jeudi 8 décembre 2005
Le site expression-publique.com a réalisé un sondage sur internet et recueilli 5058 réponses spontanées, publiés en décembre.
Cet échantillon n’est pas, il est vrai, représentatif des salariés au sens strict. Mais le questionnaire, parce que riche (21 questions), nuancé dans les choix offerts et intelligent, fait apparaître des réponses d’autant plus intéressantes qu’elles éclairent les résultats de sondages scientifiques et l’état du syndicalisme français. Invitons tous ceux et celles qui veulent réfléchir à prendre connaissance des résultats détaillés.
L’image générale du syndicalisme n’est pas vraiment bonne chez les internautes : certes il est à 68 % indispensable et utile, mais il y a quand même 30 % qui l’estime inutile voire néfaste.
Leur opinion sur son rôle dans les mouvements sociaux est partagée : 45 % estiment que les syndicats jettent de l’huile sur le feu. Si 44% pensent que les syndicats attirent l’attention sur des situations inacceptables, seulement 20 % jugent qu’ils défendent les plus modestes.
Pire ils sont perçus quasi exclusivement comme défendant les fonctionnaires (39 %) et les salariés des entreprises publiques (25%), comme défendant des avantages qui ne se justifient plus (46 %), comme non représentatifs (43 %), comme trop politisés (31 %) et utilisant des méthodes qui sortent souvent de la légalité (24 %).
Là où les répondants travaillent (ou ont travaillé), l’avis est partagé à 38 contre 33 % sur l’utilité des syndicats, tandis que 21 % disent qu’ils n’avaient pas de syndicats. Un tiers n’a pas eu de relation directe avec un syndicat et 31 %, quand ils l’ont eu, n’en ont pas retiré une bonne opinion. Conséquence : 47 % ne font confiance à personne en particulier pour défendre leurs intérêts sur leur lieu de travail, et si 26 % font confiance aux syndicats, 18 % préfèrent leur employeur ou leur supérieur hiérarchique.
Pourtant les mêmes disent que le faible taux de syndicalisation français est une mauvaise chose (65%), mais le grand nombre de syndicats l’est aussi (à 58 %).
Certes le questionnaire ne compare que trois confédérations (CFDT, CGT, FO), en ajoutant SUD.
Nous avons regroupé en un tableau comparatif les résultats sur des qualificatifs proposés pour chaque syndicat, en mettant en gras les plus forts scores.
Thème | CGT | CFDT | FO | SUD | Un autre | Aucun |
---|---|---|---|---|---|---|
Rôle utile | 31% | 45% | 28% | 22% | 54% | 0 |
Rôle néfaste | 56% | 27% | 39% | 0 | 0 | 0 |
Le plus réaliste | 11% | 44% | 10% | 5% | 4% | 18% |
Le plus politisé | 59% | 8% | 6% | 14% | 1% | 4% |
Le plus en phase avec la société | 12% | 36% | 7% | 7% | 4% | 25% |
Le plus privilégiant l’affrontement | 47% | 1% | 5% | 33% | 1% | 7% |
Le plus capable d’obtenir de bons accords | 17% | 38% | 7% | 3% | 3% | 21% |
Le plus démocratique | 8% | 30% | 6% | 8% | 3% | 28% |
Le plus présent dans les luttes sociales | 60% | 6% | 5% | 10% | 1% | 7% |
Le plus proche du pouvoir politique actuel | 1% | 32% | 5% | 1% | 6% | 42% |
Le plus soucieux de chercher des compromis | 4% | 59% | 10% | 1% | 3% | 14% |
Indépendant des partis politiques | 4% | 22% | 9% | 11% | 4% | 38% |
Le positionnement sur quelques revendications révèle des opinions plutôt partagées sauf sur la revalorisation salariale :
Revendications | soutiennent | ne soutiennent pas |
---|---|---|
Revalorisation des salaires | 68% | 24% |
Suppression du contrat nouvelles embauches | 43% | 48% |
Arrêt des privatisations | 39% | 56% |
Plus de moyens pour les services publics | 45% | 50% |
Surtout est instructive la comparaison entre les thèmes que les internautes voudraient voir défendre par les syndicats et ceux qu’ils constatent qu’ils portent en réalité.
Chaque fois 4 réponses étaient possibles.
Les écarts sont très intéressants à noter parce qu’ils révèlent.
Thème | Souhaité par les répondants | Défendu par les syndicats | Ecart entre souhaits et défense perçue |
---|---|---|---|
La lutte contre le travail précaire | 50% | 11% | -39% |
La revalorisation des salaires | 46% | 36% | -10% |
La relance de la politique contractuelle (des accords sociaux plutôt que le passage par la loi) | 39% | 4% | -35% |
La lutte contre les délocalisations | 29% | 17% | -12% |
La défense des services publics | 26% | 55% | +29% |
La mise en place d’une sécurité sociale du travail (garantissant les droits des salariés qu’ils soient actifs ou au chômage) | 26% | 2% | -24% |
La sauvegarde des acquis sociaux | 23% | 61% | +38% |
La revalorisation des minima sociaux | 16% | 10% | -10% |
La lutte contre les privatisations | 13% | 41% | +28% |
La défense des 35 heures | 12% | 41% | +29% |
La défense du droit de grève | 11% | 30% | +19% |
Cette situation complexe permet de comprendre que l’image des trois secrétaires généraux en pâtisse, probablement davantage que celle de leurs organisations elles-mêmes.
Opinion | Bonne | ni bonne ni mauvaise | Total des 2 colonnes précédentes | mauvaise | sans opinion |
---|---|---|---|---|---|
François Chérèque | 31% | 25% | 56% | 34% | 9% |
Bernard Thibault | 28% | 20% | 48% | 46% | 5% |
Jean-Claude Mailly | 14% | 37% | 51% | 30% | 19% |
On aimerait que ce type de questionnaire soit expérimenté sur un échantillon représentatif des salariés (actifs et retraités) selon la méthode des quotas, pour vérifier si finalement ce type d’enquête est représentative et en quoi elle est biaisée.