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Un départ sur deux à la retraite est un départ anticipé

samedi 16 novembre 2019

Dans son rapport du 8 octobre 2019, la Cour des comptes analyse les dispositifs de départs anticipés à la retraite : 400 000 départs anticipés en 2017 avec un coût de 14 milliards d’euros en 2016, pour un départ avant l’âge d’ouverture des droits fixés à 62 ans pour les assurés nés à partir de 1955, mais aussi pour les départs à l’âge légal qui bénéficient du taux plein sans condition de durée d’assurance. Vu l’importance prise par ces dispositifs, la Cour des comptes appelle à en hiérarchiser les priorités.

Instaurés par les réformes successives, ces dispositifs ont été, à leur création, mis en place pour des questions d’équité : au moment de relever l’âge moyen de départ à la retraite, ils instituaient une mesure compensatoire « ayant pour objet d’incarner des préoccupations de justice sociale et d’équilibre de la réforme ». C’est ainsi que sont nés : le dispositif de carrière longue en 2013, la pénibilité en 2010, et l’extension de ces deux dispositifs en 2014. La retraite progressive a été instaurée dès 1988, puis a été amendée début 2000. Le dispositif de départ anticipé pour carrière longue a été modifié à chaque nouvelle réforme des retraites. La Cour des comptes estime que ces dispositifs instaurés à l’occasion des réformes n’ont généralement pas donné lieu à des « réflexions techniques approfondies ni à des études d’impact détaillées ».

Dans son rapport, la Cour des comptes analyse les dispositifs en tenant compte de :

  • La carrière de l’assuré, les carrières longues, la retraite progressive.
  • Les caractéristiques de l’emploi occupé : les catégories actives de départ anticipé propres à la fonction publique, le compte professionnel de prévention avec la prise en compte de la pénibilité.
  • La santé de l’assuré : l’inaptitude substituée ou non à une pension d’invalidité, l’incapacité permanente, la retraite anticipée des travailleurs handicapés.

Sur les sept dispositifs analysés par la Cour des comptes, trois dispositifs concentrent la plus grande partie des départs anticipés et des coûts en 2016 :

  • Les carrières longues représentent plus de 250 000 départs et 6,1 milliards d’euros. Le dispositif de retraite anticipée pour carrière longue permet aux assurés qui ont commencé à travailler avant 20 ans de partir en retraite avant 60 ans. Il existe 3 cas de départs en retraite anticipée : retraite anticipée pour carrière longue, retraite anticipée pour handicap, retraite anticipée pour pénibilité. Le départ en retraite est soumis à des conditions d’âge et de durée d’assurance.
  • Les carrières actives de la Fonction publique représentent 31 000 départs et 3,3 milliards d’euros. C’est un emploi occupé par un fonctionnaire qui présente un risque particulier ou des fatigues exceptionnelles. Les emplois sont classés en « catégorie active par arrêtés ministériels ».
  • L’inaptitude représente 130 000 départs et 1,7 milliard d’euros. Elle peut être reconnue suite à une maladie ou un accident. Cela nécessite une visite médicale par un médecin du travail. La décision ne peut être prise qu’après un examen approfondi du poste de travail et un échange entre le salarié, l’employeur et le médecin du travail.

La Cour de comptes pointe des incohérences, des chevauchements, des différences de traitement pour des assurés placés dans des situations voisines, entre les différents dispositifs : voir les dispositifs mis en place, pour tenir compte de l’effet sur la santé d’une activité professionnelle. Au nombre de 5, ils se distinguent par leurs approches :

  • La longueur de la carrière pour les carrières longues.
  • La nature des tâches effectuées dans l’emploi, les catégories actives et le compte professionnel de prévention (pénibilité).
  • La dégradation de l’état de santé liée au travail pour l’incapacité permanente et l’inaptitude.

Ces dispositifs complexes ont été peu actualisés, voir :

  • la liste des emplois relevant de catégories actives qui n’a pas été actualisée depuis plus de 30 ans, pour les affiliés de la CNRACL (caisse de retraite pour la fonction publique territoriale et hospitalière).
  • L’instauration de dispositifs jugés trop complexes par les employeurs (compte pénibilité devenu le C3P puis le C2P).
  • Les bénéficiaires de la RATH (retraite anticipée des travailleurs handicapés).

La Cour note que tous les dispositifs ne donnent pas lieu, de la part des caisses et du ministère chargé de la sécurité sociale, d’un suivi qualitatif régulier : analyse des populations bénéficiaires, recherche des facteurs explicatifs d’évolution… « La plupart des dispositifs ne bénéficient pas d’une analyse documentée de l’espérance de vie de leurs bénéficiaires, du fait notamment de leur création récente qui ne permet pas de disposer des données nécessaires (pénibilité par exemple) ».

Des écarts d’espérance de vie limités entre :

  • Les catégories actives (26,7 ans après 60 ans en moyenne) et sédentaires (27,6 ans après 60 ans en moyenne). Les corps « en tenue » se distinguent par une espérance de vie à 60 ans inférieure de 3 à 4 ans à celles des agents sédentaires.
  • Les départs anticipés pour carrières longues : « les quotients de mortalité entre 60 et 68 ans des assurés de la génération 1948 (première génération à être partie au titre des carrières longues) différencient peu les assurés partis à la retraite dès l’âge légal d’ouverture des droits (hors inaptitude ou invalidité) de ceux partis au titre de la retraite anticipée pour carrière longue à 56 ans ».

Les recommandations de la Cour des comptes. Elle préconise de :

  • « stabiliser » les conditions de départs anticipés à la retraite au titre des carrières longues,
  • privilégier les modalités de « transition progressive vers la retraite », tel que le dispositif de retraite progressive, encore peu connu avec seulement 10 000 départs en 2017,
  • réexaminer les catégories actives de la fonction publique,
  • revoir le financement de la pénibilité pour intégrer un mécanisme incitatif à une meilleure prévention de la pénibilité au travail à destination des employeurs.
Par ce rapport, la Cour des comptes intervient avec force dans le débat sur la réforme des retraites, par une mise à plat des systèmes actuels mettant en lumière les inégalités et les incohérences qui y existent ainsi qu’un manque d’une évaluation permanente des résultats et une absence de pilotage du système. Cela renforce la nécessité d’une cohérence dans le traitement des carrières longues et de la pénibilité afin d’assurer dans le futur système équité et justice sociale pour tous ceux qui ont subi ces conditions difficiles dans leur vie active.

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