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Les clés du social : La fin du droit de grève ?

La fin du droit de grève ?

Publié le 29 octobre 2016 / Temps de lecture estimé : 2 mn

C’est tout au moins l’interrogation qui est posée dans une étude internationale auprès de syndicats ou d’experts en droit social de 69 pays. Ce travail a été réalisée par Edlira Xhafa [1]et publiée par la Friedrich-Ebert-Stiftung, un organisme social-démocrate allemand. Cette étude a particulièrement porté sur les évolutions de ces cinq dernières années à la suite des tentatives de remise en cause du droit international à l’OIT par les employeurs en 2012. L’objectif était d’identifier des niveaux de violations dans les pratiques et les cadres légaux allant au-delà des limites fixées par l’OIT.

Dans les 21 nouveaux pays qui ont apporté de telles restrictions au cours de ces cinq dernières années, on peut trouver quelques pays africains, d’Asie ou d’Amérique du Sud mais aussi quelques grands pays tels que l’Argentine, l’Australie, la Belgique, le Canada, ou d’Europe l’Espagne, l’Estonie, l’Italie et la Turquie.

Les raisons invoquées par les États ou les employeurs sont l’ordre et la sécurité publique, la menace terroriste, l’intérêt national ou la crise économique. Au-delà des législations et jurisprudences, l’exercice effectif du droit de grève serait mis à mal par la précarité de l’emploi, les licenciements abusifs ou encore le recours aux travailleurs remplaçant les grévistes.

Le rapport met en avant cinq types d’actions ou de pressions qui portent atteinte au droit de grève :

1/ L’exclusion légale de catégories de travailleurs du droit de grève. Ainsi, peuvent se voir interdits du droit de grève des travailleurs des services publics (services jugés essentiels, fonctionnaires) ou dans des implantations stratégiques. On assiste aussi au développement des violations abusives selon l’OIT de la détermination du service minimum.

2/ L’exigence de conditions abusives pour appliquer le droit de grève. Les procédures inscrites dans certains pays sont devenues complexes et longues notamment celles qui concernent de vote de la grève. Cela se traduit concrètement par des renoncements au recours à la grève soit à des grèves jugées illégales.

3/ Les suspensions d’une grève ou les déclarations d’illégalité par les pouvoirs publics.

4/ Les sanctions abusives contre les grévistes ou les organisations syndicales.

5/ Les discours publics favorables aux restrictions invoquant la compétitivité, l’accès au marché ou la crise financière.

Si les tentatives d’atteintes au droit de grève ne sont pas nouvelles, le rapport souligne qu’aujourd’hui il est devenu un « droit précaire ». Elles ont tendance à toucher de plus en plus de pays au point d’en faire un droit virtuellement impossible à utiliser. Il faut, par ailleurs, resituer cette évolution dans le cadre plus vaste d’une tendance sécuritaire se traduisant par une certaine remise en cause des droits fondamentaux.

En conclusion le rapport craint que ces évolutions n’affaiblissent la jurisprudence « OIT » et menacent « de priver les travailleurs du peu d’instruments dont ils disposent pour faire face aux violations du droit international ».

S’il est permis de prendre quelques distances avec la tonalité quelque peu catastrophiste de ce rapport, il n’en reste pas moins qu’il met l’accent sur une tendance à la remise en cause du droit de grève, qui, s’il est loin d’être le seul, reste un moyen pour les travailleurs de faire entendre leur voix.


Source


[1Chercheuse spécialisée dans la question du travail, diplômée de la Global Labour University (Allemagne) et doctoresse en études sociales à l‘université de Milan.