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Une enquête sur le travail d’une ampleur inédite

mercredi 22 mars 2017

La CFDT a livré, il y a peu, les premiers résultats de son enquête « Parlons travail ». Enquête réalisée par internet depuis septembre 2016, elle a permis d’accumuler les réponses de 200 000 personnes, salariés du privé et du public, travailleurs des plateformes, artisans. Avec plus de 100 questions, cela représente 20 millions de réponses différentes sur tout ce qui concerne le travail [1].

Or, à part dans des organismes spécialisés, tels l’Anact en France, et Eurofound en Europe, le travail fait rarement l’objet d’une analyse, d’une réflexion, ou de discours patronaux comme politiques. Le premier intérêt de cette enquête est donc son existence, et aussi la « taille » des réponses. Centrer sur le travail est un enjeu pour un syndicat, afin de bien comprendre la réalité du travail des salariés, leur perception, leurs attentes et bien cibler ses revendications et ses propositions.

Enjeu important quand on sait que l’économie et les entreprises connaissent des changements profonds, que les modes d’organisation du travail et des postes ont beaucoup évolué, qu’il y a eu une intensification du travail, que les qualifications et compétences des travailleurs ont beaucoup augmenté et qu’ils souhaitent un enrichissement des tâches, de l’autonomie et une responsabilisation. Ainsi le contenu du travail est fortement impacté, ce qui est, selon les postes et les positionnements, plus ou moins bien vécu par les travailleurs.

Or, que montre cette enquête ?

- J’aime mon travail…
Contrairement à ceux qui ne voient que la « souffrance au travail » (cf. les livres de Christophe Dejours par exemple), les salariés aiment leur travail et y trouvent un intérêt (77 %), ont de bonnes relations entre collègues (76 %) et leur soutien. Une large majorité des répondants peut s’exprimer librement au travail (68 %) et même exprimer des désaccords. Plaisir (57,5 %) et fierté (55,7 %) sont partagés par plus de la moitié de ceux qui ont répondu. La durée de leur travail ne pose pas de problème à 42 % des répondants. De plus 2/3 d’entre eux semblent ne pas avoir de problème de conciliation entre la vie professionnelle et la vie personnelle, s’ils ne dépassent pas 39 heures par semaine (durée réelle effectuée par les salariés à temps complet et si leur salaire n’est pas inférieur à 1 500 € nets.

- …Mais
Le revers de la médaille, c’est une charge de travail trop lourde (51 %), une intensification du travail, un manque de temps (45 %), créant un impact négatif sur la santé (35 %), en particulier pour ceux ayant les salaires les plus faibles. 36,6 % disent avoir vécu un burn out, 34 % dorment mal, 44 % ont des douleurs, 25 % vont au travail la boule au ventre. C’est aussi le type vertical du management, le manque d’autonomie (1/3 se voient comme une machine au travail) et l’insuffisante possibilité de participer aux décisions importantes de l’entreprise ou de l’administration (pour 73 %), donc un manque de reconnaissance (42 %), y compris par un meilleur salaire (demande de 2/3 des répondants) dans une échelle des salaires plus resserrée (65 %).

- Selon que…
De plus la variété des réponses reflète la grande diversité des situations : selon l’âge, le sexe, le niveau d’études, la classification, le type de poste ou de mission, le salaire… On devine aisément des réponses plus favorables de la part des jeunes, des plus qualifiés, des mieux payés, des cadres par rapport aux ouvriers et employés. Ceux qui sont hors de ces critères connaissent plus souvent une situation de travail dégradée, le mal-être au travail, les atteintes à leur santé.

- Ainsi…
L’enquête développe encore beaucoup d’autres thèmes et l’analyse fine des résultats de l’enquête est loin d’être terminée. Cependant, déjà ces résultats présentent ainsi un visage inédit du travail avec l’implication et le plaisir de beaucoup : heureusement, beaucoup de travailleurs en France sont bien dans leur travail ! Néanmoins, ils ne passent pas sous silence les problèmes dus aux archaïsmes des entreprises en termes de conditions de travail, de management et de reconnaissance des personnes. D’ailleurs, 56,4 % des répondants expriment la nécessité de l’existence du syndicalisme pour éviter un système généralisé d’exploitation, avec comme priorité de s’occuper des difficultés quotidiennes au travail et d’agir pour l’amélioration des conditions de travail.

- Aussitôt…
Cette enquête a été présentée le 16 mars en présence des principaux candidats à l’élection présidentielle de 2017 ou de leurs représentants, excepté le FN. Suite à leurs interventions, la CFDT leur a adressé 35 questions autour de 6 thèmes, et leurs réponses seront rendues publiques :

  • Construire une vision partagée du travail au XXIème siècle : place du travail dans la société, durée légale du travail, compte épargne-temps, pénibilité…
  • Garantir la protection de tous et l’émancipation de chacun tout au long de la vie : couverture sociale des travailleurs, compte personnel d’activité, âge de la retraite, avenir de la sécurité sociale, égalité d’accès aux soins…
  • Créer des emplois de qualité pour tous en misant sur un nouveau mode de développement : avec quelles mesures ? Quelles politiques fiscales, écologiques ? Quelles mesures pour améliorer le pouvoir d’achat ?...
  • Redonner du sens à l’action publique : proximité des services publics sur tout le territoire, quelle place pour le dialogue social ?...
  • Redonner du souffle au projet européen : quelles propositions pour une Europe sociale ? Quelles priorités ?...
  • Faire du débat démocratique et du dialogue social, les leviers du changement : quel rôle pour la société civile ? Quel dialogue social dans l’entreprise ?…

Source


Notes :

[1Questionnaire, dépouillement et analyse réalisés avec l’appui de statisticiens, ergonomes et sociologues (CEET, université Paris VII)