La prudence s’impose
Au regard de la pratique du travail non déclaré, la prudence s’impose à l’heure des statistiques. Mais même si la France semble être en dessous de la moyenne de l’UE et que rien ne laisse supposer une quelconque augmentation tendancielle ces dernières années, le Conseil estime qu’il convient de ne pas relativiser ce phénomène et ses conséquences.
Les enjeux inhérents au travail non déclaré sont extrêmement importants
- D’abord pour les personnes. En l’absence de déclaration, les travailleurs sont privés des droits attachés au statut de salarié (ou d’indépendant selon le cas). Il s’agit des garanties en termes de salaire, de congés payés, d’horaires et de conditions de travail, de formation professionnelle, de mobilité, de représentation collective, mais aussi les droits à la protection sociale (indemnisation du chômage, droits à retraite, protection contre les accidents du travail et les maladies professionnelles…). Ces personnes peuvent se retrouver en situation de forte précarité et de grande dépendance, ce qui est susceptible, dans nombre de cas, de conduire à des situations de travail aux limites de la dignité humaine. Et ce d’autant plus que les travailleurs concernés sont souvent ceux qui sont déjà les plus en difficulté ou les plus fragiles.
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- Les enjeux concernent aussi les entreprises car le travail non déclaré est de nature à fausser les conditions d’une concurrence loyale et à perturber le fonctionnement normal du marché du travail. De nombreuses organisations patronales ne se font pas faute de l’évoquer, avec raison. Dans notre économie, les diverses cotisations et contributions sont assises sur le travail et constituent une composante significative des coûts de production des entreprises. Le rapport met en évidence que c’est tout l’équilibre de secteurs entiers qui peut être affecté.
- Troisième conséquence, le manque à gagner pour les comptes publics et de sécurisation du financement de notre système de protection sociale. L’ACOSS estimait ainsi que le manque à gagner, pour le seul travail dissimulé, en matière de cotisations sociales atteignait probablement entre 4,4 et 5,7 milliards d’euros en 2016 pour les régimes de protection sociale.
- Enfin, les enjeux concernent aussi la nature du lien social et sa solidité. Nos sociétés – et c’est aussi le cas de la société française – demeurent fragiles. La situation politique actuelle le démontre tous les jours. Pour bien fonctionner, nos sociétés s’appuient tout à la fois sur l’engagement citoyen et sur la confiance dans l’État de droit.
Quelles réponses ?
Pour le COE, l’importance des enjeux exige une réponse déterminée. Il salue donc la mise en place, depuis les années 2000, d’un renforcement continu et conséquent des politiques de lutte contre le travail illégal, et en premier chef contre le travail dissimulé, en agissant tant sur le volet répressif que sur le volet préventif.
Cependant, le Conseil a été frappé par la méconnaissance finalement assez forte de l’ampleur du phénomène, des profils des personnes concernées, des diversités des pratiques et de la nature des déterminants à l’origine de la non-déclaration. Il souligne aussi le contexte de mutations de l’activité, avec par exemple l’essor des plateformes numériques, et de transformation du travail qui appelle de nouvelles réponses.
Il souhaite que les politiques – qu’elles relèvent de l’action publique ou de la négociation entre partenaires sociaux – visant à améliorer le fonctionnement du marché du travail ou à développer l’emploi, intègrent le risque de travail non déclaré et ses conséquences éventuelles.
Les recommandations du COE
Le Coe a émis des recommandations à l’égard des pouvoirs publics comme des partenaires sociaux pour mieux guider l’évolution des politiques publiques de lutte contre le travail non déclaré. En voici les principales :
- Améliorer la connaissance statistique du phénomène dans toutes ses dimensions.
- Renforcer les travaux de recherche sur le travail non déclaré.
- Améliorer le partage de données entre les administrations pour mieux cibler les situations à risque tout en respectant la protection des données personnelles.
- Mobiliser les nouveaux outils de datamining pour améliorer le ciblage des contrôles.
- Veiller à l’effectivité des sanctions pour renforcer l’effet dissuasif.
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