Résumé des faits
Il y a plus d’un an, le pronostic de la récession en Allemagne est de 8,5 %, le bilan dans le secteur de l’automobile est négatif (200 000 suppressions de postes sont annoncées). Le secteur automobile subit la crise du covid et la suppression du diesel. La transformation numérique et écologique dans le secteur va durer des années, déclare le patronat. Les employeurs demandent « une prime à la casse » de la part de l’État. Division au sein du Parlement.
- Le syndicat IG Metall déclenche un débat national en proposant une semaine de travail à 4 jours pour sauver l’emploi avec augmentation salariale pour compenser la perte de salaire. Fin de non-recevoir de la part du patronat.
- Le directeur de la fédération patronale confirme « cela ne ferait qu’empirer le choc énorme de productivité ».
- « Plus la crise dure, plus nous devons trouver des solutions intelligentes qui ne se bornent pas à distribuer des compensations salariales et des subventions. » répond un responsable du parti conservateur.
Les négociations reprennent fin décembre 2020, avec une date butoir au 1er mars 2021. La nouvelle convention collective a vocation à servir de modèle pour les négociations salariales dans les autres régions allemandes. IG Metall demande 4 % d’augmentation salariale.
- Début mars, plusieurs grèves perlées rassemblent des dizaines de milliers d’employés de l’industrie métallurgique et électrique.
- Les salariés sont appelés à éteindre leur ordinateur.
- Les grèves touchent le secteur automobile (Mercedes, Volkswagen), des équipementiers (Continental). Elles causent 900 millions d’euros de pertes pour les entreprises concernées.
Après des mois de négociations et un dernier marathon de 10 heures, patronat et syndicat concluent un accord. Il pose les bases pour sécuriser l’emploi dans les secteurs en pleine reconversion, entre le repli de la sidérurgie et la transition au tout électrique du secteur automobile. Il scelle la paix sociale pendant près de deux ans. Les salariés seront protégés contre les licenciements pendant près de deux ans.
Contenu de l’accord
Une hausse en moyenne de 2,3 % des salaires pour les salariés de la branche, sur 21 mois (IG Metall demandait 4 %), convertible en une réduction de temps de travail pour sauvegarder des emplois durant la crise, assortie de garantie financière pour les employeurs en difficulté.
- Une prime exceptionnelle covid-19 de 500 euros jusqu’à la fin de juin 2020.
- Des primes annuelles (dont une partie sous la forme de crédit de formation), représentant 18,4 % d’un salaire mensuel en 2022 puis 27,6 % en 2023. Elles seront économisées pendant 8 mois, avant d’être versées en 2022.
- La semaine de 4 jours, pour ceux qui le souhaitent. Ils pourront passer à la semaine de 4 jours sans perte de salaire (conversion des primes).
Cet accord est exemplaire dans sa méthode de communication, dans la construction du rapport de force, dans sa méthode de négociation, ce qui permet à tous les partenaires (employeurs, salariés et gouvernement) de sortir satisfaits de la conclusion de cet accord. Cet accord est important vu le nombre de salariés concernés. De plus il donne le ton de l’augmentation des salaires pour l’année à venir. Au-delà, il représente une prise en compte par les 2 acteurs des mutations du secteur et formule les bases d’une sécurisation de l’emploi face à ces transformations.
Peut-on appliquer les mêmes méthodes en France ? Le dialogue social n’est pas un terme juridique, il est simultanément un concept, une activité et un dispositif (voir Christian Thuderoz [1]). La seule définition partagée vient de l’OIT (Organisation mondiale du travail), pour désigner « tous les types de négociation, de consultation, ou simplement d’échange d’information ». En 2015, la loi Rebsamen parle de « négociation et de dialogue social en entreprise » pour permettre une meilleure cohésion sociale au sein des entreprises, pour développer des sentiments d’appartenance et de loyauté en remettant le salarié au cœur du débat. En février 2021, le président du Medef a adressé une lettre aux organisations syndicales, pour les inviter à des négociations autour de 8 thèmes de travail. Mais d’ores et déjà, le syndicat CGT a décidé de ne pas participer aux réunions entre patronat et syndicats.
Références