mercredi 18 janvier 2023
Notre système de retraites par répartition, créé à la libération, est percuté depuis plusieurs décennies par des évolutions démographiques, économiques, sociales et sociétales. Pour réduire son déficit, plusieurs réformes plus ou moins justes ont joué sur 3 paramètres : âge, cotisations, niveau de pension. Le système s’est complexifié sans changer de modèle avec le refus de la retraite à points ou de la retraite par capitalisation. Début 2023, le gouvernement propose une réforme avec la hausse de l’âge légal de départ en retraite de 62 à 64 ans, un passage accéléré à 43 ans de cotisations et une mise en vigueur rapide en septembre 2023. Ceci provoque la colère des syndicats, le silence du patronat et ses oppositions sur des mesures de pénibilités et d’usure professionnelle, ainsi que des réactions hostiles de la plupart des partis politiques. Beaucoup de salariés ignorent les conséquences de la dernière réforme, appelée réforme Touraine de 2014.
La réforme Touraine (du nom de la ministre de la Santé PS de l’époque), promulguée en 2014 mais enclenchée en 2020, allonge progressivement le nombre de trimestres nécessaires pour obtenir une réforme à taux plein :
Le gouvernement d’Élisabeth Borne, en plus du report de l’âge légal de 62 à 64 ans, choisit d’accélérer la réforme Touraine, en augmentant plus rapidement le nombre de trimestres à valider, soit un trimestre supplémentaire par an jusqu’à la génération 1973. Les plus gros efforts porteront sur les générations 1961 à 1968. Par cette réforme le gouvernement privilégie un équilibre financier en 2030 avec un gain financier de 17,7 milliards d’euros. L’âge de départ à la retraite passe de 62 à 64 ans :
Tous les syndicats appellent à la mobilisation : toucher à l’âge de départ à la retraite est pour tous les syndicats un casus belli y compris pour les syndicats réformistes qui privilégient depuis longtemps d’agir sur le nombre de trimestres ou l’augmentation des cotisations avec des exceptions pour les salariés ayant commencé à travailler tôt. Depuis plusieurs décennies, ces derniers réclament une réforme de retraite universelle à points pour rendre plus juste et équitable notre système par répartition. De plus, plus de 40 %de salariés ne sont plus au travail en fin de carrière, cela concerne ceux et celles qui ont travaillé tôt, dans des métiers pénibles, ceux et celles qui ont eu des carrières hachées (notamment les femmes), des accidents du travail ou des handicaps et tous ceux qui sont sans emploi. D’autre part, ils considèrent que même si la question du financement existe, les déficits prévus ne remettent pas en cause le système par répartition et qu’il existe d’autres moyens de les réduire.
Le conflit social était donc inévitable. Une première journée d’action qui va rassembler pour la première fois depuis 2010 toutes les organisations syndicales est prévue le 19 janvier. Elles devraient de nouveau se réunir le soir de cette journée pour envisager la suite. Si certaines fédérations de la CGT (énergie ou transport notamment) envisagent de durcir le mouvement au point de bloquer le pays, d’autres organisations n’y sont pas prêtes. Ainsi, la CFDT a déjà précisé, tout en affirmant son hostilité à la réforme, qu’elle « ne veut pas bordéliser la France ».
Après plusieurs concertations avec les syndicats le gouvernement a pris en compte dans sa réforme quelques aménagements pour plus d’égalité entre les régimes, pour ceux qui ont travaillé tôt, pour les métiers pénibles et pour les carrières hachées et il a renvoyé à la négociation interprofessionnelle (entreprises et branches) certaines dispositions.
Face à l’hostilité du patronat, le gouvernement refuse de réintégrer les 10 critères de pénibilité dans le C2P (compte professionnel de prévention) avec les critères port des charges lourdes, posture pénibles, vibrations mécaniques… Il propose d’abaisser le seuil de certains facteurs d’exposition aux risques professionnels (travail de nuit, travail en équipes…) et de créer de nouveaux droits (congé de reconversion professionnelle) avec la création d’un fond d’un milliard d’euros sur 5 ans pour la prévention de la pénibilité et de l’usure professionnelle :
Le taux de l’emploi des séniors est un des plus bas d’Europe. Comment redonner toute la place aux séniors en entreprise ? Les entreprises doivent prendre toute leur part pour y parvenir :
Le Medef se dit hostile à ces propositions : « Nous restons opposés au principe de cet index » affirme Geoffroy Roux de Bézieux et du contrôle sur les bonnes pratiques ainsi que du « pourcentage minimal de séniors » dans les entreprises. Dans l’attente d’une négociation, il demande des critères objectifs (taux d’accès à la formation, nombre de visites médicales de mi-carrière…) dont les modalités seraient négociées par branche ». Quant aux syndicats réformistes ils attendent des mesures beaucoup plus contraignantes pour les entreprises pour faire progresser le taux d’emploi des séniors.
Le gouvernement présentera son projet de réforme des retraites le lundi 23 janvier en Conseil des ministres, le 30 janvier en examen de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale et le lundi 6 février 2023 en séance publique dans l’hémicycle. Les mesures de réforme seront contenues au sein d’un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale (PLFRSS). Cette décision permettra à la Première ministre d’utiliser, autant de fois qu’elle le souhaite, l’article 49 alinéa 3 de la constitution, lequel permet de faire adopter un texte sans vote.
Références