Une question posée de longue date
En effet, les États ont tous des professions dont l’accès est réglementé, c’est-à dire exigeant tel diplôme du pays. Certains pays en règlementent beaucoup, telle la Hongrie (415), d’autres beaucoup moins : la Lituanie n’en a que 88. La moyenne de l’UE est de 212, et la France est à 254.
Dès les débuts de l’Union européenne, la question de la reconnaissance des qualifications professionnelles s’est posée. La réponse fut d’abord très partielle par un petit nombre de directives sectorielles concernant quelques professions, leur reconnaissance étant basée sur l’expérience professionnelle. 7 directives en 20 ans ! Le processus était donc très limité et très lent.
Aussi une nouvelle directive a été adoptée le 31 décembre 1988 créant un système général de reconnaissance des diplômes demandant une formation de 3 ans minimum. Cela concernait essentiellement la licence et au-delà. Une deuxième, le 18 juin 1992, étendit la reconnaissance aux autres formations professionnelles. Mais souvent les États mirent des conditions rédhibitoires à cette reconnaissance, ne considérant pas les formations des autres pays comme équivalentes.
Le système actuel de reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles
Une directive du 7 septembre 2005 est venue remplacer tous les dispositifs antérieurs et concerne tous les travailleurs qualifiés, pour les qualifications obtenues dans les pays de l’UE, l’Islande, la Norvège et le Lichtenstein, dont les professions réglementées. Et comme l’usage ne décollait pas, une révision de 2013 a cherché à faciliter et développer l’usage du système de reconnaissance mutuelle par la création de la carte professionnelle européenne.
Le bilan actuel
C’est la Cour des comptes européenne qui vient de faire le point sur la mise en application du système de reconnaissance des qualifications. Et son bilan n’est pas tendre ! Car l’usage du système reste limité et finalement seuls 6 % des travailleurs qui exercent dans un autre pays ont eu besoin de passer par le système de reconnaissance mutuelle ; les plus gros utilisateurs, autour de 25 000 chacun, étant les infirmiers, les enseignants du secondaire et les médecins.
D’autre part la transposition dans certains États laisse à désirer, et les entraves maintenues concernent surtout les professions à accès réglementé, qui restent nombreuses dans les pays membres.
Des difficultés concrètes subsistent également : manque de procédures électroniques, frais élevés parfois, peu d’usage de la carte professionnelle européenne, nombre excessif de documents demandés et de contrôles.
En conclusion
Entre la volonté européenne et sa mise en œuvre, on voit qu’il y a encore une grande marge. On peut exercer une profession réglementée dans un autre pays mais le chemin peut être difficile pour le réaliser. Ce qui fait conclure à la Cour des comptes européenne que
« la reconnaissance des qualifications professionnelles dans l’UE constitue un mécanisme essentiel à l’exercice du droit de pratiquer une profession dans un autre État membre, mais qu’il est utilisé de manière sporadique et incohérente ».
Sources
- Directive européenne du 7 septembre 2005 :
https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:02005L0036-20240620
- Carte professionnelle européenne :
https://europa.eu/youreurope/citizens/work/professional-qualifications/european-professional-card/index_fr.htm
- Cour des comptes européenne – Rapport 10/2024 – La reconnaissance des qualifications professionnelles dans l’Union européenne- Un mécanisme essentiel, mais utilisé de façon sporadique et incohérente :
https://www.eca.europa.eu/fr/publications/SR-2024-10