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Les clés du social : Alerte au racisme, à l'antisémitisme et à la xénophobie

Alerte au racisme, à l’antisémitisme et à la xénophobie

Publié le 24 août 2024 / Temps de lecture estimé : 3 mn

La Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) a publié au mois de juin le Rapport 2023 sur la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie. Et la concomitance avec l’actualité politique, dominée par les élections européennes puis législatives et la progression de l’extrême-droite, est saisissante car le principal enseignement est le spectaculaire recul du niveau de tolérance dans la société française en 2023. La Commission nationale avait appelé le gouvernement sortant (qui n’a pas daigné recevoir officiellement le rapport) à s’engager réellement dans la lutte contre le racisme sous toutes ses formes. Un dossier prioritaire pour les futurs responsables de la politique gouvernementale.

Le 34ème rapport annuel

La CNCDH est la rapporteure nationale indépendante sur la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie. Les chercheurs mesurent chaque année à partir d’enquêtes de terrain le niveau de tolérance des Français et dressent un état des lieux du racisme en France. Le rapport s’appuie aussi sur des outils complémentaires comme les bilans statistiques du ministère de l’Intérieur et du ministère de la Justice, la plateforme de signalement en ligne des contenus ou des comportements illicites sur internet, les enquêtes sur l’état de l’opinion et les enquêtes de « victimation » de l’INSEE.

Un recul du niveau de tolérance

Sur une échelle de 0 à 100, le niveau de tolérance fléchit de 3 points en un an par rapport à 2022, pour tomber à 62. Pour le sociologue Vincent Tiberj, chercheur au centre Émile Durkheim de Sciences Po Bordeaux et coauteur du rapport, il s’agit d’un recul « conséquent et rare ». Il met en lumière les liens nuancés entre ces chiffres et les événements politiques actuels.

Pour lui,

« Aucun événement ne produit en lui-même de l’intolérance : cela dépend du cadrage politique et médiatique qui en est fait. Les attentats du 11 Septembre ont été suivis d’une montée du racisme aux États-Unis, tandis qu’après ceux du 13 Novembre en France, la tolérance a augmenté. Cela s’explique par la différence des réponses qu’ils ont déclenchées, pas seulement de la part des gouvernements, mais aussi des médias, des intellectuels, de la société civile… En France, ce n’est pas le racisme qui a explosé, mais sa politisation ».

Les points essentiels à retenir

La tolérance recule et les actes racistes sont en très forte augmentation

  • Si l’indice de tolérance recule de 3 points, la tolérance recule à l’égard de toutes les minorités, mais la plus forte baisse concerne les Juifs (68 sur 100, contre 72 sur 100 l’année précédente). La hiérarchie de l’acceptation perdure dans le temps : les groupes les mieux acceptés étant les Noirs et les Juifs, suivis des Maghrébins, puis des Musulmans. Et les groupes les plus rejetés étant les Roms et les Gens du voyage.
  • Parallèlement l’année 2023 est marquée par une très forte augmentation des actes racistes (+32 %), avec en particulier une explosion des actes antisémites (+284 %). Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette évolution très préoccupante, au-delà des réactions à l’attaque terroriste du 7 octobre et aux opérations militaires d’Israël : la polarisation des débats relatifs au projet de loi Asile et Immigration, les émeutes qui ont suivi la mort de Nahel tué par un tir policier, l’attentat djihadiste contre le professeur Dominique Bernard à Arras, les violences qui ont
    suivi la mort de Thomas à Crépolet, les discours de certains politiques de tous bords confondus.

Une forte charge contre le gouvernement

Le rapport dénonce la trop faible mobilisation du gouvernement. Pour Jean-Marie Burguburu, président de la CNCDH : « Le gouvernement s’est montré trop attentiste alors que les actes antisémites explosaient dans le pays à la suite du 7 octobre. Il aurait dû mobiliser tout de suite l’appareil de l’État, en accélérant la mise en œuvre du Plan national de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations adopté par Élisabeth Borne début 2023 ».

Pour la Commission nationale, lutter contre l’impunité doit être une priorité absolue. Selon les enquêtes de victimation de l’INSEE, 1 million de personnes estiment avoir subi au cours de l’année au moins une atteinte raciste mais 96 % d’entre elles ne portent pas plainte. Au ministère de la Justice, en 2022, 55 % des affaires à caractère raciste étaient classées sans suite. Le rapport estime que le faible nombre des condamnations nourrit le sentiment d’impunité des auteurs, la défiance des minorités vis-à-vis des institutions comme leur sentiment d’insécurité.

Conclusion

La CNCDH dénonce les propos stigmatisants et discriminatoires de certains responsables politiques, largement relayés par des media d’opinion. Les effets de ces propos entrainent la banalisation de l’expression de la haine dans la société, alimentant le rejet de l’autre, la discrimination et la violence.

« La lutte contre le racisme ne peut s’inscrire que dans le cadre universaliste des droits humains. Non seulement ce cadre est celui inscrit dans notre Constitution, mais il est surtout celui qui garantit l’efficacité des politiques publiques. » rappelle Jean-Marie Burguburu.


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