Une concertation a été engagée afin d’orienter une réforme ambitieuse visant, selon le président de la République, à ouvrir « un nouvel acte de décentralisation adapté à chaque territoire… en changeant la démocratie et l’administration », sans remettre en cause les équilibres institutionnels. L’objectif porté par le gouvernement a été mené aux fins d’adoption par le parlement de règles « simplifiant l’action locale notamment en différenciant les solutions, rapprochant l’État du terrain, levant les freins inutiles et facilitant le quotidien des collectivités et de leurs élus » (déclarations de Jacqueline Gourault, jusque-là ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoires).
Dans un cadre souvent rigide et uniforme à assouplir, retenons que la Différenciation permet au territoire d’adapter l’organisation de son projet global à ses spécificités, la Décentralisation renforce la responsabilité des collectivités territoriales, les services de l’État sont confortés par la Déconcentration, alors que la Décomplexification traduit au concret des mesures de simplification de l’action publique. Ainsi, les propositions débattues visaient à donner aux élus de nouvelles capacités d’agir, à élargir le cadre de la participation citoyenne et à inscrire dans la loi une possibilité d’adaptation des collectivités.
La décentralisation est un processus d’aménagement de l’État unitaire consistant à transférer des compétences administratives relatives à la politique de l’État vers des entités (ou des collectivités) locales qui lui sont distinctes et ses principaux objectifs sont d’assurer une meilleure prestation de services par le secteur public.
On distingue un double processus, les décentralisations territoriale et fonctionnelle, cette dernière commençant avec la création des départements puis a été relancée par les lois votées en 1982 et elle s’est faite en trois actes ponctués de lois majeures qu’il convient de rappeler ci-après.
- L’acte I : Loi du 2 mars 1982 érige les droits et libertés des communes, des départements et introduit d’importantes modifications dans l’organisation territoriale du pays, à savoir pour l’essentiel l’institution d’une présidence du conseil général - exécutif du département à la place du préfet -, la création d’une juridiction financière - Chambre régionale des comptes - et la transformation de la région en collectivité territoriale à part entière - Conseil régional élu au suffrage universel -. Un second élan est donné à la décentralisation (lois du 4 février 1995 puis du 12 juillet 1999) sur la coopération intercommunale, la démocratie locale et la déconcentration.
- L’acte II : Loi du 28 mars 2003, constitutionnelle, adoptée par voie du Congrès, actualise le cadre juridique hérité du texte constitutionnel de 1958 et pose de nouveaux principes se rapportant à l’organisation décentralisée de la République et adoptant un important transfert de compétences nouvelles au profit des collectivités territoriales.
- L’acte III : Loi du 16 décembre 2010 adopte des transferts de compétences de l’État vers les collectivités territoriales, recherchant à simplifier le cadre institutionnel local, un renforcement de la démocratie locale et une adaptation des structures à la diversité des territoires. Par ailleurs, sont intégrées la forte contrainte de maîtrise des finances publiques et la réforme des collectivités territoriales (finalisation de la carte intercommunale et démocratisation des intercommunalités, effectives lors des élections municipales de 2014). Se mettent en place d’importantes évolutions en termes de mutualisation, des mécanismes de péréquation entre territoires et de répartition des dotations de l’État versées aux collectivités territoriales.
Pour conclure ce rappel des textes, rappelons que la décentralisation accélère la marche des services publics, déchargeant le pouvoir central d’un système trop centralisé, et favorise la mise en œuvre d’initiatives locales, utilisant les savoir-faire et intelligence d’un territoire. Les élus locaux désignés au suffrage universel dirigent les collectivités locales, ne rendent compte de leur mandat qu’aux citoyens qui les ont élus, sans lien hiérarchique avec l’autorité centrale, contrairement à la déconcentration.
La déconcentration : le décret du 1er juillet 1992, portant la première charte sur le sujet, affirme la compétence de droit commun des services déconcentrés de l’État et clarifie le rôle dévolu à chaque échelon territorial. La loi 3DS qui vient d’être publiée précise, pour rapprocher l’État du terrain, des dispositions permettant la mise en œuvre d’une logique d’appui et de contractualisation avec les collectivités territoriales, en garantissant une bonne articulation avec l’action d’autres services de l’État.
La différenciation : introduction dans la loi pour les collectivités locales d’une double possibilité, d’une part, différenciation des compétences permettant que la loi puisse « prévoir que certaines collectivités territoriales exercent des compétences, en nombre limité, dont ne disposent pas l’ensemble des collectivités de la même catégorie », d’autre part différenciation des normes applicables, autorisant les collectivités territoriales ou leurs groupements à pouvoir « déroger, pour un objet limité, aux dispositions législatives ou réglementaires qui régissent l’exercice de leurs compétences, éventuellement après une expérimentation autorisée dans les mêmes conditions ».
La loi 3DS, pour s’adapter aux réalités du terrain, réaffirme la capacité d’adaptation de l’action des collectivités locales aux particularités de leur territoire. Elles auront, par exemple, plus de latitude pour fixer localement la réglementation des compétences qu’elles exercent.
La simplification ou décomplexification [1] de l’action publique locale, doit simplifier les rapports des collectivités territoriales et des établissements de l’État avec les citoyens. Afin, par exemple, d’éviter aux usagers de redonner plusieurs fois les mêmes informations, les différentes administrations pourront s’échanger plus facilement les données utiles dans un cadre transparent. La loi 3DS offre aux collectivités des nouveaux leviers pour faire face aux défis sociaux, environnementaux et économiques auxquels elles sont confrontées, valorisant la diversité des initiatives territoriales. En prélude à la promulgation de cette loi, une loi organique relative à la simplification des expérimentations a été mise en œuvre le 19 avril 2021 qui visait à favoriser la procédure d’accès et le recours aux expérimentations par les collectivités locales, introduisant la possibilité de pérenniser une expérimentation dans tout ou partie seulement des collectivités qui l’ont initiée, ou dans de nouvelles collectivités, « dans le respect du principe constitutionnel d’égalité » . Accompagnant les collectivités sur des dérogations aux normes, « un guichet » est créé par le gouvernement.
Un second texte permettra de préciser le rôle respectif de chacune des collectivités, au travers d’exemples concrets.