Pour 45 % des Français, leur pouvoir d’achat permet seulement de répondre à leurs besoins essentiels ou ne le permet pas. Les inégalités persistent en dépit d’un système de redistribution puissant. Certaines catégories et certains territoires accumulent les désavantages. Des écarts tangibles de niveaux de vie sont observables entre les six déciles des classes moyennes, qui ont perdu du pouvoir d’achat depuis 2021 :
- Le premier décile en a gagné en 2022 grâce aux mesures de protection et de redistribution lors de la crise (en diminution aujourd’hui).
- Les revenus du patrimoine tendent à favoriser les ménages aisés, tandis que le découplage entre salaires réels et pouvoir d’achat s’est fait au détriment des ménages les moins aisés.
- D’après le sondage Ipsos-CESE, 45 % des Français sont dans une situation financière inconfortable, soit trois points de plus que l’an dernier.
- Si l’on intègre d’autres besoins élémentaires pour une vie décente, près de la moitié des familles types vivent aujourd’hui en deçà d’une vie décente.
Dans l’esprit des Françaises et des Français, les inégalités ont des causes multiples : disparités salariales, discriminations, inefficacité du système de redistribution, non reconnaissance sociale, détournement des règles par certains, ou encore iniquités territoriales dans l’accès aux services.
La santé et l’accès aux soins constituent cette année, le premier sujet de préoccupation. Selon le sondage 59 % des personnes sondées vivent dans des agglomérations de moins de 20 000 habitants et elles estiment rencontrer des difficultés pour les accès à la santé. Ce point est important car il pèse négativement sur l’attachement à la démocratie.
Les inégalités entre les femmes et les hommes sont alimentées par un sexisme prégnant : 70 % des hommes pensent qu’un homme doit avoir la responsabilité financière de la famille pour être respecté dans la société et 25 % des 25-34 ans pensent qu’il faut parfois être violent pour se faire respecter.
L’accès au logement et son coût dans le budget des ménages constituent des sources d’inégalités importantes. Dans le sondage, l’accès au logement ressort en tête des difficultés éprouvées en termes d’accès aux services (58 % mais 84 % pour les DROM). Les situations diffèrent selon que le ménage est locataire ou propriétaire. Depuis 2022, la difficulté des ménages de s’inscrire dans un parcours résidentiel ascendant s’est aggravé. Il en est de même pour les inégalités scolaires. Pour les collèges, en 2023, un écart de 20 points de composition sociale des élèves sépare les établissements publics et privés.
Les inégalités entraînent des conséquences très concrètes sur la démocratie : l’absence de perspective, le sentiment de subir davantage d’inégalités que la moyenne et les difficultés d’accès à certains services publics alimentent un sentiment d’injustice et d’exclusion. Il en résulte un moindre attachement au système démocratique :
- 23 % estiment que la démocratie n’est pas le meilleur système existant.
- 76 % estiment que les hommes et les femmes politiques sont déconnectés des réalités vécues par les citoyens et les citoyennes.
Comment faire confiance aux personnels politiques pour qu’ils répondent de façon pertinente à leurs préoccupations ? Nous devons renforcer le pouvoir d’agir et associer les citoyennes et les citoyens aux décisions. La distance avec les institutions s’explique aussi par le sentiment d’être dépossédés d’une partie des problèmes. Dans le sondage :
- 23 % des personnes interrogées citent spontanément « une meilleure écoute des citoyens et de leurs préoccupations ». Ils demandent une augmentation de moyens à mettre en œuvre pour améliorer le fonctionnement de la démocratie.
- Passer à la co-construction sur un plus grand nombre de sujets tant au niveau local que national.
- Créer un cercle vertueux dans lequel le citoyen se sent investi du pouvoir d’agir : les Français veulent s’engager dans le quotidien, la vitalité associative dans tous les territoires en témoigne.
- Une société engagée constitue une force considérable sur laquelle s’appuyer pour lutter contre les inégalités.
Le CESE cible onze indicateurs socio-économiques quantitatifs et qualitatifs à prendre en compte : la mixité sociale à l’école, l’espérance de vie en bonne santé, la rénovation des logements, les victimes de violences sexistes et sexuelles, le PIB, les énergies renouvelables, l’artificialisation des sols, l’attractivité-réindustrialisation et l’effort de recherche, la gestion de l’eau dans les outre-mer.
« Le portrait social de la France par l’INSEE », confirme les constats de l’étude du CESE. Le niveau de vie des 10 % les plus pauvres a baissé de près de 3 % en 2023 et il a continué d’augmenter pour les plus aisés (+0,4 %). L’inflation en France est restée robuste mais l’État a arrêté le versement aux ménages les plus faibles de plusieurs aides exceptionnelles déployées en 2022 pour soutenir le pouvoir d’achat.
Au total, la hausse du niveau de vie couvre en moyenne la totalité des dépenses additionnelles liées à la forte inflation. Ce constat n’est pas valable pour toutes les catégories de ménages : pour les 20 % les plus modestes, la hausse du niveau de vie couvre seulement la moitié du choc inflationniste en 2023 (contre 80 % environ en 2022). Cette proportion est également plus faible pour les familles monoparentales, autour de 65 % en moyenne, et pour les moins de 30 ans (environ 70 %).
Références