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2 enjeux pour la formation au centre de la loi « Avenir professionnel »

samedi 20 octobre 2018

Une réforme d’ensemble de la formation

La loi Avenir professionnel organise une réforme profonde du système de formation professionnelle pour tous les actifs. Le système actuel est en effet complexe – pour ne pas dire plus –, inégalitaire avec un accès bien plus important des salariés ingénieurs, cadres ou techniciens et bien plus limité pour les ouvriers et employés, : la formation va aux plus qualifiés, beaucoup moins à ceux qui en auraient le plus besoin, comme le montre Clés du social (http://www.clesdusocial.fr/la-formation-professionnelle-avant-reforme-efficacite-simplification-dispositifs) Pour le gouvernement, le système actuel, malgré une dépense globale de plus de 30 milliards par an, ne répond pas à la bataille des compétences dans une économie en mutation, n’assure pas l’accès à la qualification des moins formés : la reprise de la croissance ne profite pas à tous. C’est donc une loi axée sur le développement des compétences.

La loi est énorme et autour de 70 décrets, la plupart avant la fin de cette année, doivent la préciser pour la partie formation. Avant que les textes soient au complet, on peut commencer par faire un focus sur 2 objectifs prioritaires de cette loi : favoriser l’accès à la formation tout en faisant des actifs les premiers acteurs de leur formation et redistribuer les rôles dans la mise en œuvre du nouveau système.

Projet de loi « Avenir professionnel » : la maîtrise par l’individu de sa formation

Un droit individuel unique organise cet accès et cette maîtrise : le CPF, compte personnel de formation, déjà existant depuis 2014, mais complètement réorganisé.

 Les modalités d’acquisition des droits sont modifiées

  • Si l’on garde toujours le principe d’une alimentation annuelle et de plafonds annuel et global, ils seront fixés en euros et non plus en heures. Les décrets devraient confirmer les chiffres : 500 € par an, 5 000 € au total, et pour les peu qualifiés 800 € par an et 8 000 € en tout. Une majoration devrait être du même niveau pour les travailleurs handicapés. Ces chiffres seront revus tous les 3 ans.
  • Les salariés à temps partiel, s’ils travaillent au moins la moitié d’un temps complet, acquerront les mêmes droits que ceux à temps complet. En dessous, ce sera au prorata.
  • Un accord d’entreprise voire de branche pourra augmenter ces chiffres. Dans ce cas l’entreprise devra financer le surcoût des heures de formation, en le versant à la Caisse des Dépôts qui rassemblera le financement du CPF.
  • Les heures déjà inscrites sur le compte CPF seront converties en euros au 31 décembre de cette année, sans que l’on sache encore la valorisation de ces heures en euros (14,28 € ?).
  • Le CPF pourra être abondé par le salarié (mis volontairement en premier), l’employeur, les Opco (opérateurs de compétences, voir ci-dessous), l’Unédic, Pôle emploi , l’État, les Régions, les autres collectivités, la Cnam, l’Agefih, tout FAF (fonds d’assurance formation), les chambres des métiers, Santé publique France.
  • La liste des formations accessibles sera grandement élargie.
  • L’accès à une formation par son CPF se fera de façon dématérialisée, sur une application numérique où l’on trouvera l’information sur ses droits, les formations existantes (avec dates et sessions), le résultat en termes d’insertion dans un emploi, et où on s’inscrira à une formation, avec déclenchement direct du paiement à l’organisme de formation par la Caisse des dépôts.
  • L’accord de l’employeur ne sera nécessaire que si tout ou partie de la formation se déroule pendant le temps de travail.
  • Le CPF pourra aussi être utilisé pour se reconvertir, remplaçant ainsi le congé individuel de formation, à l’aide du PTP (projet de transition professionnelle) d’un salarié, dont les démissionnaires, rendant possible une formation longue et certifiante.

 Critiques principales des partenaires sociaux sur 2 points

  • Le CPF passe d’un compte en heures à un compte en euros, malgré l’opposition des partenaires sociaux qui l’avaient maintenu en heures dans leur ANI du 22 février. Pour le gouvernement, c’est plus lisible et plus juste et il faut obliger les organismes à baisser leurs coûts, surtout pour les formations de cadres. Pour les partenaires sociaux, toute formation n’a pas le même coût en investissements matériels et immatériels et les chiffres annoncés par le ministère sont trop bas et sans nuances : ils vont baisser les droits et l’accès à la formation des salariés.
  • Mais surtout, le nouveau dispositif accentue l’individualisation du processus de formation et la transmission de la responsabilité au salarié. Avec, en plus, la dématérialisation du processus, le salarié se retrouve seul devant son ordinateur, …seul devant son devenir. Alors que la capacité de choix suppose une information développée et personnalisée, à commencer pour les personnes les plus éloignées de la formation, une vision claire des possibilités existantes et une stratégie. Ce dispositif comporte ainsi un risque de maintenir une forte inégalité d’accès selon l’appétence, la capacité de trouver l’information et le conseil sans l’intermédiation et l’aide d’organismes comme l’étaient les Opca, selon aussi la capacité financière d’un salarié à compléter ou trouver un abondement, vu les limites du CPF (5 000 €) et …selon l’agilité informatique.
    Même les entreprises ne veulent pas d’une individualisation totale et demandent une démarche plus collective, en co-construction avec l’entreprise. « Cela met tout sur les épaules du salarié et déresponsabilise l’entreprise », dénonce Pierre Charlez le président de l’association nationale des directeurs de ressources humaines (ANDRH).

 Le CEP : un dispositif en faveur des salariés

  • Un dispositif cependant devra être vraiment développé : le CEP, conseil en évolution professionnelle. Créé en 2014, il est renforcé par la loi Avenir professionnel et fournira gratuitement un conseil aux actifs qui veulent développer un projet professionnel et, pour un PTP, leur assurera un accompagnement.
    C’est un dispositif très utile pour les salariés, pour retrouver du conseil. Il sera financé sur le 1 % versé par les entreprises. Il faut donc les informer de l’intérêt de ce droit, de façon à l’utiliser pleinement pour que ce conseil ne reste pas un droit théorique.





La loi « Avenir professionnel » : en formation professionnelle, une redistribution des rôles

La loi met fin aux formes du paritarisme antérieur, qui avait démarré il y a plus de 45 ans par la gestion financière mais qui s’était plus récemment ouvert au conseil aux entreprises et aux salariés (les OPCA, organismes paritaires collecteurs agréés). La loi impose un déplacement des rôles pour les partenaires sociaux comme pour les Régions.

  • Les Régions n’auront plus qu’un rôle limité pour l’apprentissage, alors qu’elles en étaient le décisionnaire principal. Et elles ont vigoureusement réagi. Cependant elles sont toujours responsables de la politique d’accès à la formation professionnelle des demandeurs d’emploi et de l’information sur l’offre de formation. Et, d’un autre côté, elles obtiennent la compétence d’information et d’orientation pour les jeunes sur la formation initiale et professionnelle, à la place de l’éducation nationale.
  • La gestion des flux financiers, leur répartition et la régulation du système sont confiées à France Compétences, institution créée de toutes pièces par la loi, à partir du 1er janvier prochain. Son organisation, renvoyée à un décret, est donc encore une inconnue. On sait que sa composition sera multiple, État, syndicats, organisations patronales, Régions et personnes qualifiées. Bien différent du paritarisme du FPSPP (Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels) et du Copanef (Comité paritaire interprofessionnel national pour l’emploi et la formation) qui devront fusionner dans France Compétences en même temps que le Cnefop (Conseil national de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles) et la Cncp (Commission nationale de la certification professionnelle) !
  • Les partenaires sociaux, s’ils perdent le paritarisme de gestion, auront plusieurs rôles importants à jouer paritairement, …et de façon autonome.
    • D’une part, ce sont les partenaires sociaux des branches professionnelles qui vont piloter l’apprentissage, dispositif phare de l’alternance dans la loi, afin de créer un véritable développement de l’apprentissage et répondre aux besoins des secteurs professionnels en termes de compétences et de leur localisation.
    • Également, ils auront la maîtrise de la politique emploi formation des TPE et PME par le conseil et une participation au financement d’un plan de développement de leurs compétences, celle du financement des contrats d’apprentissage et de professionnalisation, ils assureront un service de proximité, participeront aussi à la construction des certifications et seront un appui technique aux branches pour la GPEC : ce seront les OPCO (opérateurs de compétences), à partir du 1er janvier, regroupant plusieurs branches chacun, remplaçants des OPCA.
    • Les Crefop (comités régionaux de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles) continueront d’exister en Régions, pour la coordination des acteurs régionaux sur l’orientation, la formation professionnelle et l’emploi.
    • Sera créée en leur sein une commission paritaire interprofessionnelle régionale (CPIR), dotée de la personnalité morale, pour évaluer et prendre en charge les projets de transition professionnelle, en financer les frais pédagogiques et de VAE et rembourser les employeurs de la rémunération du salarié, grâce au financement versé par France Compétences. On reprend ainsi, de façon peu différente, les fonctions des actuels Fongecif. De plus, elles assureront le suivi de la mise en œuvre du CEP. Un enjeu sera qu’elles participent au diagnostic des besoins en compétences au croisement des logiques métiers et des approches territoriales.

En conclusion

Après une première lecture inquiète – justifiée - sur les changements induits par cette loi et la crainte d’une perte de fonction pour les acteurs sociaux, on peut voir que le visage de la mise en place de la loi dépendra beaucoup de l’implication des acteurs, partenaires sociaux et à commencer par les syndicats, dans les instances de gouvernance et par leur action pour faire exister vraiment les possibilités d’exercice, contenues dans cette loi, des droits réformés ou nouveaux au profit des salariés.


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