Un rapport né de la consultation citoyenne
Le rapport de la Cour des comptes est le troisième des travaux publiés à l’issue de la consultation citoyenne lancée en 2022. Il constate que, depuis 2017, une forte demande sociale d’égalité entre les femmes et les hommes s’exprime, motivée par la persistance d’inégalités et concomitante de la montée en puissance du mouvement #MeToo.
Les violences faites aux femmes, notamment conjugales, « font l’objet d’une sensibilité particulière accentuée lors de la crise sanitaire ». Ce sujet a été déclaré grande cause du quinquennat en 2017 par le Président de la République. Mais pour la Cour, si cette déclaration a conduit à l’organisation de temps forts et à l’annonce de mesures, elle ne s’est toutefois pas traduite par la définition et la déclinaison d’une stratégie globale.
Des constats de déséquilibre dressés
La Cour signale d’abord l’absence d’une feuille de route unique et une approche réduite à un catalogue de mesures qui n’ont pas été consolidées. Certaines mesures sont parfois mal définies alors qu’elles sont censées répondre à des besoins eux-mêmes mal identifiés, sans calendrier précis ni critères d’évaluation… Les services chargés de la coordination, les services des droits des femmes et de l’égalité, n’ont pas de poids suffisant sur les ministères, inégalement investis en l’absence de rendez-vous interministériels. La déclinaison territoriale est aléatoire et enfin la culture de l’évaluation est encore peu présente.
Mais des avancées dans la lutte contre les violences conjugales et pour l’égalité professionnelle
La juridiction salue les avancées pour la protection des victimes (dispositifs d’écoute et d’accompagnement renforcés, téléphones grand danger distribués) et l’accompagnement des auteurs (création de centres de prise en charge des auteurs, port de bracelets antirapprochement). Mais elle regrette l’absence de mise en œuvre de mesures « pour faire évoluer les mentalités », comme celles relatives à la prévention axée sur l’éducation.
En matière d’égalité au travail, les progrès dans la réduction des inégalités dans le secteur privé restent « lents, malgré un arsenal législatif croissant depuis plusieurs décennies ». Quant au secteur public, la cour reconnait que l’égalité professionnelle a fait l’objet d’une mobilisation collective forte résultant notamment de l’obligation de concevoir un plan d’action concret, mais elle constate que l’égalité salariale progresse lentement. Des progrès ont été réalisés pour identifier les sources des écarts de rémunération, mais il reste à mieux comprendre les écarts en matière de primes et de promotions pour agir sur d’éventuelles discriminations. On sait depuis que l’égalité professionnelle est un des sujets inscrit à l’agenda social des partenaires sociaux de la Fonction publique.
Des exigences sur la lisibilité des moyens budgétaires
On ne sera pas surpris des exigences de la Cour sur les questions budgétaires. Si le programme Égalité entre les femmes et les hommes du budget de l’État de 2022 est supérieur de +139 % au budget de 2017 (53,2 millions d’euros de crédits exécutés en 2022 essentiellement pour financer les associations), la Cour signale que d’autres programmes budgétaires participent au financement de la politique d’égalité à hauteur de 2,4 milliards d’euros pour 2023 (en particulier dans les ministères).
La Cour apprécie cette hausse mais indique que les modalités de calcul sont parfois non précisées ou sujettes à caution et ne permettent pas d’identifier les crédits supplémentaires véritablement octroyés à cette politique.
En conclusion
L’État a annoncé le 8 mars 2023 un nouveau plan interministériel pour l’égalité entre les femmes et les hommes 2023-2027. Si certaines mesures sont agréées par la Cour, elle regrette la reproduction du même schéma consistant en annonces de principe censées répondre à des besoins encore mal identifiés. Elle réclame donc une véritable feuille de route assortie d’objectifs chiffrés. Pour la Cour des comptes, la réussite de ce nouveau plan sera fonction « de la capacité, d’une part, à tenir l’engagement d’en assurer le suivi au niveau interministériel le plus élevé et, d’autre part, à ne pas privilégier seulement les mesures de court terme ».
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