Le rapport du COR (septembre 2022) sur le financement du système de retraite confirme : après avoir enregistré des excédents en 2021 et 2022 le système de retraite serait déficitaire en moyenne sur les 25 prochaines années à taux de cotisation inchangé. Toutefois, notre système de retraite est aussi financé par des contributions de l’État destinées à assurer l’équilibre financier du régime de la fonction publique de l’État et de certains régimes spéciaux (SNCF, RATP, régimes des mines, marins ou régimes des ouvriers de l’État). Le COR a décidé de présenter deux conventions comptables :
- Celle concernant le régime de l‘État et certains régimes spéciaux (EPR : équilibre permanent des régimes) qui reflète la législation actuelle du système de retraite et qui sert de base aux débats sur les lois de financement de la sécurité sociale. Elle présente l’intérêt d’alerter sur le besoin de financement des régimes ne bénéficiant pas de subventions d’équilibre.
- La convention EEC (effort constant de l’État) qui permet de mettre en lumière les redéploiements des flux financiers entre les différents régimes, dès lors que la contribution de l’État au financement des retraites resterait constante en part de PIB.
Un consensus s’est dégagé pour une révision à la baisse des cibles d’évolution de la productivité du travail sur la base des 4 scénarios du COR. Le scénario le moins favorable correspond à la productivité horaire moyenne enregistrée au cours de la dernière décennie (2009-2019).
- Pour le gouvernement « le système sera déficitaire, quelles que soient la convention, les hypothèses de productivité ou de chômage retenues ».
- Pour le COR, « rien ne permet d’anticiper que la conjoncture économique sera particulièrement déprimée sur la période 2028-2032. À plus long terme, malgré le vieillissement de la population, la part des dépenses de retraite dans la richesse nationale serait stable ou en diminution ».
- Dans son rapport, le COR constate qu’il n’y a pas de dérives du système. Le déficit projeté de 12 milliards d’euros pour 2027 ne représente que 3,7 % des 324 milliards de dépenses de retraite par an.
Le système actuel de retraite : l’âge de départ en retraite est en principe de 62 ans (sauf si on bénéficie de système spécifique ou du système de carrières longues de plus en plus restrictif). Pour avoir droit à une retraite complète il faut avoir cotisé 166 trimestres pour les années 1957 mais 170 trimestres pour les années 1967 ou 172 trimestres (43 annuités) à partir des années 1973.
- Le salarié qui n’a pas ses trimestres peut bénéficier du dispositif de l’âge automatique de la retraite à taux plein s’il prend sa retraite à 67 ans. Cela ne signifie pas qu’il percevra une retraite complète mais que ses trimestres cotisés ne seront pas diminués par une décote.
- Un trimestre retraite s’acquiert dès lors qu’on a été payé 150 fois le montant du Smic horaire brut. En 2021, il faut avoir reçu un salaire brut au cours de l’année de 1537,50 euros pour valider un trimestre.
- Certains trimestres ne sont pas cotisés, ils sont dits « assimilés » : maternité, service militaire…
Le problème des seniors. En France, l’âge est le premier discriminant en matière d’emploi : un candidat âgé de 48 à 50 ans a trois fois moins de chances que le candidat de référence d’obtenir un entretien d’embauche, quels que soient sa catégorie professionnelle, le secteur d’activité, la taille de l’entreprise ou le bassin d’emploi :
- Les salariés de 50 à 54 ans ont cinq fois moins de chances d’accéder à la formation professionnelle que les 25-29 ans. Le taux du chômage des plus de 50 ans est largement supérieur à la moyenne.
- Le taux d’emploi des 55-64 ans en France est un des plus bas de l’Union européenne, il est de 56 %. L’âge médian de sortie du marché du travail reste stabilisé à 58 ans malgré la réforme des retraites en 2003.
- La proportion de séniors en emploi s’accroit avec le niveau de diplôme. La proportion des embauches en CDD est supérieure à celle constatée pour les autres classes d’âge. Le travail à temps partiel est plus répandu chez les séniors.
- Seul un sénior sur trois (60-64 ans) est en activité au moment de partir en retraite (en dessous de la moyenne européenne). S’il est indemnisé, il est soit au chômage, soit en invalidité, soit il bénéficie de minima sociaux.
En France, l’espérance de vie d’un ouvrier est inférieure de plus de six ans à celle d’un cadre. Et les 5 % les plus riches vivent 13 ans de plus que les 5 % les plus pauvres. Si certains métiers bénéficient de départs anticipés (personnels de soins, policiers, douaniers, agents de conduite SNCF...), ce n’est pas le cas des métiers à pénibilités multiples. Fixés en 2014 et appliqués en 2015-2016, les critères de pénibilités sont passés de 10 à 6 en 2017 (sachant que le critère chimique cancérogène a été exclu des critères de pénibilité, alors qu’ils sont 1,8 million de personnes exposées à cette nuisance). Le système de prise en compte est devenu plus complexe :
- Il convient à l’employeur de déclarer, chaque année, si un salarié est exposé à tel ou tel facteur. Ne sont pris en compte que deux facteurs au maximum, or un salarié sur trois subit au moins 3 contraintes physiques selon la DARES.
- Ce sont en majorité des ouvriers et des employés qui sont concernés.
- De plus pour la formation, aucun point n’est réservé dans le compte pénibilité pour les salariés nés avant 1960 et seuls 10 points acquis sont réservés à la formation pour les salariés nés entre 1960 et 1962 inclus.
- Les personnes de 50 à 59 ans qui ont été durablement exposés à des pénibilités physiques sont moins souvent en bonne santé et moins souvent en emploi, notamment quand elles ont cumulé plusieurs critères de pénibilité.
Le Conseil d’orientation des retraites (COR), dans un rapport de 2008 constate que certaines redistributions sont défavorables aux salariés les plus modestes par le calcul de la durée d’assurance qui désavantage les carrières longues ou par la référence aux 25 meilleures années de carrière, mécanisme qui favorise les carrières ascendantes.
- Un système pénalisant pour les bas salaires, pour les non-cadres, pour les salariés aux carrières hachées dont les femmes qui ont la charge de la vie familiale (enfants, parents…) avec des arrêts de travail ou des temps partiels.
- Pour les salariés de la 2ème ligne, ils sont deux fois plus souvent en contrats courts que l’ensemble des salariés, ils perçoivent des salaires inférieurs de 30 % environ, ils ont de faibles durées de travail hebdomadaires, ils connaissent plus souvent le chômage et ils ont peu d’opportunités de carrière.
Choisir un critère d’âge de départ universel à la retraite ne tient pas compte des différences multiples des parcours de vie, liés aux niveaux scolaires, à l’âge d’entrée dans la vie active, aux inégalités de santé, à la pénibilité des différents métiers, à l’exposition des matières dangereuses, à l’impact sur l’espérance de vie sans incapacité, au fait que nombre de quinquagénaires ont commencé très tôt et ont été exposés de manière durable aux contraintes imposées par le travail industriel.
Les évolutions démographiques à venir bouleversent cette situation, le départ en retraite précoce et généralisé peut sembler contradictoire avec l’objectif visant à faire remonter le taux d’activité pour les personnes âgées de plus de 55 ans. Deux interrogations demeurent :
- Quelle peut être la légitimité d’un départ précoce à la retraite fondé sur des critères de la pénibilité au travail ?
- Comment inciter les entreprises à prévenir et à gérer le vieillissement des salariés de telle sorte que leur maintien en activité soit possible sans altération de l’état de santé des salariés ?
L’âge de départ à la retraite est relativement précoce en France en comparaison des autres pays européens, même si les maladies en fin de carrière sont plus importantes en France. Reprenant les chiffres issus du rapport du COR, le ministère du Travail évoque 3 options : reporter l’âge légal à 64 ou 65 ans, augmenter la durée de cotisation, modifier le barème décote/surcote. Il propose la création de droits nouveaux pour les assurés et une possible refonte des relations financières entre les différents régimes.
Références