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Chronique sur les IRP. Dialogue, information, consultation, résultats

mercredi 13 novembre 2013

Dans cette deuxième partie sur le rôle des IRP pour l’emploi et les conditions de travail, l’auteur lie l’utilité des CHSCT à leur proximité des salariés et montre l’impact de la consultation des IRP sur l’implication des salariés et la performance des entreprises.
 Article -II-

Le cas des CHSCT : consulter au bon moment et tenir compte des avis

L’utilité perçue des représentants du personnel dépend aussi des IRP. En effet, les institutions représentatives du personnel, qui comprennent les CE et CHSCT mais aussi les DP (délégués du personnel), les comités de groupe et les comités européens, ont des attributions bien différentes et des relations plus ou moins étroites avec les salariés. À cet égard, le cas du CHSCT est intéressant car il constitue en général l’IRP la plus proche des salariés.

Une enquête sur les CHSCT coordonnée par la Direction Générale du Travail a montré que les directions ne tiennent pas suffisamment compte des avis et propositions formulés par leurs CHSCT : à la question « les suggestions du CHSCT sont-elles globalement suivies ? », seuls 30 % des élus répondaient par l’affirmative. Et encore faut-il relativiser ce résultat, sans doute surévalué compte tenu de l’échantillon : les répondants sont des membres de CHSCT relativement anciens installés dans des établissements de grande taille (les deux tiers représentent des établissements de plus de 200 salariés). « Ils témoignent à n’en pas douter d’un fonctionnement meilleur que la moyenne » nous disent les auteurs de l’enquête.

Par ailleurs, les avis et les propositions du CHSCT ne sont pas toujours formulés dans la temporalité adéquate. Ainsi, l’enquête s’intéressait aux projets de transformation menés par les entreprises et posait la question du moment où est intervenue la consultation du CHSCT. Les réponses se partagent grossièrement en trois tiers : pour 31 % des répondants, celle-ci a été effectuée avant le projet ; pour 33% pendant le projet et pour 36% uniquement à la fin du projet ou… jamais. La seule « bonne réponse » est évidemment la première puisque dans les autres cas, la consultation intervient trop tardivement pour permettre d’infléchir le projet.

Conclusion : l’information-consultation n’est effective que pour un petit tiers des projets et sur ce tiers, les avis ne pèsent que dans les cas d’un petit tiers des consultations… Ces deux facteurs combinés aboutissent à un taux d’effectivité très bas, inférieur à 10%. Pour le bon fonctionnement des CHSCT, il est donc essentiel que les dirigeants et les DRH s’impliquent davantage au sein de cette instance et leur donnent davantage de poids dans le fonctionnement de l’entreprise. On ne peut espérer établir un bon niveau de dialogue et donner envie aux salariés les plus motivés de s’impliquer dans le CHSCT si l’on persiste à ne le consulter que lorsque « les jeux sont faits » ou à ignorer ses préconisations. De leur côté, les organisations syndicales doivent déléguer au CHSCT des représentants expérimentés et en prise directe avec les situations de travail sur le terrain.

Bien qu’il traite parfois de problématiques à fort contenu technique, mon expérience est que le CHSCT est souvent l’IRP la plus proche des salariés. D’abord parce qu’une partie de ses connaissances s’élabore directement auprès des titulaires des postes de travail et que le CHSCT est présent dans les établissements. Ensuite parce que le CHSCT et ses représentants obtiennent des résultats immédiatement perceptibles. Enfin, parce que le CHSCT, qui est le parent pauvre institutionnel au regard des moyens qui lui sont alloués, offre de nombreuses possibilités aux élus d’entretenir des liens de proximité dans l’activité de représentation au quotidien (enquêtes à la suite d’incidents, tournées auprès des salariés…) Cette proximité est un atout essentiel pour le CHSCT mais aussi pour la politique de santé et sécurité de l’entreprise : il faut donc la préserver.

L’information-consultation n’est pas un obstacle au changement

Ce qui rythme la vie des CE et des CHSCT, c’est l’information-consultation, même s’il ne faut pas la réduire à cela. On a entendu bien des dirigeants s’opposer au principe même de ce processus. Accusé de coûter trop cher en temps et en efficacité, il mettrait en danger la compétitivité de nos entreprises. Qu’en est-il en réalité ?

Tout d’abord, il faut rappeler que ce processus constitue de moins en moins un « désavantage compétitif » puisqu’il se généralise, au moins en Europe. La mise en place des IRP (ou de procédures d’information) est devenue une prescription légale dans tous les États membres avec l’entrée en vigueur de la directive européenne 2002/14, qui instaure un cadre général pour l’information et la consultation au niveau national pour les 28 États membres.

La Commission européenne a réalisé une étude d’évaluation de cette directive six ans après son introduction, dont voici quelques conclusions. La saveur de celles-ci doit être appréciée au regard du tropisme libéral qui caractérise la Commission, en général très hostile aux procédures imposées aux entreprises : « Il s’avère que la procédure d’information-consultation a exercé des impacts positifs en établissant un climat de travail favorable et en réduisant les problèmes humains. En cela, elle contribue à la performance des entreprises. (...) Seulement 30% des dirigeants européens interrogés pensent que l’intervention des représentants du personnel a pour conséquence des dépassements importants de délais dans les prises de décision dans leur entreprise. A l’inverse, 70% d’entre eux pensent que l’intervention des représentants du personnel contribue à élaborer des solutions pour améliorer la performance de manière constructive et que la consultation a pour effet une meilleure implication des collaborateurs dans la mise en œuvre des changements ».


PS :

Martin Richer nous a adressé cette chronique sur les IRP que nous pensons intéressante et que nous publions en trois articles, ici l’article 2.
Leur texte n’engage que l’auteur.