Des cérémonies marquées par des discours nouveaux
La première de l’année, le 30 avril, s’est déroulée à l’école d’agronomie (AgroParisTech) où un groupe de 8 nouveaux diplômés a expliqué ne pas vouloir participer à l’agro-industrie qui ruine la paysannerie et la terre, ne pas croire aux « labels bonne conscience », ni aux rapports RSE qui masquent des réalités peu glorieuses, se définissant comme des « bifurqueurs » qui ont trouvé d’autres voies (apiculture, agriculture vivrière, mouvements de protestation, implantation locale, dessin). Ils ont fini leur intervention en appelant leurs collègues à « déserter » les métiers et entreprises auxquels on les destinait pour chercher d’autres voies. Tout un discours de remise en cause des pratiques dominantes et de refus du monde actuel.
Il y avait déjà eu quelques antécédents (Polytechnique en 2015, Centrale Nantes en 2018…), mais qui étaient restés peu nombreux.
D’autres cérémonies à HEC, Polytechnique, Sciences Po, etc., ainsi qu’une tribune de Normale Sup, ont suivi ce printemps sur le chemin de déclarations fortes insistant sur l’urgence climatique, la volonté de boycotter les entreprises qui n’y sont pas sensibilisées et de rechercher les moyens d’agir pour une planète vraiment soutenable. En somme, la nécessité de s’engager professionnellement.
Faire avancer la transition écologique
Comment comprendre ces remises en cause venant d’étudiants passés par les écoles les plus prestigieuses et ayant devant eux la perspective de parcours professionnels confortables ? Ces jeunes s’interrogent sur les métiers auxquels on les destine et veulent sortir les métiers alternatifs de la marginalisation. Ils mettent en avant l’urgence climatique et ont changé de rapport à la réussite et à l’argent, mais aussi au travail et au temps.
Au-delà du rejet total exprimé par le petit groupe de nouveaux ingénieurs de l’Agro, les autres déclarations montrent surtout le développement parmi ces jeunes d’une éco-anxiété à laquelle ni les enseignements ni la plupart des pratiques des entreprises et administrations ne répondent et sur lesquels ils veulent agir. D’ailleurs la Conférence des grandes écoles a montré par une enquête que, sur les diplômés de 2021 qui ont commencé un travail concernant l’environnement, seuls 6 sur 10 pensent avoir acquis des compétences utiles pour l’exercer.
Aussi, la plupart ont créé des collectifs sur la transition écologique, en contact entre eux et qui ont déjà essaimé auprès des associations d’anciens élèves, les alumni, d’HEC, de l’Essec, d’Audencia, de Sciences Po, ou « Alumni for the planet » (3 500 membres), pour pousser à la transition, porter dans leurs écoles des propositions d’évolution des programmes et des pratiques. Leur objectif est aussi de changer les entreprises de l’intérieur en agissant dans le cadre de leurs missions professionnelles. D’ailleurs, dès 2018, un manifeste « Pour un réveil écologique » avait recueilli 30 000 signatures d’étudiants de 400 établissements d’enseignement supérieur en France.
On ne peut encore savoir quelle ampleur va prendre ce mouvement ni quel pourra être son impact sur les enjeux climatiques et sociaux. Il est sûr cependant que les entreprises recherchent en ce moment de nombreux jeunes diplômés, des jeunes ingénieurs pour faire face à leurs besoins de nouvelles compétences dans les domaines des transitions écologique, numérique, nécessaires pour rester dans le train des changements structurels qu’elles sont en train de vivre. Pour cela, il leur faut savoir attirer ces jeunes par une prise en compte de leurs préoccupations. Cela suffira-t-il ?
Ressources
- Vidéo du discours des 8 nouveaux diplômés d’AgroParisTech – 30 avril 2022 :
https://www.youtube.com/watch?v=SUOVOC2Kd50
- Vidéo d’Ann-Fleur Goll à HEC (en anglais) – 9 juin 2022 :
https://www.youtube.com/watch?v=BY7zclxtOLU
- Enquête insertion des jeunes diplômés 2022 de la Conférence des grandes écoles : le rebond après la crise – 15 juin 2022 :
https://www.cge.asso.fr/publications/enquete-insertion-cge-2022/