samedi 3 avril 2021
Le travail dissimulé est un sujet de première importance compte tenu de ses enjeux économiques, sociaux et fiscaux. Il a de forts impacts sur les finances publiques, dont celles des organismes de protection sociale, sur l’application du droit du travail, sur le respect de la concurrence loyale entre les acteurs économiques et sur la cohésion sociale.
Le groupe de travail du CNIS (conseil national de l’information statistique) présente sur « la mesure du travail dissimilé et ses impacts sur les finances publiques » 41 recommandations concernant les organismes chargés du recouvrement des cotisations et des impôts ou du versement des prestations. Il dresse une évaluation du travail dissimulé et ses impacts pour les finances publiques (juin 2019). Il met en évidence les champs pour lesquels les travaux sur la mesure de la fraude ne sont encore pas assez nombreux et il cible les priorités de travail :
Le HCFIPS (Haut Conseil du financement de la protection sociale) décide d’intégrer dans ses estimations, « le manque à gagner » pour les URSSAF, le chômage, du non-paiement des contributions « éludées » (c’est-à-dire non payées par les employeurs), que ce soit par les travailleurs indépendants, le travail au noir, les heures de travail non déclarées, l’omission du signalement d’une embauche… Pour l‘année 2019, le HCFIPS chiffre entre 5,7 milliards et 7,1 milliards le manque à gagner du « travail au noir » et de 250 millions pour les travailleurs indépendants.
Les Urssaf procèdent à des « redressements ». L’entreprise se voit sommée de régulariser sa situation, assortie d’une majoration. Les secteurs ayant fait l’objet de contrôles spécifiques sont à 21,3 % dans les cafés -restaurants et à 23,6 % dans le transport routier. Les taux sont plus faibles quand les manquements ont été décelés de façon aléatoire (6,2 %).
Pôle emploi va pouvoir bénéficier du « droit de communication » comme en bénéficient déjà les URSSAF et d’autres organismes de Sécurité Sociale. L’objectif est d’autoriser la transmission de renseignements émanant d’entreprises comme les établissements de crédits ou les fournisseurs d’énergie « sans que s’y oppose le secret professionnel, notamment bancaire » (loi Sécurité Sociale 2021).
L’inspection du travail ne peut contrôler les conditions de travail chez UBER, au motif qu’ils n’ont pas le statut de salariés, mais la justice a procédé à la saisie de trois millions d’euros sur le compte français de Deliveroo (la plate-forme britannique de livraison de repas), dans le cadre d’une enquête pour travail dissimulé. Cette saisie à titre conservatoire correspond à une partie des cotisations sociales que l’entreprise n’aurait pas acquittée (enquête administrative confiée à l’office central de lutte contre le travail illégal OCLTI).
Le Sénat dans son rapport « lutter contre la fraude, un impératif pour le juste droit » (2017) avait fait des propositions. L’informatisation des institutions permet d’accélérer leur réalisation :
Le Premier ministre a confié une mission à la Cour des Comptes sur la fraude fiscale, dont les travaux feront l’objet de nouveaux approfondissements du HCFIPS. Plusieurs sujets doivent être abordés : l’impact du travail dissimulé sur les prestations, la question du travail à domicile et celle des plateformes numériques. Un point sur l’actualité du travail détaché, tant dans son évolution des règles applicables au niveau européen (travail et sécurité sociale, les négociations ayant échoué lors de la dernière législature en matière de sécurité sociale), que dans la mise en œuvre de coopérations bilatérales dans l’organisation interne française.
Références :