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Les clés du social : Rétablissement du jour de carence dans la fonction publique

Rétablissement du jour de carence dans la fonction publique

Publié le 29 novembre 2017 / Temps de lecture estimé : 3 mn

L’Assemblée nationale vient de voter le rétablissement, dans le cadre du budget 2018, d’un jour de carence dans la fonction publique en cas d’arrêt maladie (article 48). Lorsque le jour de carence est appliqué, le premier jour d’arrêt maladie n’est pas rémunéré. Il s’agit pour le gouvernement d’un moyen de réduire l’absentéisme. Le jour de carence avait été mis en place en janvier 2012 sous le mandat de Nicolas Sarkozy puis supprimé en 2014 par François Hollande.
Deux questions se posent. La mesure est-elle efficace pour réduire le nombre d’arrêts maladie, d’une part, et d’autre part est-ce une mesure d’égalité avec les salariés du privé qui, eux, sont assujettis à 3 jours de carence ?

Une promesse de campagne d’Emmanuel Macron

Le rétablissement d’un jour de carence dans la fonction publique est un engagement de campagne d’Emmanuel Macron. Le gouvernement l’avait annoncé dès juillet pour « lutter contre le micro-absentéisme qui désorganise les services, alourdit la charge de travail des collègues en poste et coûte environ 170 millions d’euros par an ».

La mesure est-elle efficace pour réduire le nombre d’arrêts maladie ?

Une étude de l’INSEE qui vient fort opportunément de paraitre permet de répondre à la fois « oui » et « non » à cette question complexe. Selon l’Insee, le jour de carence appliqué en 2012 et 2013 a réduit de moitié les absences pour raisons de santé de deux jours, mais augmenté celles de longue durée pour les fonctionnaires. Ainsi, le rétablissement du jour de carence n’a pas fait baisser l’absentéisme global des fonctionnaires. Si l’on étudie cet absentéisme sur une semaine donnée, le nombre d’agents absents pour raison de santé demeure stable, carence ou pas. Et puisque les questions de comparaison existent, l’absentéisme est toujours nettement plus élevé dans le privé que dans la fonction publique : c’était le cas de 2,91 % des fonctionnaires en 2014, contre 3,68 % des salariés du privé.

Du côté des collectivités locales, une étude réalisée pour le groupe d’assurance Sofaxis, en 2014, montre que l’instauration du jour de carence est corrélée avec une nette diminution des arrêts maladie de courte durée. En 2012, lorsque la mesure était en vigueur, les arrêts maladie d’une journée avaient ainsi diminué de 43 %. Cette même étude, en 2016, montre aussi que les arrêts maladie de longue durée (plus de 15 jours) ne cessent de progresser d’année en année dans la fonction publique territoriale. 9,5 agents étaient absents en moyenne en 2016 contre 9,3 % en 2015. La hausse atteint 28 % en 2 ans. Selon le cabinet, elle s’explique par le vieillissement des agents et la pénibilité des métiers.

La mesure permet-elle plus d’égalité entre salariés du privé et fonctionnaires ?

Dans le privé, la carence est de trois jours, les salariés ne sont donc, en principe, payés qu’à partir du quatrième jour non travaillé. Mais dans les faits, la réalité est autre. Pour deux salariés sur trois, l’entreprise ou les complémentaires compensent l’absence de prise en charge par la Sécurité sociale.

Une enquête de 2009 sur la protection sociale complémentaire d’entreprise montre que « 64 % des salariés du privé bénéficient d’une prise en charge totale des trois jours de carence ». Mais, cette couverture est inégalement répartie suivant la catégorie professionnelle : près de 80 % des cadres sont pris en charge dès le premier jour de maladie, contre seulement 51 % des ouvriers. L’argument de l’égalité ou de la justice entre public et privé est donc à relativiser.

Ce que cette mesure révèle pour les syndicats

La mesure ne fait pas l’unanimité et les syndicats ont eu des mots durs. Ainsi la CGT Fonction publique considère que cette annonce est « une véritable insulte et un énième mauvais coup porté aux garanties et droits sociaux des fonctionnaires ». Bernadette Groison, de la FSU, conteste l’argument égalitaire mis en avant par le gouvernement pour justifier le rétablissement du jour de carence dans la fonction publique. Car pour elle, « Il n’y aura pas d’égalité entre les deux, puisque trois-quarts des salariés du privé - et tant mieux pour eux - ne payent pas cette journée de carence prise en charge par les conventions collectives ». De même pour l’Uffa-Cfdt « ce système culpabilisant est injuste et inefficace ».

Au-delà, la question reste posée sur la façon d’améliorer la santé au travail, ce que révélait déjà la grande enquête de la CFDT sur le travail. Le vieillissement de certaines catégories de la fonction publique, l’allongement de la période d’activité combinée à des tâches physiquement éprouvantes appellent une réaction des autorités. Les arrêts maladie de longue durée (plus de 15 jours) ne cessent de progresser d’année en année.

Enfin, l’égalitarisme n’est pas toujours l’égalité. Et en la matière la comparaison public/privé est biaisée et certains arguments politiques utilisés sont simplificateurs et nuisent à l’image des fonctionnaires.