Que se passe-t-il en ce début de l’année ?
Environ 1,2 million de personnes supplémentaires vont être inscrites à France Travail dès janvier 2025 (allocataires du RSA et jeunes en recherche d’emploi suivis au sein des missions locales).
La loi Plein emploi du 18 décembre 2023 prévoit une réforme du service public de l’emploi et de l’accompagnement des chômeurs, en particulier les allocataires du RSA. Certaines mesures sont déjà entrées en vigueur, à commencer par la transformation de Pôle emploi en France Travail, mais le plus gros reste à venir pour l’année 2025.
Un courrier pour informer de l’inscription
Le premier changement de taille concerne l’inscription de tous les demandeurs d’emploi auprès de France Travail. Les allocataires du RSA sont les premiers visés (conjoints inclus) puisqu’ils n’étaient que 40 % environ à être enregistrés auprès de Pôle emploi. La mesure inclut également les jeunes accompagnés vers l’emploi en mission locale, c’est-à-dire les jeunes en CEJ (contrat d’engagement jeunes) et en Pacea (parcours contractualisé d’accompagnement vers l’emploi et l’autonomie). Les personnes concernées n’ont rien à faire, elles seront informées par courrier de leur inscription. Les CAF et missions locales ont déjà commencé à informer leurs usagers. France Travail a en outre mis en place un numéro vert dédié.
L’accès aux espaces personnels
L’inscription permettra à tous les nouveaux inscrits d’avoir accès aux services de l’opérateur, des formations, des ateliers, des outils numériques sans que ne soient interrompus leur accompagnement en cours ou le versement des allocations qu’elles peuvent recevoir.
Des points d’étape sont prévus pour ajuster l’accompagnement. Par exemple, pour un jeune suivi en mission locale via un CEJ, il sera informé par courrier de son inscription à France Travail, l’interlocuteur reste le conseiller de mission locale. À l’issue de ce parcours, si la personne n’a pas retrouvé d’emploi ou de formation, il lui sera proposé un nouvel accompagnement, c’est ce que prévoit la loi.
L’objectif d’une orientation plus rapide
Pour les nouveaux inscrits, la procédure se déroulera au fil de l’eau. Une personne qui demande le RSA s’inscrira sur le site de la CAF et sera ainsi automatiquement inscrite à France Travail, via une transmission d’information. Au-delà de l’inscription, la loi prévoit un parcours codifié avec une orientation, en fonction des critères définis en CNE (Comité national pour l’emploi).
L’ambition affichée est celle d’une orientation plus rapide vers le référent. Actuellement, il peut s’écouler plusieurs mois entre l’inscription au RSA et la rencontre avec le conseiller ou travailleur social chargé de l’accompagnement.
Des heures d’activité critiquées
Ces heures d’activité ont été le point de la loi le plus débattu, la gauche y était opposée, le gouvernement de Gabriel Attal y était attaché mais ne soutenait pas l’inscription de la mesure dans un texte de loi. Pour permettre son adoption, un compromis fut trouvé avec les voix de la droite parlementaire, fixant une durée hebdomadaire d’au moins 15 heures.
La loi prévoit toutefois des cas où ce total peut être moindre, voire nul. Par exemple pour les parents sans solution de garde. Les activités concernées sont celles qui peuvent concourir à l’insertion : préparation de CV, actes de candidature, formation, démarches d’accès au droit, immersion…
Si le débat a beaucoup porté sur les allocataires du RSA, la loi retient que l’ensemble des demandeurs d’emploi sont concernés.

Deux critiques principales sont adressées à ces heures. Certains opposants à la réforme craignent un glissement vers du travail gratuit, par exemple lors de PMSMP (période de mise en situation professionnelle) mal contrôlée où des demandeurs d’emploi se trouveraient à effectuer des heures non rémunérées.
La seconde critique porte sur le risque de changement de régime de l’allocation qui deviendrait un RSA sous conditions.
- Pour la CNCDH (Commission nationale consultative des droits de l’homme) conditionner le RSA à des heures d’activité porte atteinte aux droits humains ;
Dans une déclaration publiée le 8 janvier elle juge que« L’accompagnement rénové des allocataires du RSA tel qu’issu de la loi Plein emploi fait courir plusieurs risques aux droits des personnes ». Elle fustige particulièrement le fait de conditionner le bénéfice du minima social à 15 heures d’activité par semaine et parle d’une « relégation inacceptable des droits humains derrière les priorités économiques ».
- Notons également le point de vue du Cese (Conseil économique, social et environnemental), dont des membres de la commission saisis en question d’actualité, ont manifesté leurs inquiétudes (nº 19174 du 29 nov. 2024),
« du glissement qui s’opère d’une politique qui relevait de la solidarité nationale vers des politiques dites d’activation, qui rendent responsables les personnes de leur situation de précarité ».
D’ajouter que faire reposer la lutte contre les exclusions et la grande pauvreté exclusivement sur un retour en emploi n’est pas la solution et fragiliserait la cohésion sociale ». Elle rappelle à ce titre que cette lutte doit aussi passer par une revalorisation des prestations sociales et de solidarité.
Pour conclure provisoirement sur cette controverse, la DGEFP soutient que les 15 heures ne sont pas une condition à l’octroi de l’allocation. La sanction ne tombe pas immédiatement si ces heures ne sont pas respectées. Ce qui est discuté, entre le conseiller et la personne, c’est le respect du contrat d’engagement dans son ensemble. À l’aune de la discussion, une sanction peut être décidée, nuance cette dernière.
Autrement dit, une personne ne sera pas sanctionnée directement si elle n’effectue pas ces heures. Mais si, après une discussion, son conseiller considère que le contrat n’est pas rempli, en se basant sur les heures et sur d’autres éléments, alors il pourra y avoir une sanction.
Décret attendu sur les sanctions
La loi Plein emploi implique un nouveau décret sur les sanctions, qui n’est pas encore publié. Les nouvelles dispositions seront en vigueur au prochain semestre, selon la DGEFP, pour séquencer dans le temps.
Dans l’attente, le cadre de droits et devoirs reste le même que celui qui s’applique actuellement. La loi donne naissance à une nouvelle sanction pour les allocataires du RSA, avec la création de la « sanction remobilisation », qui est pensée pour être réversible.
Pour la DGCS (Direction générale de la cohésion sociale) cette sanction peut être temporaire si la personne ne respecte pas ses engagements puis revient à un accompagnement actif, les sanctions pour les allocataires restent néanmoins de la responsabilité du conseil départemental.
Avec quels moyens ?
S’agissant de la généralisation, la question principale posée est celle des moyens humains et financiers. Pour les syndicats, l’opérateur ne pourra pas mettre en œuvre correctement cet accompagnement avec les effectifs qui sont les siens aujourd’hui, soit près de 55 000 personnes. France Travaii se veut pragmatique, en précisant que le volume d’accompagnement intensif que l’opérateur pourra proposer dépendra des réalités terrain et de sa capacité à le mettre en œuvre.
En conclusion
Si la loi Plein Emploi porte pour ambition la réussite de la généralisation de l’accompagnement des allocataires du RSA orientés vers France Travail, il est bien difficile de dire aujourd’hui s’ils seront plus nombreux et mieux accompagnés à retrouver le chemin de l’emploi ? L’opérateur se montre prudent, tout en constatant que, dans les expérimentations, la tendance est d’avoir davantage de personnes dans les dynamiques d’emploi.
Il reste une inconnue de taille, celle d’une conjoncture économique qui n’est pas bien orientée, avec pour conséquences des tensions qui se font jour sur l’emploi, avec l’apparition de nombreux plan sociaux, qui pourraient contrarier une réforme ambitieuse.
Référence
- CNCDH, déclaration D-2024-7, 19 déc. 2024, JO 8 janv. 2025
https://www.cncdh.fr/publications/declaration-sur-lobligation-dheures-dactivite-en-contrepartie-du-rsa