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Négociation collective : grande diversité des modes de conclusion des accords après les ordonnances (3)

samedi 24 mars 2018

Les accords qui – directement ou indirectement – régulent la compétition électorale entre les organisations syndicales

Certains accords ont pour objet, non la réglementation de la collectivité de travail, mais, de manière directe ou indirecte, la régulation de la compétition électorale. En substance, leur enjeu consiste à prévenir l’entente entre employeur et une partie des organisations syndicales au détriment d’une ou plusieurs autres. Idéalement, cet objectif semble impliquer que ces accords ne puissent être conclus qu’à l’unanimité. Cependant, dans la plupart des cas, il a paru excessif de conférer un droit de veto à chaque syndicat. Le risque de blocage de négociations indispensables à l’organisation du dialogue social était trop grand. C’est pourquoi aussi, sur certains thèmes, il appartient à l’employeur de décider lorsqu’aucun accord n’a pu être conclu. Sur ces thèmes et sur certains autres, l’administration ou le juge, selon les cas, peut être sollicité d’arbitrer les différends.

L’unanimité est cependant requise de certains accords. D’autres doivent être l’objet de ce qu’il est convenu d’appeler une « double majorité ». D’autres, enfin, suivent les règles de droit commun des accords collectifs (décrites en première partie), sous réserve de quelques particularités lorsqu’ils portent sur certains thèmes.

  • Les accords obligatoirement unanimes

Cette catégorie comprend les accords modifiant le nombre et la composition des collèges électoraux par rapport aux dispositions légales (art. L.2314-12), ceux qui augmentent par rapport à celles-ci le nombre des membres du comité social et économique central (art. R.2316-1), ceux qui organisent les élections hors du temps de travail (art. L.2314-27), ceux qui portent suppression des mandats syndicaux en cas de diminution durable des effectifs au-dessous du seuil de cinquante salariés. Dans ce dernier cas, cependant, lorsque l’unanimité n’a pu être obtenue, l’administration (DIRECCTE), saisie par l’employeur, peut décider la suppression des mandats (art. L.2143-11). À ces quatre cas, la jurisprudence ajoute les accords relatifs à la cessation anticipée ou à la prorogation des mandats syndicaux. Mais elle exclut qu’en l’absence d’accord la décision puisse être prise par le juge (Cass. Soc. 21 mai 2003, n°01-60742).

Tous ces accords, il faut le souligner, sont négociés entre les seules organisations syndicales représentatives. Tout au moins, seule l’unanimité de celles-ci est requise.

  • Les accords conclus à la « double majorité »

La « double majorité » est une innovation de la loi du 20 août 2008, inspirée par la Position Commune, signée par le MEDEF, la CGPME, la CGT et la CFDT le 9 avril 2008. Dès lors que l’affiliation d’un syndicat à l’une des cinq confédérations reconnues représentatives au niveau national et interprofessionnel ne faisait plus présumer sa représentativité au niveau de l’entreprise, mais que, à ce niveau, celle-ci supposait une certaine audience électorale (10 %), la négociation des protocoles d’accords pré-électoraux ne pouvait plus être réservée aux seuls syndicats représentatifs.

Par suite de la participation à ces négociations de syndicats non représentatifs, il a fallu concevoir une nouvelle règle de conclusion des accords. C’est ainsi que, depuis la réforme de 2008, les accords sur plusieurs thèmes doivent, pour être conclus, être signés, d’une part, par la majorité – en nombre – des organisations syndicales qui ont participé à leur négociation, d’autre part, par les organisations syndicales représentatives qui ont recueilli la majorité des suffrages exprimés lors des élections précédentes.

Telle est la règle à laquelle sont soumis en général les protocoles d’accords préélectoraux « sauf dispositions législatives contraires » (art. L.2314-6). La même procédure s’applique à des thèmes susceptibles d’être traités dans les protocoles préélectoraux, aussi bien que dans des accords distincts. Il en est ainsi des accords relatifs à l’organisation et au déroulement des opérations électorales (art. L.2314-28), et de ceux qui fixent les modalités du vote électronique (art. R.2314-8). Il en est de même des accords portant répartition des électeurs et des sièges entre les collèges (art. L.2314-13) ou répartition des sièges au C.S.E. central entre les établissements et entre les collèges (art. 2316-8) et de ceux qui augmentent le nombre des sièges au C.S.E. (art. L.2314-1 et L.2314-7).

Les deux premiers types d’accords peuvent être suppléés par décision unilatérale de l’employeur, les désaccords relatifs à l’organisation et au déroulement des opérations électorales pouvant être tranchés par le juge. Lorsque l’accord sur les questions de répartition des catégories de personnel ou entre les sièges n’a pu être conclu, le désaccord est arbitré par l’administration (DIRECCTE). Parmi les thèmes des accords soumis à la « double majorité », seule l’augmentation du nombre des sièges au C.S.E. ne peut être décidée ni par l’employeur, ni par l’administration en l’absence d’accord.

  • Les accords dont la conclusion est soumise – en tout ou partie - aux règles de droit commun des accords collectifs

Sur quatre thèmes, la conclusion des accords obéit aux règles de droit commun. Toutefois, sur deux d’entre eux, la décision peut être prise, dans un cas par l’employeur, dans l’autre par le juge.

Il s’agit d’abord de la fixation de la durée des mandats entre le minimum de deux ans et la durée légale de quatre ans (art. L.2232-12). À défaut d’accord, la durée légale des mandats s’impose. Les règles de droit commun s’appliquent aussi aux accords prorogeant ou réduisant la durée des mandats afin, en cas de transfert d’entreprise, de tenir compte de la date des élections dans l’entreprise d’accueil. L’accord doit alors être négocié et conclu par les organisations syndicales représentatives dans l’entité transférée et par le nouvel employeur (art. L.2314-35). À défaut d’organisations syndicales représentatives, ce dernier peut conclure un tel accord avec les membres élus du C.S.E. « intéressé », c’est-à-dire, semble-t-il, celui de l’entité transférée. Le droit commun est encore applicable, en troisième lieu, à la décision d’adopter le vote électronique. Toutefois, sur ce sujet, si la négociation n’aboutit pas à un accord, l’employeur peut décider seul (art. L.2314-26). Enfin, suivant la solution adoptée par la Cour de Cassation après avoir préconisé l’unanimité, la reconnaissance de l’unité économique et sociale de plusieurs personnes morales est soumise aux règles de droit commun de conclusion des accords collectifs. Toutefois, ce thème se distingue encore des autres en ce que le juge peut être sollicité en l’absence, non seulement, d’accord, mais même de négociation (art. L.2313-8).

Sur quatre autres thèmes, une partie seulement des modalités de droit commun est applicable. Ces accords ne sont valablement conclus que s’ils sont signés par des organisations syndicales ayant recueilli la majorité absolue des voix qui se sont portées sur les organisations représentatives. Il n’est pas admis qu’un référendum pallie l’insuffisance d’audience de signatures représentant seulement plus 30 % des suffrages exprimés aux dernières élections.

Tel est le régime des accords d’entreprise portant création d’un conseil d’entreprise (art. L.2321-2). Il en est encore ainsi des accords permettant aux élus d’achever leur mandat malgré la perte de la qualité du caractère distinct de l’établissement dans le cadre duquel le CSE où ils siègent a été constitué, et la suppression consécutive de ce CSE. Toutefois, à défaut d’accord d’entreprise, cette décision peut être l’objet d’un accord entre l’employeur et le CSE (art. L.2313-6). Enfin, les mêmes modalités sont applicables à l’accord qui détermine le nombre et le périmètre des établissements distincts pour la constitution des CSE. Cependant, à défaut d’accord collectif et en l’absence de délégué syndical, cette question peut être tranchée, non seulement par accord entre le CSE sortant et l’employeur (art. L.2313-3), mais aussi unilatéralement par ce dernier (art. L.2313-4), auquel cas si cette décision est litigieuse, le différend peut être tranché par l’administration (DIRECCTE).

Les modalités de droit commun sans possibilité de référendum palliatif s’appliquent aussi à l’institution de représentants de proximité (art. L.2313-7) et à celle d’une commission santé, sécurité et conditions de travail (art. L.2315-41), ces deux textes renvoyant à l’article L.2313-2. Mais, comme ce renvoi est limité à cette disposition, la mise en place de ces deux institutions semble ne pouvoir procéder, à défaut d’accord collectif, ni d’un accord entre CSE et employeur, ni d’une décision unilatérale de ce dernier.

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Ce panorama des divers modes de conclusion des accords au niveau de l’entreprise peut sembler excessivement complexe. De plus, il est permis de s’interroger sur les raisons susceptibles de justifier aussi bien certaines distinctions que certaines similitudes. Cependant, telle est la loi en vigueur à l’issue de la succession de réformes que nous venons de vivre. Ces diverses modalités font partie des données à prendre en compte pour bien apprécier les marges de manœuvre au démarrage d’une négociation.

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Les 3 volets de l’article


 

 

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