samedi 11 juillet 2020
L’agriculture en France, c’est 436 000 exploitations agricoles dont plus de 90 % de TPE et 1,2 million de salariés (300 000 salariés permanents et 900 000 contrats saisonniers). Ces travailleurs sont dans leur grande majorité peu ou mal rémunérés. Pendant le Covid-19, le secteur a su faire face à la difficulté de recrutement et inventer de nouveaux circuits d’approvisionnement dont les circuits courts. Il y a eu continuité de la production et de l’approvisionnement de la chaîne alimentaire malgré des restrictions relatives au franchissement des frontières dès le 18 mars 2020 pour les travailleurs détachés.
Le 20 mai 2020 une circulaire autorise l’entrée et l’activité de travailleurs détachés et saisonniers agricoles sur le territoire français.
Un travailleur détaché est un salarié envoyé par son employeur européen dans un autre État membre en vue d’y fournir un service à titre temporaire. Contrairement aux travailleurs mobiles de l’Union européenne qui s’installent dans un autre État membre pour y travailler ou chercher un emploi et qui ont droit à l’égalité de traitement avec les citoyens du pays d’accueil en ce qui concerne l’emploi, les travailleurs détachés ne séjournent que temporairement dans un pays d’accueil et ils n’intègrent pas le marché du travail du pays.
La directive européenne de 1996 concernant les droits et devoirs des salariés détachés : ces règles prévoient que les travailleurs détachés dans un autre État membre bénéficient légalement d’un noyau dur de droits en vigueur dans l’État membre d’accueil, même s’ils restent les employés de l’entreprise qui les détache et relèvent donc de la législation de l’État membre d’origine. Ces droits concernent :
Rien n’empêche l’employeur d’offrir des conditions de travail plus favorables que celles en vigueur dans l’État membre d’origine.
La directive d’exécution, approuvée en 2014, vise à améliorer l’application des règles dans la pratique dans les domaines suivants :
Révision de la directive sur le détachement des travailleurs au sein de l’union européenne adoptée le 28 juin 2018 : pour la couverture sociale à l’étranger, formulaire DPAI valable pendant 24 mois. Une extension de la couverture de sécurité sociale peut être accordée.
La fraude au travail détaché est endémique dans l’agriculture. La Cour des comptes relève les différentes formes de contournement des règles du détachement : création de coquilles vides pour l’entreprise de détachement, non-respect du droit français, heures supplémentaires non déclarées, logements insalubres…°
L’entreprise temporaire espagnole Safor Temporis a été condamnée le 8 avril 2020 pour avoir détourné les règles du détachement. Cette entreprise espagnole doit payer une amende de 7 500 euros et à verser 6,3 millions d’euros à la caisse de la mutualité agricole.
L’entreprise n’avait pas respecté les règles du détachement :
Le syndicat FGA-CFDT, partie prenante dans le procès, qualifie ce jugement d’exemplaire sachant qu’entre 2011 et 2016, l’entreprise avait embauché près de 2 199 salariés, en mettant à disposition de plusieurs exploitations de la région PACA des salariés essentiellement équatoriens.
Pendant le Covid-19, les autorités sanitaires française ont mené de larges campagnes de dépistage dans ce secteur, révélant des salariés détachés infectés par le Coronavirus, notamment des salariés venus d’Équateur, du Salvador ou du Maroc embauchés par la société intérim espagnole Terra Fecundis pour la récolte de fruits en France. Soit plus de 1 400 travailleurs saisonniers mis à disposition d’entreprises du Gard, du Vaucluse, de l’Hérault :
Les services de santé, la préfecture du Rhône vérifient la légalité de ces embauches : les mesures ont-elles été respectées pour :
Mesures de protection adaptées à l’exercice de l’activité de saisonner agricole en temps de Covid-19, précisées dans le guide d’accueil du ministère du Travail :
Des cas très préoccupants de conditions indignes de travail et d’hébergement sont régulièrement relevés, en particulier, mais pas seulement, dans le secteur de l’agriculture. Certaines situations peuvent être qualifiées de traite des êtres humains et entraîner des conséquences extrêmement graves : décès de salariés, maladies dues au manque d’hygiène, malnutrition, privation de la liberté d’aller et venir sur le temps de congés et de repos, etc. La lutte contre les fraudes au détachement est une priorité de l’inspection du travail soutenue par les syndicats avec un objectif : « Faire respecter le droit du travail auprès des salariés détachés et plus largement de tout travailleur migrant se trouvant dans des situations similaires ».
Dans les statistiques européennes, la France apparaît comme le deuxième pays d’accueil de travailleurs détachés (203 000 formulaires reçus en 2016), largement après l’Allemagne. Elle est suivie par la Belgique et l’Autriche. En termes d’envoi de travailleurs détachés à l’étranger, la France occupe le quatrième rang (132 000 formulaires émis), loin derrière la Pologne et l’Allemagne et juste après la Slovénie. En termes géographiques, les deux tiers des salariés détachés le sont dans cinq régions : quatre régions frontalières (Grand Est, Provence-Alpes-Côte d’Azur, Auvergne-Rhône-Alpes, Hauts-de-France) et l’Île-de-France. Les ressortissants portugais, puis polonais, allemands, roumains, français, belges, espagnols et italiens sont les plus souvent détachés en France. Ces huit nationalités concentrent près de 70 % du flux de la main-d’œuvre détachée en France. Les ressortissants issus de pays d’Afrique apparaissent juste après et sont plus de 20 000 à être détachés en France par des entreprises européennes. Dans certains cas, le détachement de travailleurs procède de montages complexes faisant intervenir plusieurs pays. Ainsi 43 750 personnes (8,5 % des travailleurs détachés) sont de nationalité française mais employées par des sociétés étrangères. |
Références
Contexte juridique européen
Articles de presse