Les données à connaitre
Le 23 juin 2016, les Britanniques décident par référendum de quitter l’Union européenne. Quatre ans plus tard, soit le 31 janvier 2020, le pays quitte officiellement l’UE. Mais ce n’est que le 31 décembre 2020 que l’essentiel des changements a eu lieu, avec la sortie du pays de l’union douanière et du marché unique. Un accord de commerce et de coopération a ensuite fixé le cadre des nouvelles relations à partir du 1er janvier 2021.
À la veille du Brexit en 2019, le Royaume-Uni était le sixième client de la France, absorbant 6,8 % des exportations françaises de marchandises (34,4 Md€) et son huitième fournisseur, avec 3,7 % des importations françaises (21,8 Md€). Il était également son deuxième marché en matière de services juste derrière les États-Unis.
Les conséquences du rétablissement de la frontière
La fin de la libre circulation des biens, des personnes, des services et des capitaux a mis les administrations de la frontière et les opérateurs face à un véritable défi organisationnel. Certaines administrations ont innové, comme la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI), avec la mise en place d’une « frontière intelligente », un dispositif permettant de fluidifier les contrôles à la frontière.
Pour faciliter ces contrôles, les administrations ont sensibilisé les gestionnaires d’infrastructures et opérateurs économiques afin qu’ils investissent pour améliorer la fluidité des échanges. Estimés à plus de 80 M€, ces investissements ont consisté notamment en la création de parkings et de zones de contrôle des flux.
Pour la Cour, des progrès sont encore nécessaires comme l’obligation de regrouper les déclarations au sein d’un code barre unique, afin de faciliter les contrôles des multi-chargements, et l’ouverture d’un accès à ces données aux agents du service d’inspection vétérinaire et phytosanitaire. Elle préconise aussi le partage des données avec l’ensemble des acteurs publics et privés.
Quel coût pour les entreprises françaises ?
Pour la Cour des comptes l’impact est très visible sur les petits opérateurs et les opérations de faibles montants. Au total, la Cour des comptes constate que « l’excédent français du solde des échanges de marchandises s’est considérablement réduit (de 12,7 milliards d’euros en 2019 à 5,6 milliards – 9,9 milliards hors énergie) ». De plus, les crédits initialement envisagés pour les mesures de soutien aux entreprises sont très largement sous-utilisés du côté français alors que d’autres États membres comme l’Irlande, la Belgique ou les Pays-Bas profitent de ces ressources. La France n’envisage d’utiliser que 31,5 % de l’enveloppe négociée avec l’Union européenne.
En sens inverse, le Brexit a fourni l’opportunité d’accueillir de nouveaux investissements, notamment dans le secteur financier. Des effets réels mais limités car le nombre d’emplois créés est estimé à au moins 2 800.
Les citoyens sont aussi touchés
Le Brexit n’a pas seulement impacté les entreprises françaises et malgré les garanties contenues dans l’accord de retrait, le renouvellement des communautés française au Royaume-Uni et britannique en France connaît un net ralentissement. Certaines catégories souffrent plus que d’autres : les étudiants, les stagiaires, les volontaires internationaux en entreprise et les touristes subissent certaines difficultés. À titre d’exemple, les frais d’inscription des étudiants français dans des universités britanniques ne sont plus préférentiels. Ils sont alignés sur ceux des étudiants internationaux non-européens qui varient entre 13 000 et 16 000 livres sterling par an.
Pour les Français qui souhaitent aller travailler au Royaume-Uni, ils doivent des coûts de visa prohibitifs. En effet, un travailleur doit débourser 6 590 euros à son entrée au Royaume-Uni.
Plus de conséquences pour la France que les autres pays de l’UE
La Cour estime entre 8 000 et 9 000 la baisse du nombre d’entreprises exportatrices vers le Royaume-Uni entre 2018 et 2021. Les exportations de marchandises stagnent en euro courant, soit un recul de 7,6 % en euro constant hors énergie (2022 par rapport à 2019) et sur la même période, les importations depuis le Royaume-Uni ont, elles, connu une forte progression (+43,6 % sur la même période, 10,1 % hors énergie).
En conclusion la Cour estime que la mise en œuvre du Brexit est inachevée et qu’une vigilance est nécessaire sur les dynamiques de divergence règlementaire car le Royaume-Uni n’a pas encore mis en place l’ensemble des contrôles consécutifs au rétablissement de la frontière. D’autres volets demeurent en suspens comme les clauses de révision inscrites dans l’accord de commerce et de coopération, en matière de pêche et d’énergie notamment, qui devront être rediscutées d’ici 2026. Enfin, le protocole sur l’Irlande du Nord s’est traduit dès 2021 par de grandes difficultés et d’absence de volonté d’application, différant l’engagement de nouvelles coopérations. Elles deviennent envisageables depuis l’accord de Windsor de février 2023 qui assouplit certaines dispositions du protocole.
Enfin, le projet britannique d’introduire des clauses d’extinction automatique des lois européennes encore incorporées dans le corpus législatif national alerte la Cour. Elle plaide donc pour une veille active sur l’évolution réglementaire pour mieux identifier les effets de moyen terme du Brexit sur les principales politiques publiques et les priorités d’action de la France dans les instances européennes.
Source