un délai raisonnable pour se prononcer sur la proposition de contrat à durée indéterminée en lui indiquant qu’à l’issue de ce délai de réflexion, une absence de réponse de sa part vaut rejet de cette proposition ».
En cas de refus, l’employeur aura un mois pour l’indiquer obligatoirement à France Travail, anciennement Pôle emploi, en se connectant sur la plateforme dédiée. France Travail traitera le dossier de suspension des allocations chômage.

Il y a des exceptions, le demandeur d’emploi ne sera pas indemnisé, sauf :

  • S’il a été employé en CDI au cours de la même période d’un an.
  • Si les propositions qui lui ont été faites par l’employeur ne respectent pas son projet personnalisé d’accès à l’emploi (PPAE), c’est-à-dire un accompagnement avec un conseiller, déjà signé avec France Travail.

Quelles conséquences possibles ?

Pour de nombreux détracteurs du décret, les plus précaires et les jeunes seraient pénalisés. Ils citent par exemple les jeunes diplômés occupant des postes moins qualifiés en CDD que ce à quoi ils pourraient prétendre au vu de leur niveau d’étude. Certains les ont acceptés au départ pour des raisons alimentaires. Si on leur propose un poste en CDI sur le même profil que le CDD, ils vont le refuser car ils attendent un emploi qui correspond à leur parcours scolaire et universitaire, à leurs compétences et à leur désir de carrière. Avouons qu’il y a mieux pour motiver les jeunes à investir dans leur formation.

Une avalanche de critiques

Pour de nombreux experts sociaux cette mesure sera difficilement applicable. Paul Boussicault, avocat spécialiste du droit du travail indique : « pour que les employeurs s’en saisissent, il faut déjà qu’ils en soient informés. De plus, les démarches administratives sont lourdes pour les employeurs, d’autant plus qu’il n’y a pas d’intérêt financier pour eux à la clé ». D’autres avouent leur scepticisme sur une mesure censée être efficace pour faire des économies. Ils mettent en avant l’absence de chiffre global sur le nombre de personnes concernées.

Pour Benoît Serre, vice-président de l’Association nationale des DRH (Andrh), cette nouvelle mesure cumule « tellement de critères » qu’il n’est « pas certain que ça change radicalement la donne ». De plus, il pointe : « On demande aux entreprises de dénoncer ».

Quant au patronat, il est aussi très sceptique. Jean-Eudes du Mesnil du Buisson, secrétaire général de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) dénonce dans les colonnes du Parisien : « avec une telle usine à gaz, il va se passer quoi ? Les employeurs ont autre chose à faire, un certain nombre ne le fera pas ».

Quant aux réactions syndicales, citons à titre d’exemple celle de la CGT : « cette disposition va diminuer le pouvoir de négociation des salariés ». La CGT, FSU et Solidaires ont décidé d’attaquer prochainement le décret au Conseil d’État.

En conclusion, une mesure politique et de coercition à l’heure où il est plus que nécessaire de renouer des liens de confiance entre salariés et employeurs.


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