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Les clés du social : Nouvelle directive européenne sur le devoir de vigilance des entreprises

Nouvelle directive européenne sur le devoir de vigilance des entreprises

Publié le 1er juin 2024 / Temps de lecture estimé : 3 mn

De nombreux éléments inacceptables dans la production de biens délocalisée dans les pays en développement (Rana Plaza, etc.) ou en Chine (Ouïgours) par de grandes entreprises européennes ont mis en évidence l’exploitation de nombreux travailleurs de ces pays, allant jusqu’à des conditions inhumaines, au profit de nos modes de consommation de biens multiples, à bas prix. Ces scandales ont amené une prise de conscience progressive de leur impact sur les droits humains et l’environnement, notamment lors de la consultation des citoyens européens sur l’avenir de l’Europe, avec la demande d’une plus grande éthique et d’une croissance durable. À partir d’une proposition de texte de la Commission européenne il y a 2 ans, et de débats bien difficiles, la directive vient d’être approuvée, et par le Parlement et par le Conseil européen.

Le contenu de la directive

La directive sur « le "devoir de diligence" (vigilance en anglais) exige des entreprises et de leurs partenaires en amont et en aval de prévenir, de stopper ou d’atténuer leur impact négatif sur les droits humains et l’environnement, y compris aux niveaux de l’approvisionnement, de la production et de la distribution. Cela inclut l’esclavage, le travail des enfants, l’exploitation par le travail, l’érosion de la biodiversité, la pollution ou la destruction du patrimoine naturel » (Parlement européen). Le but est de responsabiliser les entreprises pour une économie plus verte et une plus grande justice sociale.

Elle vise les entreprises de l’Union européenne et les filiales européennes des entreprises non européennes dès qu’elles dépassent 1 000 salariés et 450 millions € de chiffre d’affaires. Le devoir de vigilance s’étend à tout la chaine d’activités, de la production de biens et de services en amont à la distribution, au transport et à l’entreposage en aval. Les entreprises doivent « surveiller, prévenir, stopper ou au moins atténuer leurs impacts négatifs sur les droits humains et l’environnement » (Conseil européen).

Les États membres devront informer les entreprises concernées, désigner une autorité de surveillance, enquêter et imposer des sanctions aux entreprises qui ne respectent pas leurs obligations, avec des amendes pouvant aller jusqu’à 5 % de leur chiffre d’affaires mondial. Et elles devront indemniser totalement les victimes de ce manque de vigilance.

La mise en application

La directive entre en vigueur le 20ème jour après sa publication, qui sera faite prochainement. Et les États membres ont 2 ans pour la transposer.

D’autre part, la directive prévoit une application progressive selon la taille des entreprises :

  • 3 ans après son entrée en vigueur pour les entreprises de plus de 5 000 personnes et d’un chiffre d’affaires de plus de 1,5 milliard €.
  • 4 ans pour celles de plus de 3 000 salariés et de plus de 900 millions € de CA.
  • 5 ans pour celles de plus de 1 000 salariés et de plus de 450 millions €.

Une directive disputée

À partir de la proposition de la Commission, en février 2022, très vite la controverse s’est développée. Elle venait d’un certain nombre d’États membres de l’UE, dont l’Allemagne (le parti libéral en désaccord dans la coalition gouvernementale). Très vite les entreprises et leurs organisations ont réagi et montré une forte hostilité à cette perspective. Les débats au sein des institutions européennes (Commission, Parlement, Conseil) ont malgré tout abouti à un compromis en décembre 2023. Mais l’hostilité persistait et rendait improbable un vote suffisamment positif au Conseil européen (nécessité de 15 pays représentant 65 % des citoyens). Donc les négociations ont repris entre les 3 acteurs institutionnels et moyennant le relèvement des seuils (passer de 500, que souhaitait le Parlement, à 1 000 salariés et de 150 millions de CA à 450 millions), un nouveau compromis a été trouvé en mars. Le Parlement européen a voté largement le texte, le Conseil européen de façon beaucoup plus juste (17 pays pour, 10 abstentions).

Une économie plus éthique, respectueuse des droits humains et protégeant les droits humains est considérée comme une exigence couteuse par un grand nombre. Mais il faut bien voir que, malgré les débats et les actions de frein, l’Union européenne a réussi à conclure ce dossier positivement, engageant un progrès vers le développement durable, tant au point de vue humain qu’environnemental.



Ce texte renforce les obligations par rapport à la loi française de devoir de vigilance de 2017, précurseure sur cette question [1] , mais qui ne s’adresse qu’aux entreprises de 5 000 salariés, ne comporte pas de sanctions par des amendes. La France va donc avoir à produire ce travail de transposition et elle aussi renforcer les mesures d’obligation de vigilance des entreprises dans les 2 ans.


Sources