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Qualité de vie au travail : un accord pour rien ?

samedi 6 juillet 2013

Lancées en septembre 2012, des négociations interprofessionnelles sur la qualité de vie au travail viennent d’aboutir le 19 juin à un projet d’accord ouvert à la signature.

Il faut bien avouer qu’au moment même où s’achève la nouvelle conférence sociale organisée par le gouvernement avec les partenaires sociaux pour tenter de trouver des réponses aux deux problèmes majeurs des français que sont une crise sans précédent de l’emploi et le devenir incertain des régimes de retraite, la qualité de vie au travail peut apparaître comme un souci de privilégiés…

Pas si sûr si l’on en croit les salariés eux-mêmes.

Un champ social valorisé
Selon les résultats de l’enquête TNS Sofres sur le sujet, réalisée il y a peu pour la 10ème semaine sur la qualité de vie au travail organisée par l’ANACT du 10 au 14 juin derniers, 87% des salariés français disent l’intérêt que revêt à leurs yeux la qualité de vie au travail. Tout autant considèrent qu’une bonne qualité de vie au travail profite à la fois aux salariés et aux entreprises.

La qualité de vie au travail n’est donc pas qu’une exigence sociale, mais aussi une assurance de bonne santé pour l’entreprise et pour sa performance, enjeux qui ne sont pas sans intérêt dans des temps de crise…

Une forte attente de changements
Seuls 2% des salariés considèrent ce thème comme un gadget ou une illusion. Plus de 8 sur 10 estiment qu’elle conditionne leur satisfaction professionnelle et leur équilibre de vie, alors même que les 2/3 affirment que la qualité de vie au travail des français s’est dégradée au cours des cinq dernières années. Ce pessimisme rejoint celui des résultats d’autres enquêtes (baromètre Edenred-IPSOS 2013) qui relèvent que seuls 23% des salariés français accordent une note de 8 à 10 à leur qualité de vie au travail, contre 42% des allemands, 40% des britanniques, 38% des belges et 33% des espagnols.

Quand on les interroge sur l’identification des principaux acteurs de la qualité de vie au travail, les sondés répondent qu’il s’agit d’eux d’abord, avant les dirigeants d’entreprise (ce qui donne force à l’idée trop souvent ignorée que les salariés sont les meilleurs experts de leurs conditions de travail). Mais chose importante, ils déclarent aussi à 50% attendre fortement de l’initiative des partenaires sociaux au plan national.

Dès lors que peut leur offrir le projet d’accord interprofessionnel ?

Un accord pour rien ?
On ne peut reprocher aux négociations interprofessionnelles et au projet d’accord d’avoir méconnu l’ensemble des facteurs de la qualité de vie au travail.
On y a abordé notamment :

  • La conciliation de la vie familiale et professionnelle (congé parental, temps partiel, horaires aménagés) ;
  • L’intrusion du travail dans la vie personnelle avec les TIC (ordinateurs portables, Smartphones…) ;
  • La non-discrimination de genre ;
  • La lutte contre les stéréotypes sexués et l’exercice de leur parentalité par les hommes ;
  • Les conditions de travail (stress, travail des seniors…)
  • La GPEC…

Le projet d’accord s’est aussi intéressé à la méthode la plus apte à assurer une prise en charge collective de ces questions dans les entreprises. Il propose la création d’une négociation unique sur la qualité de vie au travail, qui permettrait de regrouper l’ensemble des négociations éparses qui ont à voir avec le sujet, et donc de donner à l’objectif d’amélioration des situations concrètes des salariés une cohérence et une force plus grandes. Soit, un bon échange dans des termes globaux entre productivité et qualité de vie au travail.

Le projet d’accord valorise aussi utilement le droit d’expression directe des salariés qui doit servir de base aux améliorations à entreprendre et il reconnaît la place essentielle des représentants du personnel (CE, CHSCT) dans l’élaboration de diagnostics préalables.

Mais en définitive, pourtant, ce projet laisse un goût d’inachevé.

Comme bien des accords interprofessionnels aujourd’hui, il n’énonce rien de normatif, en ne créant pas de droits nouveaux. Il avance de bonnes idées et incite les branches et les entreprises à les reprendre dans leur dialogue social, mais sans calendrier et ni obligations.

On en vient à se poser la question, à nouveau, de l’articulation des niveaux de négociation.

Il est bien sûr important que le patronat et les syndicats au niveau le plus élevé, identifient ensemble les problèmes sociaux et sociétaux, mènent des constats partagés, énoncent les bonnes solutions et valorisent les bonnes pratiques.

Mais ce n’est pas à ce niveau que la négociation d’entreprise se dirige.

En revanche les acteurs de l’entreprise ont besoin d’expertise, d’outils, de moyens dont ils sont dépourvus. Plutôt que de produire des normes juridiques, baptisées indûment « accords » alors qu’elles ne sont que des recommandations, les partenaires sociaux au plan interprofessionnel et des branches trouveraient mieux leur place et exerceraient mieux leurs responsabilités en se dotant d’outils d’accompagnement du dialogue social dans l’entreprise.