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Le Code du Travail, histoire d’une longue naissance

samedi 17 août 2019

Célèbre pour sa couverture rouge, critiqué par certains pour sa longueur ou sa complexité, outil indispensable en cas de conflit du travail, le Code du Travail ne laisse jamais indifférent. Sa construction résulte d’un long processus où l’on a rajouté des textes législatifs et règlementaires, strates après strates. Mais sait-on quand il est né et quels sont les hommes à qui nous devons ce code devant régler les rapports des travailleurs et de leurs employeurs ?(...)

Le père du Code du Travail : le député socialiste Arthur Groussier

Historiquement, la naissance du Code du Travail résulte d’une proposition de loi sur la codification des lois ouvrières, déposée le 14 mars 1896, par le député socialiste Arthur Groussier. Il obtient pour ce faire le soutien de députés issus de toutes les tendances socialistes. Sa proposition de résolution visait à charger la Commission du travail de la Chambre des députés de « rassembler et réviser toutes les lois concernant la défense des intérêts des travailleurs […] afin d’en former un corps complet, sous le nom de code du travail ». Déjà la question de la dispersion des lois sociales était pointée. L’argumentation d’Arthur Groussier relevait : « de même que nous avons un code de commerce qui règle les rapports des commerçants, un code rural qui règle les rapports des agriculteurs, nous demandons un code du travail qui règle les rapports des travailleurs et de leurs employeurs ». Sans succès !

Soutenu par son collègue député Victor Dejeante, Arthur Groussier dépose une nouvelle proposition de loi le 11 novembre 1897, puis l’année suivante, insistant sur l’urgence de la constitution des commissions du travail et de la prévoyance, en vue d’une uniformisation de la législation. Ce n’est qu’en novembre 1901 qu’Alexandre Millerand, alors ministre du Commerce, crée enfin une commission de « codification des lois ouvrières », à laquelle appartient Arthur Groussier. Un projet de loi est finalement déposé en février 1905 par Fernand Dubief, ministre du Commerce.

La création du ministère du Travail et de la prévoyance sociale

1906 fut une année particulièrement agitée du point de vue social, la CGT ayant proclamé la grève générale pour le Premier Mai. Il n’est donc pas étonnant que ce fut cette année-là que le Président du conseil, Georges Clémenceau, créa pour la première fois, le 25 octobre 1906, le ministère du Travail et de la Prévoyance sociale. Jusqu’alors ces questions étaient traitées par le ministère du Commerce. René Viviani devient le premier ministre du Travail. Ce ministère appuie le travail parlementaire, aiguillé par les socialistes comme Jean Jaurès et Jules Guesde et les catholiques sociaux, pour voter notamment la loi du libre salaire de la femme le 13 juillet 1907 qui autorise les femmes à disposer elles-mêmes de leur salaire et la loi du 5 avril 1910 qui instaure les retraites paysannes et ouvrières.

1910 : naissance du Code du travail

La loi de création du Code du Travail ne sera finalement présentée à la Chambre qu’en octobre 1910 car le projet doit régulièrement être modifié pour tenir compte d’une législation sociale qui continue d’évoluer. Arthur Groussier, de nouveau député depuis 1906, sous la bannière de la SFIO, présente le rapport sur la dernière version du projet de loi.

Le 28 décembre 1910, est promulgué le premier des quatre livres du code du travail, il est intitulé Code du travail et de la prévoyance sociale, et il porte sur les « conventions relatives au travail » (contrats de travail et d’apprentissage, salaires, placement). Il compile des lois déjà existantes comme la loi relative aux syndicats professionnels, la loi sur le temps de travail des femmes et des enfants à 11 heures par jour, les lois sur la protection des enfants ou la loi sur l’indemnisation des accidents de travail. Il faudra attendre 1912 pour l’adoption du deuxième livre, sur la « règlementation du travail » (conditions de travail, hygiène, sécurité, etc.), puis 1924 pour le livre IV (de la juridiction, de la conciliation et de l’arbitrage, de la représentation professionnelle) et enfin 1927 pour le troisième, sur les groupements professionnels. Entre-temps on a renoncé à inclure la partie relative à la « prévoyance sociale ».

Les conventions collectives, reconnues par une première loi du 25 mars 1919 qui affirme leur suprématie sur le contrat de travail individuel, viennent compléter les dispositions du Code du travail pour chaque branche de métier et pour chaque profession.

En conclusion, le Code du Travail tel qu’il fut pensé au début du XXème siècle peut paraître modeste car il n’apporte pas par lui-même d’avantages nouveaux aux salariés. Mais il fixe avec plus de clarté et de logique les droits reconnus aux travailleurs et il permet ainsi, comme l’écrivait Arthur Groussier dans un exposé des motifs, d’en souligner les imperfections, les insuffisances et d’en appeler les compléments nécessaires. Ce qui s’est avéré une réalité tout au long de ses plus de 100 ans d’existence.

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Arthur Groussier, le père du Code du travail

Il était né à Orléans le 18 août 1863 et il mourut le 6 février 1957, après une vie militante particulièrement remplie. Il fut ingénieur, syndicaliste, franc-maçon et homme politique socialiste et communiste. Très tôt il s’intéresse aux problèmes sociaux et à l’amélioration de la condition ouvrière. De 1890 à 1893, il est secrétaire général de la Fédération nationale des ouvriers métallurgistes, qui deviendra par la suite la C.G.T.
Il glisse du syndicalisme militant vers le socialisme. En 1893, il est élu député du 10ème arrondissement de Paris. Il obtient plusieurs mandats à l’Assemblée Nationale où il s’implique dans l’élaboration de nombreuses lois de progrès social : conventions collectives, accidents du travail, hygiène et sécurité, organisation syndicale, contrats de travail, conseil des prud’hommes et bien sûr Code du Travail. Il est à l’origine d’une proposition votée par la Chambre qui ouvrit aux femmes l’accès aux Conseils des Prud’hommes.


Voici ce qu’il déclara, en 1938, au banquet offert en son honneur par Léon Blum et Paul Faure, à l’occasion de ses 75 ans :
« Le progrès, dit-il, ne vient pas aussi vite qu’on le souhaite. Malgré tout, le monde avance ; on ne recule pas, où l’on ne recule qu’apparemment, provisoirement, pour repartir en avant. »


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