Dans un contexte de chômage de masse qui touchait les salariés les moins qualifiés, la politique de réduction des cotisations patronales ciblée sur les bas salaires mise en place dans les années 1990 a eu un impact positif sur les embauches. Le système d’allégement de charges patronales de droit commun est aujourd’hui constitué de deux types de dispositifs :
- La réduction générale des cotisations et contribution sociales, ex. « réduction Fillon », qui s’applique de manière progressive jusqu’à 1,6 Smic.
- Les réductions des cotisations maladie et d’allocations familiales permettent une diminution de respectivement de 6 et 1,8 points des cotisations pour les rémunérations, respectivement, à 2,5 et à 3,5 Smic.
- En 2012, avec le crédit impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) et le pacte de responsabilité, les exonérations ont été étendues, réduisant les cotisations patronales à presque zéro pour les emplois au Smic et étendant les allégements jusqu’à 3,5 fois le Smic.
- Sans oublier le crédit d’impôt (prime pour l’emploi), le RSA activité en 2008, le tout remplacé par la prime d’activité renforcée en 2019.
Conséquences : les allègements de cotisations sociales prennent la forme d’« un toboggan », suivi de deux marches d’escalier. Le salaire brut d’un individu payé au Smic est exonéré à hauteur de 40 %. Ce taux descend progressivement jusqu’à 1,6 Smic :
- Il en résulte une « surconcentration » croissante des emplois dans la fourchette allant de 1 à 1,6 Smic, soit précisément là où les allègements de charges sont les plus généreux et où le coût d’une augmentation salariale est le plus élevé pour un employeur, générant de réelles « trappes à bas salaires ».
Les réductions d’allègements de cotisations sociales représentent un manque à gagner pour les finances publiques (75 milliards d’euros en 2023) soit 2,7 points de produit intérieur brut (PIB), alors qu’il était inférieur à 0,5 % du PIB en 1993 :
- Le système qui s’est progressivement mis en place en France depuis trois décennies a abouti à ce que le taux de cotisations qui pèse sur un Smic ne soit plus que de 6,9 % contre 45 % en 1993.
À l’automne 2023, suite à la demande de la Première ministre de trouver une articulation entre salaires, coût du travail et prime d’activité, le rapport des économistes A.Bozio et E.Wasmer propose de lisser la pente des exonérations de cotisations, c’est-à-dire de supprimer les marches de l’escalier du toboggan. Ils suggèrent aussi de changer le point de départ et le point d’arrivée.
Le rapport propose de créer un système d’allègements de cotisations sociales employeur, dégressif et unique, applicable pour les rémunérations inférieures à 2,5 Smic, de « recréer un système avec un allègement unique », pour éviter les effets de seuils :
- Une baisse de 4,05 points de l’exonération au niveau Smic (correspondant au taux de la contribution patronale d’assurance chômage), l’écart avec le barème actuel diminuant ensuite linéairement jusqu’à s’annuler au seuil de 1,2 Smic.
- Une exonération plus forte entre 1,2 et 1,9 Smic, les cotisations employeur diminuant jusqu’à 5,5 points à 1,6 Smic, soit au niveau du salaire médian.
- Une augmentation du coût du travail au-delà de 1,9 Smic jusqu’ 3,5 Smic, avec une hausse maximale de 7,8 points à 2,5 Smic, qui représenterait le point de sortie du nouveau dispositif.
Quel serait l’impact d’une telle mesure ? S’agissant des salariés rémunérés jusqu’à 1,9 Smic, le coût employeur pour augmenter le salaire net de 100 euros diminuerait de 242 à 215 euros, soit 12 % de baisse.
- Au-delà de 1,9 Smic, ce coût augmenterait jusqu’à 2,5 Smic en supprimant ainsi l’effet de seuil.
- Cette mesure favoriserait la dynamique salariale. Elle apporterait « entre 2,7 et 5,5 milliards d’euros supplémentaires en termes de masse salariale grâce aux augmentations de productivité et d’efforts d’une pente plus faible des exonérations ».
- De plus, les effets sur l’emploi seraient modestes mais positifs, de l’ordre de 10 000 à 20 000 ETP (équivalents temps plein).
Par ailleurs, un « barème d’exonération renforcée » pourrait compléter ce barème général : les auteurs proposent une variante au scénario central en privilégiant l’emploi de publics plus sensibles comme les « jeunes de moins de 26 ans » :
- Ceux-ci conserveraient, en dessous de 1,2 Smic, le barème d’exonération actuel, plus avantageux pour l’employeur.
- Au-delà, les exonérations seraient identiques aux 26 ans et plus et les exonérations prendraient en revanche fin dès 2,45 Smic pour compenser le coût budgétaire de la mesure.
On pourrait revoir l’indexation du barème d’allègement : en période d’inflation élevée, le Smic augmente plus vite que le reste des salaires, ce qui augmente fortement le coût des exonérations de charge pour les finances publiques. Deux options sont envisagées :
- Un barème exprimé en euros, ce qui permettrait de le faire évoluer chaque année.
- Un barème en fonction du salaire moyen ou du plafond de la sécurité sociale, qui serait automatique mais moins sensible que le Smic pour les finances publiques.
Le projet de loi de depuis le 28 octobre 2024. Pour lutter contre le « Smic à vie », le projet de loi prévoit une refonte progressive des allègements de cotisations patronales sur les bas salaires. Il permettrait d’intensifier les allègements sur les niveaux de rémunération compris entre 1,3 et 1,9 Smic.
Références
- Rapport Bozio-Wasmer :
https://dares.travail-emploi.gouv.fr/publication/les-politiques-dexonerations-de-cotisations-sociales-une-inflexion-necessaire
- Projet de financement de la sécurité sociale PLFSS :
https://www.economie.gouv.fr/actualites/presentation-du-projet-de-loi-de-finances-pour-2025-et-du-projet-de-loi-de-financement
- Retrouver dans les Clés du social
https://www.clesdusocial.com/les-allegements-de-cotisations-sociales-trappes-a-bas-salaires